007 Spectre, Sam Mendes

Le titre du nouveau James Bond1 ne doit rien au hasard : 007 Spectre est le seul film dans la saga qui adopte le nom de la mythique organisation criminelle imaginée par Ian Fleming. C’est aussi le premier long-métrage à utiliser ce nom et celui d’Ernst Stavro Blofeld depuis Jamais plus jamais, sorti en 1983. Suite à une triste affaire judiciaire, la société EON Productions qui était seule propriétaire des droits sur la saga a été obligée d’abandonner quelques éléments propres à James Bond et en particulier le SPECTRE qui faisait pourtant office de grand méchant dans presque tous les premiers films. Cette vieille histoire a été finalement réglée en 2013, ce qui permet à la saga d’exploiter à nouveau le Spectre et ses personnages. 007 Spectre annonçait la couleur et on n’est pas déçu de ce point de vue : l’organisation est au cœur du film. Ressusciter le plus grand ennemi de James Bond, c’est une bonne idée, mais est-ce suffisant pour faire un bon film ? Hélas, les scénaristes ont pensé que oui, mais le long-métrage de Sam Mendes prouve précisément le contraire. Un peu long et handicapé par une nostalgie au premier degré, le dernier James Bond n’est pas un très bon volet.

007-spectre-mendes

La traditionnelle scène avant le générique, passage obligé de tous les James Bond, pose déjà problème. Normalement, c’est une séquence intense, pas nécessairement liée à l’intrigue principale, mais qui permet de se mettre dans le bain avec une course-poursuite, une évasion, bref quelque chose d’un petit peu spectaculaire. Sam Mendes choisit de suivre la même voie que dans Skyfall, l’épisode précédent qu’il avait déjà réalisé et cette scène pose déjà un pied dans l’histoire générale. Ce qui n’est pas une mauvaise idée et d’ailleurs, le problème n’est pas là, mais plutôt dans son rythme. 007 Spectre commence par une séquence à Mexico, pendant la fête des Morts et cette ouverture semble interminable. On suit l’espion pendant plusieurs minutes sans comprendre ce qu’il fait et même la fin avec l’hélicoptère ne parvient pas à susciter plus d’intérêt. Tout ce début ne lance pas vraiment le long-métrage, elle le retarde et on n’a qu’une hâte, c’est que l’intrigue principale se mette en place. Comme le titre l’indiquait clairement, le Spectre est au cœur des enjeux ici et dès le départ, on retrouve le fameux logo de l’organisation, avec une bague marquée de la pieuvre. Sam Mendes exploite une piste assez classique dans la saga, mais qui a fait ses preuves, à savoir l’exclusion du personnage principal. On apprend que James Bond était au Mexique sans autorisation, il est suspendu et en profite pour mener l’enquête dans son coin. L’idée n’est pas mauvaise, mais elle a le défaut de n’être qu’un prétexte pas vraiment utilisé. L’agent 007 a beau être viré du MI6, il va quand même voir Q et repart avec ses gadgets et sa voiture. Fort heureusement, les scénaristes imaginent que l’organisation est infiltrée par un agent du Spectre qui fait tout pour fermer le département, M, Moneypenny, Q et évidemment James Bond. Là encore, 007 Spectre n’est pas très original, mais exploite judicieusement l’idée d’une surveillance générale et internationale qui ringardiserait les agents secrets. C’est plutôt bien trouvé, mais on en vient au plus gros défaut du film : la nostalgie.

spectre-mendes-craig

Skyfall se moquait gentiment des gadgets qui ont fait la gloire passé de la saga. James Bond n’avait droit de Q qu’un pistolet avec détecteurs d’empreintes et un transmetteur radio énorme par rapport à ce que l’on sait faire aujourd’hui. Et le quartier-maître de lancer que les stylos explosifs n’étaient plus à la mode. Ce clin d’œil lancé vers le passé était l’occasion d’une excellente scène et le précédent film de Sam Mendes, dans son ensemble, se faisait un plaisir de lancer des coups d’œil dans le rétroviseur de la saga, tout en allant résolument de l’avant. Pourquoi 007 Spectre n’a pas suivi cette voie ? Ce nouveau film est, au contraire, constamment dans la nostalgie et se contente de renouveler l’histoire de la saga, plutôt que d’innover en construisant sur le passé. Ce n’est pas seulement le retour du Spectre, qui n’est plus lié directement à la Guerre Froide, mais qui reste très proche du modèle original. C’est aussi une foule de détails, des passages obligés que l’on pensait oubliés. James Bond a droit à nouveau à des gadgets et pas à n’importe quels gadgets : une Aston Martin flambant neuve qui crache du feu et qui est dotée d’un siège éjectable ainsi qu’une montre explosive. Que des gadgets déjà vus et revus par le passé et qui sont traités ici au premier degré2, un mal qui touche tout le film. Passons sur le chat ou la cicatrice de Blofeld, comment peut-on imaginer une structure tentaculaire et maléfique présente dans tous les pays en 2015 ? C’est risible et cela passerait dans un film qui ne se prendrait pas au sérieux, mais 007 Spectre reste toujours au premier degré, même quand cette organisation secrète se réunit pratiquement au grand jour, dans une immense salle à Rome. Après la finesse d’écriture d’un Casino Royale ou de Skyfall, revenir à ces clichés est décevant et l’idée de rattacher tous les films de l’ère Daniel Craig au Spectre est vraiment ridicule et ne tient pas la route. Sans compter que Christoph Waltz est ici assez moyen dans le rôle de Blofeld : lui qui parvenait à incarner des méchants glaçants n’a pas assez de place dans ce film pour construire un personnage crédible et il fait le service minimum. On espérait beaucoup plus et il y avait certainement matière à faire plus, mais le film de Sam Mendes aurait du choisir entre la nostalgie ou le premier degré. Les deux ne fonctionnent pas bien ensemble et on a souvent l’impression de voir le remake d’un vieux James Bond à peine modernisé. La saga avait réussi à trouver un ton plus contemporain et c’est frustrant de la voir ainsi reculer à nouveau.

007-spectre-daniel-craig-lea-seydoux

En tant que blockbuster, 007 Spectre souffre aussi de quelques longueurs et d’un manque d’action, même si le final très impressionnant vient un peu corriger cette impression. Mais dans l’ensemble, Sam Mendes parie plutôt sur la psychologie sans parvenir à créer des personnages vraiment passionnants — Daniel Craig est très bien, mais ce n’est pas un acteur très subtil et Léa Seydoux ne s’en sort pas trop mal, mais on ne croit pas vraiment à son histoire d’amour — et le côté divertissant que l’on attend d’un tel film en pâtit. La bande-originale de Thomas Newman est assez paresseuse et à l’arrivée, on ne s’ennuie pas vraiment, mais pas loin. 007 Spectre est le premier épisode qui peut exploiter l’organisation maléfique depuis plus de trente ans, mais était-ce bien nécessaire de le faire ? Sam Mendes n’a pas réussi à le faire bien, et c’est bien dommage… Reste maintenant à savoir comment la saga pourra repartir !

James Bond reviendra dans Mourir peut attendre


  1. C’est surtout vrai pour le titre original. Pourquoi diable ajouter quoi que ce soit à Spectre ? Les Français sont-ils stupides au point d’avoir besoin d’un rappel qu’il s’agit bien d’un James Bond ? Bref. 
  2. Pour être tout à fait honnête, les scénaristes ont bien tenté quelques pointes d’humour lors de la course-poursuite en voiture. Mais ces tentatives semblent si forcées qu’elles ne sont pas convaincantes.