Super 8, J.J. Abrams

Le troisième et dernier film de J.J. Abrams est, sans surprise, le parfait blockbuster estival, tendance pop-corn. Super 8 est aussi un film qui effectue un retour en arrière : assumant pleinement son côté nostalgique, le film se déroule à la toute fin des années 1970 et il est pensé et tourné comme un film de cette époque. Exercice de style vain ou hommage réussi ? Peu importe à vrai dire : le film offre du grand spectacle à très haut niveau et une histoire qui entraînera autant ceux qui ont connu les films de cette époque que les plus jeunes. Après un début extrêmement réussi, Super 8 tombe malheureusement dans ce travers si courant dans le cinéma grand public en cherchant à tout expliquer. Pas de quoi gâcher la séance, toutefois.

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Été 1979, une bourgade de l’Ohio est endeuillée par la disparition d’une ouvrière à l’usine locale. Joe, son fils, souffre au moins autant que Jackson, son mari : ce dernier, adjoint au shérif, doit assumer pour la première fois seul son rôle de père et il n’est pas vraiment pas du tout à l’aise. Heureusement, Joe trouve du réconfort dans sa bande d’amis qui profite d’ailleurs de l’été pour tourner un film. Armés d’une caméra Super 8, dirigés par le réalisateur en herbe Charles, les cinq garçons tournent un film de zombies. Pour ajouter au scénario un peu d’émotion, ils font appel à une jeune fille légèrement plus âgée et qui accepte de jouer pour eux. Alors qu’ils tournent une scène à la gare désaffectée du coin, un terrible accident de train se produit sous leurs yeux. Un accident ? Non : comme ils le comprennent vite, cet accident provoqué par un de leur professeur est très louche et l’arrivée soudaine de l’armée ne fait que confirmer leurs craintes. Quel terrible secret veut protéger aussi activement l’armée américaine ?

La campagne marketing précédant sa sortie en salles l’a suffisamment répété pour que l’on ne l’oublie pas : Super 8 est un film nostalgique, bourré de références et tourné à l’ancienne. De fait, l’apparition du logo avec le vélo d’E.T. sur fond de pleine lune devrait faire remonter de nombreux souvenirs à tous ceux qui ont connu les films des années 1970 et 1980. Impression renforcée par la suite avec une plongée dans les années 1980 naissantes qui est extrêmement réussie et même troublante. J.J. Abrams s’applique à réaliser un film à l’ancienne, ce qui dépasse largement les quelques plans tournés avec une caméra Super 8 qui parsèment le film. Les clins d’œil et références abondent tandis que cette bande de jeunes qui entrent à peine dans l’adolescence rappelle forcément celle des Goonies. Le principe est d’ailleurs ici le même : quelques jeunes qui se battent contre un ennemi et qui réunissent sans l’intervention des adultes. J.J. Abrams a vu un peu plus grand que Richard Donner – l’armée américaine a remplacé la bande des Fratelli –, mais le principe reste et on retrouve aussi les mêmes personnages caricaturaux pour composer la bande.

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Comme toujours, l’hommage ou les références échapperont à une partie du public, d’autant qu’ils sont en général assez légers. Nul besoin de les comprendre pour apprécier Super 8 néanmoins. J.J. Abrams met en œuvre tous ses talents de réalisateur pour proposer un blockbuster estival explosif. La scène du déraillement du train est vraiment très bien réalisée et très impressionnante : alors que l’on a souvent vu des films donner dans la surenchère ces dernières années, cette scène est vraiment très bien réalisée et met la barre à une bonne hauteur. C’est d’ailleurs la scène la plus impressionnante de Super 8, même si les combats dans la ville par la suite ne sont pas en reste. Super 8 n’est pas qu’une série d’explosions époustouflantes, c’est aussi un film de science-fiction qui se construit autour du fameux mythe de la zone 51. Le train qui déraille transporte un extraterrestre que le gouvernement américain veut évidemment cacher de la population. J.J. Abrams a l’excellente idée de cacher la créature pendant toute la première partie du film : le spectateur comprend immédiatement ce qui se passe, mais on ne peut jamais mettre d’image sur la bête, ce qui la rend encore plus terrifiante. C’est justement quand Super 8 nous permet enfin de voir la créature que le film perd brutalement de son intérêt et décline. Le film devient brusquement beaucoup plus classique, la bestiole elle-même en rappelant des dizaines d’autres déjà vues dans des films (à commencer par Alien) et le scénario autour d’elle n’est pas beaucoup plus original. Le plus gros tort de Super 8 néanmoins est de ne pas faire confiance ses spectateurs : alors que le film de J.J. Abrams était fin et discret dans sa première partie, il devient lourd à vouloir tout expliquer dans un second temps. La différence est telle que Super 8 donne un peu le sentiment d’avoir déraillé lui aussi en cours de route : d’un film résolument adulte, il tourne peu à peu vers un film beaucoup plus grand public et plus spécifiquement pour les mêmes ados de 13 ans que ses héros.

La nostalgie passe aussi par la réalisation. Super 8 est un film moderne qui n’utilise pas d’effets à l’ancienne comme le faisait Quentin Tarantino dans Boulevard de la Mort par exemple. Le film a été réalisé avec les moyens actuels, mais le grain est accentué et la photographie du film rappelle les films de ces années là. Le rendu est discret, mais efficace et il permet à Super 8 d’éviter la désormais sempiternelle 3D en salle. La reconstitution est aussi très réussie, mais c’est bien le minimum que l’on pouvait attendre d’un film doté d’un budget de 50 millions de dollars. Seul véritable point noir côté technique, J.J. Abrams use et abuse de l’effet Lens Flare : c’était déjà le cas avec son Star Trek, mais il était alors peut-être plus naturel. Ici, il tombe comme un cheveu sur la soupe puisqu’il consiste en gros uniquement à afficher un trait bleu au milieu de l’image (l’affiche en donne un bon exemple). C’est déjà peu crédible quand il y a effectivement beaucoup de lumière, mais quand l’effet survient dans un terrier souterrain… Le résultat est moche et contre-productif, l’effet probablement souhaité (renforcer le réalisme de la scène ?) étant  contrecarré par le sentiment que quelque chose ne colle pas ((Cette vraie fausse bande-annonce résume parfaitement la situation.)). Heureusement, les jeunes acteurs sont tous très bien et parfaitement crédibles. Ils transmettent admirablement l’amour du cinéma que J.J. Abrams a partagé dans ce film. Le court-métrage réalisé par les ados est un bel hommage au cinéma et c’est peut-être le plus beau moment du film. On pourra critiquer le cinéaste sur beaucoup de points, mais certainement pas sur ça : il adore le cinéma, celui des blockbusters et de Steven Spielberg, et cela se voit.

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Super 8 est un film assez frustrant. Si son début est vraiment réussi, efficace et subtil, la fin pêche par la lourdeur de ses explications et sans doute aussi par le poids de l’hommage et du maître Spielberg, ici producteur. Super 8 aurait pu être un excellent blockbuster estival, il reste toutefois un très bon divertissement à voir en famille. Les plus grands pourront retrouver un cinéma disparu, les plus jeunes suivront la bande avec plaisir. Parfait pour les vacances, en somme.