Aladdin, John Musker et Ron Clements

Après une heure de gloire dans les années 1950 et 1960, le studio Walt Disney a connu un long passage à vide avant un retour au succès critique et public dans les années 1990. S’il ne fallait garder qu’un seul film pour résumer cette période, ce serait peut-être Aladdin1. John Musker et Ron Clements, le duo à qui le studio devait déjà La Petite Sirène qui a signé son retour sur le devant de la scène, reprend du service et part cette fois du côté de l’Orient pour adapter un nouveau conte. Le dépaysement est complet et c’est la première fois qu’un Disney se déroule au Moyen-Orient, mais on retrouve un prince et sa princesse. Une recette classique, mais maîtrisée à la perfection et légèrement revue et corrigée, pour un classique de l’animation. Aladdin séduit encore petits et grands avec son histoire colorée et rythmée, drôle et effrayante à la fois et portée par une bande-son oscarisée. À voir et à revoir sans se lasser…

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Si l’on pense évidemment aux Mille et Une Nuits, Aladdin mêle plusieurs inspirations pour composer sa propre légende. Dans les grandes lignes toutefois, le trente-et-unième classique d’animation Disney s’inspire d’un film des années 1920, Le Voleur de Bagdad. Dans les deux cas, un voleur des rues tombe amoureux d’une princesse et se fait passer pour un prince pour la séduire. La comparaison s’arrête toutefois assez vite : le scénario mis en image par John Musker et Ron Clements ajoute une bonne dose de magie avec l’idée du génie dans une lampe et de la confrontation entre Aladdin et un terrible rival. Par les décors, par l’ambiance, Aladdin vise sans conteste le Moyen-Orient, mais il s’autorise aussi des écarts plus à l’est, à l’image du palais qui pourrait sortir tout droit d’Inde. Des références multiples donc, pour composer un film assez classique chez Walt Disney. Dans la plus grande tradition du studio d’animation, on est ici dans le domaine du conte de princesse, même si on suit l’histoire du point de vue d’un homme. Les longs-métrages signés Disney qui ont un héros masculin sont finalement assez rares et c’est la première originalité du récit, d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’un prince, mais d’un voleur qui vit dans la rue. Le prince est atypique, mais la princesse n’est pas en reste : Jasmine refuse son statut et préfère fuir déguisée en mendiante plutôt que d’épouser n’importe lequel de ses prétendants, de vrais princes pourtant. Aladdin commence avec une situation initiale étonnante et des personnages inattendus et le récit continue par la suite de jouer sur l’identité trouble du héros. Pour autant, on retiendra surtout du travail de John Musker et Ron Clements qu’il représente une forme de perfection chez Walt Disney.

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À bien des égards, Aladdin atteint des sommets dans l’art des dessins animés de Walt Disney. Au cœur des années 1990, le film représente ce qui se fait de mieux dans les studios d’animation et même si l’électronique prend toujours plus de place — le tapis volant a été entièrement animé par ordinateur et la scène dans la grotte est elle aussi totalement numérique —, le dessin traditionnel à la main constitue encore l’essentiel. Sur la forme, John Musker et Ron Clements adoptent un trait volontairement simple et des couleurs exagérément vives, deux caractéristiques que l’on retrouvait déjà dans La Petite Sirène et que l’on retrouvera à nouveau dans Hercule par exemple. La patte des réalisateurs est sensible, mais au-delà du dessin, l’animation est très fluide et elle n’a pas vieilli. De manière générale d’ailleurs, le film supporte bien les années et son humour entremêlé de la belle histoire d’amour des deux personnages principaux fait mouche. Dès le prologue avec le commerçant, le spectateur est pris par cette promesse du jeune homme sans le sou qui séduit une princesse et Aladdin ne nous lâche ensuite jamais pendant une heure trente. Certaines séquences sont devenues cultes, tant dans l’humour — l’apparition du génie dans la caverne2 — que dans l’amour — la scène du tapis volant et du « Rêve bleu » qui a largement dépassé le film. Les enfants seront aux anges face à ce spectacle coloré et prenant, d’autant qu’il est pimenté par l’un des plus méchants de l’histoire de Disney. Les plus grands apprécieront les clins d’œil du génie et le caractère archétypal de l’ensemble : Aladdin est un Disney traditionnel, mais extrêmement bien maîtrisé. On en dira autant de la bande originale composée par Alan Manken et qui reste un classique du genre.

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Amusant, émouvant et bien rythmé, Aladdin est un délice pour toutes les générations. John Musker et Ron Clements s’adressent aux enfants évidemment, c’est après tout l’objectif premier de Walt Disney, mais ils n’en ont pas oublié pour autant les plus grands. S’il n’a pas l’audace scénaristique d’autres films avec sa trame générale très classique, ce long-métrage représente la quintessence du savoir-faire du studio dans les années 1990. Aladdin est une réussite qui a remporté les suffrages du public à sa sortie, mais qui reste encore un excellent divertissement.


  1. Ex-aequo avec Le Roi Lion, sans doute. 
  2. Un grand moment, qui doit beaucoup aux improvisations de Robin Williams qui a donné sa voix au personnage. C’est d’ailleurs la première fois, dans un film de Walt Disney, qu’une star est engagée pour un personnage…