L’amour est un crime parfait, Jean-Marie et Arnaud Larrieu

Par son titre d’abord, L’amour est un crime parfait semble n’être qu’un thriller de plus, l’adaptation d’une enquête à la Agatha Christie où tous les suspects sont réunis sur une grille sur l’affiche. Pourtant, ces indices ne sont que des leurres et Jean-Marie et son frère Arnaud Larrieu ne signent absolument pas un thriller conventionnel. Leur cinquième long-métrage de fiction évoque bien des disparitions et des meurtres, mais ce n’est pas vraiment son sujet. Difficile en fait d’établir très précisément le sujet de L’amour est un crime parfait, tant le film esquisse des pistes pour ne pas les suivre, tant il mêle les genres et semble ne pas savoir où aller. Une construction complexe pour un film passionnant, surtout en raison des performances de ses acteurs.

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Marc est un professeur de littérature à l’université. Tous les jours, il apprend à de jeunes étudiants à écrire, en particulier à écrire sur ou à partir de paysages. La littérature est indiscutablement la passion du héros de L’amour est un crime parfait et même s’il n’a pas su faire de l’écriture son métier — parfaitement lucide, il se sait incapable de produire de la grande littérature —, il vit de livres et de littérature. Et de femmes : le personnage d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu ne peut se passer de sexe et il est particulièrement friand de ses jeunes étudiantes. Le film ouvre d’ailleurs sur une séquence en voiture : Marc rentre chez lui, manifestement après le travail, avec une jeune femme qui est son étudiante. Barbara et lui font l’amour et au petit matin, c’est le blanc total : l’étudiante a disparu, le professeur ne se souvient de rien. Cette disparition ouvre l’intrigue policière du long-métrage : la jeune femme est introuvable et Marc ayant une solide réputation de coureur de jupons, la police s’intéresse rapidement à lui. Les frères Larrieu ont toujours été chercher du côté du surréalisme et si ce film est en comparaison beaucoup plus réaliste, on retrouve une touche d’absurde dans ces disparitions qui restent mystérieuses. L’amour est un crime parfait ne laisse guère planer de doute quant à la culpabilité de Marc, mais on ne sait ni comment, ni pourquoi il a fait disparaître Barbara. Plus étonnant encore, lui-même ne semble pas le savoir. Est-il un serial-killer qui ment extrêmement bien ou un type qui perd complètement la tête ? Le film se garde bien de donner une réponse dès le départ, entretenant un suspense bienvenu pendant la majorité du long-métrage. On ne dira rien de plus sur la résolution, mais disons simplement que le scénario sait entretenir certains mystères jusqu’à un point avancé du récit.

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L’amour est un crime parfait a des allures de thriller et l’enquête policière avance pendant les presque deux heures qu’il dure. Mais au fond, comme on l’évoquait en préambule, ce n’est pas le plus important, ce n’est pas vraiment le sujet du film. Jean-Marie et Arnaud Larrieu lancent presque une fausse piste en introduisant l’enquêteur qui pourrait être un personnage secondaire important, mais qui disparait bien vite. Le vrai sujet, ce serait plutôt les désirs de Marc, ses pulsions sexuelles, comme son amour naissant pour Anna, la belle-mère de Barbara qui vient se lamenter sur le campus. Ce professeur de littérature est tout bonnement incapable de résister à une jeune femme, surtout quand celle-ci lui fait des avances. Or toutes les jeunes femmes de son cours, mais aussi de l’université, semblent vouloir coucher avec lui. Le personnage principal de L’amour est un crime parfait n’est pas forcément beau, mais il est séduisant et il attire à lui toutes les jeunes filles, ce qui pose un problème moral en tant que professeur. Même s’il ne les respecte pas vraiment, les contraintes de morales imposées à Marc par la société sont constamment à l’écran. Elles sont chez lui, ou plutôt dans le chalet de montagne isolé qu’il partage avec sa sœur. Elles sont surtout sur son lieu de travail, où son supérieur le tance régulièrement. Le bâtiment où il enseigne lui-même semble le contraindre : tout en courbes et en transparences, le Rolling Center qui fournit l’un des principaux décors du film semble avoir été conçu par les deux cinéastes.

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Porté par de splendides décors montagneux et par une excellente bande originale composée par Caravaggio, L’amour est un crime parfait est un film surprenant à bien des égards. Le long-métrage s’oriente d’abord vers un thriller assez classique, mais la prestation exceptionnelle de Matthieu Amalric laisse entrevoir de la folie et les frères Larrieu nous perdent vite. D’autant que l’on aurait pu évoquer encore la relation presque incestueuse que le héros entretient avec sa sœur, Marianne (Karin Viard, très juste) et qui vient en conflit avec son amour naissant pour Anna (Maïwen, parfaite). Alors que le décor est souvent fait de transparences ou de surfaces vitrées, L’amour est un crime parfait avance masqué et c’est ce qui fait sa réussite.