L’étrange histoire de Benjamin Button, David Fincher

Depuis la publication de cet article, j’ai publié une nouvelle critique du film. Cet article est conservé à titre d’archive.

Ce soir, j’ai enfin vu L’étrange histoire de Benjamin Button par David Fincher. Depuis l’excellent Zodiac, ce dernier est devenu le réalisateur à la mode, et l’accueil critique quasi unanime sur ce nouveau film ne laissait présager que du bon. Malheureusement, les espoirs sont un peu déçus…

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L’étrange histoire de Benjamin Button, adaptation très libre d’une nouvelle de Fitzgerald, est d’abord une idée géniale. Un nourrisson naît avec le corps d’un nourrisson, mais l’aspect d’un vieillard de 80 ans, comme s’il avait déjà vécu une vie. Puis il remonte le temps jusqu’à mourir à 80 ans, mais avec l’aspect d’un nourrisson. Cet homme qui remonte le temps est une idée assez géniale, et elle l’est d’autant plus qu’elle se croise avec la vie de la femme aimée qui, elle va, dans le bon sens.

Le film est ensuite une prouesse technique inimaginable il y a encore quelques années à peine. Les deux acteurs principaux, Cate Blanchett et Brad Pitt, sont rajeunis ou vieillis grâce aux joies des effets spéciaux numériques. Le film commence par une Cate Blanchett à l’agonie et assez méconnaissable, si ce n’est par la voix. Mais le plus impressionnant est, bien sûr, Brad Pitt qui, du vieillard au jeune homme en passant par son état actuel « normal » réussit la prouesse d’être réaliste. Au début, on a du mal à le reconnaître, puis on retrouve ses traits habituels qui se précisent de plus en plus jusqu’à atteindre l’état actuel. Le rajeunissement est également très bien fait et réaliste, on a vraiment l’impression d’avoir un acteur d’une vingtaine d’années à l’écran.

Malheureusement, ni cette idée de base, ni la prouesse technique ne font un bon film. Le problème vient, je pense, de la technique justement : si celle-ci se fait suffisamment discrète pour ne pas s’imposer et écraser l’histoire, elle prend paradoxalement le dessus, l’air de rien, presque sans en avoir conscience. On a le sentiment que le réalisateur s’est incliné face à la technique, n’a pas su trop qu’en faire et à finalement produit un film assez froid. La photographie est magnifique, pas de doutes à avoir sur ce point, mais quelque chose cloche. J’ai passé beaucoup de temps à retrouver les traits du Brad Pitt actuel, au détriment de l’histoire elle-même.

Par ailleurs, Brad Pitt n’est pas très bon ici, et on l’a vu bien meilleur (notamment dans le récent Burn After Reading). Il manque d’expression et ne semble être touché par rien. Comme s’il avançait seul dans le film et se contentait de croiser la route de quelques personnages secondaires insignifiants, un peu à la manière d’un Picaro. Le film se résume tout entier au personnage et à son étrange pathologie, tout le reste n’est que secondaire. Dommage, car il y avait de très bonnes idées, comme celle de la maison de retraite en guise de maison d’enfance, ou de l’extravagant marin artiste.

D’autre part, le film m’a semblé vraiment lourd sur la symbolique. Au début du film, une horloge qui tourne à l’envers est installée à la gare de la Nouvelle-Orléans et le héros vient au monde. À la fin du film, elle est décrochée pour être remplacée par une autre qui tourne dans le bon sens, tandis que l’ancienne est coulée par Katrina et que notre héros meurt. Certes, on est dans un blockbuster et il ne faut pas s’attendre à une finesse psychologique sur développée, mais quand même.

Tous ces problèmes sont renforcés par la longueur du film. Il dure 2h40 et si je n’ai rien contre les films longs, cela pose un problème quand on en vient à trouver le temps long. Ce serait mentir de dire que je me suis ennuyé, mais il est vrai que je me suis impatienté à plusieurs reprises. Étant donné que l’on sait précisément quand le personnage mourra, on sait que l’on aura droit à toutes les étapes de la vie, et parfois, on trépigne un peu d’impatience je dois dire. Heureusement, la fin sur l’enfance est plus brève, sans doute parce que Brad Pitt ne jouait pas et qu’au vu de son cachet, son temps à l’écran a été maximisé. Dommage que le film soit trop long, je suis persuadé qu’il aurait gagné en étant plus court d’au moins 40 minutes, voire une heure.

Je ne dirais pas que L’étrange histoire de Benjamin Button est un mauvais film, non. Mais j’en attendais beaucoup, et j’ai été un peu déçu. Le film est, certes, magnifique, la réalisation très soignée (trop, peut-être ?), mais finalement, ça ne fonctionne pas vraiment et on est plus admiratif face à la prouesse technique que l’histoire proprement dite.

Comme le suggère le critique de Critikat, Kubrick a dit beaucoup plus et beaucoup mieux sur le temps dans la scène finale de 2001, odyssée de l’espace qui était beaucoup plus brève et dense, que David Fincher avec tout ce film. Je pense qu’il aurait gagné à être plus dense et plus bref.

Pour le coup, je ne comprends pas bien Télérama qui a vraiment aimé le film. Peut-être suis-je le seul responsable en étant resté insensible aux charmes du film ? À moins que ça ne soit eux qui se sont fait avoir, comme le suggère Critikat, par la « poudre numérique » du film ? En tout cas, sans aller forcément jusqu’à la critique du cinéma en général qu’ils font, je rejoins pour le coup l’avis de ce site.

Et c’est bien dommage, car j’aurais adoré aimer ce film…