Les Infiltrés, Martin Scorsese

Avec Les Infiltrés, Martin Scorsese revient à un genre qu’il affectionne particulièrement, puisque c’est à nouveau une histoire de mafia. Mais cette fois, l’inspiration vient de l’Asie : le long-métrage est en effet un remake du premier volet d’Infernal Affairs, une trilogie hong-kongaise. Néanmoins, l’inspiration asiatique ne se retrouve que dans l’idée de base et la trame générale du scénario, car l’histoire a été totalement adaptée à son nouveau contexte. C’est donc la pègre et la police de Boston qui servent de cadre au film, autour de l’excellente idée de deux infiltrés, l’un dans la mafia, l’autre chez les forces de l’ordre, qui essaient chacun de deviner qui est l’autre en premier. Mené à un rythme élevé d’un bout à l’autre, Les Infiltrés est un thriller prenant et qui se regarde d’une traite, sans voir le temps passer malgré ses 2h30. Une grande réussite !

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L’histoire racontée par Les Infiltrés est assez confuse, mais la mise en scène toujours parfaitement fluide de Martin Scorsese permet de la comprendre et de ne jamais se sentir perdu. L’introduction pose le parrain de Boston, Franck Costello, et sa relation avec Collin Sulivan, un jeune garçon qu’il prend sous son aile dès son plus jeune âge. Après cela, le cinéaste met en place un montage qui alterne entre les deux personnages principaux, sur un mode très littéraire. On découvre ainsi en même temps Collin, devenu un prometteur officier de la police de Boston et William Costigan Jr, qui tente quant à lui d’entrer dans la même police. Alors que tout va pour le mieux pour le premier, le second est handicapé par son histoire familiale : son père et son oncle appartenaient à la mafia et la police voit cet historique d’un mauvais œil. De quoi forcer la main du personnage en lui proposant une infiltration dans l’organisation criminelle de Costello : seuls deux policiers sauront qui il est vraiment, il agira sinon comme un vrai criminel, infiltré au plus haut niveau de la mafia de Boston. Et à l’inverse, Collin ne s’est jamais vraiment éloigné de son tuteur, qui est comme un père pour lui. Il est dans la police, officiellement à la tête du groupe qui doit lutter contre le crime organisé, mais il rend en fait des comptes à Franck Costello et à sa manière, lui aussi est infiltré. On a donc la base du film, un mafieux infiltré parmi les flics, et un flic parmi les mafieux. Martin Scorsese ne perd pas de temps à exposer cette situation initiale, alternant d’une scène à l’autre pour chaque personnage. Tout va ainsi très vite et Les Infiltrés se met en place rapidement, sans jamais perdre les spectateurs. La virtuosité du montage s’accompagne d’une maîtrise complète de l’histoire, ce qui permet au film d’avancer vite, mais d’avancer clairement. Ce n’est qu’après quelques minutes que le titre du film apparaît et que l’intrigue peut se mettre en place, ou plutôt la course contre la montre des deux protagonistes qui connaissent l’existence d’une taupe dans le camp adverse et qui savent qu’il leur faut la trouver avant l’autre.

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Inutile de résumer la totalité du film, on perdrait beaucoup à connaître la fin de l’histoire avant de voir le film. Et puis au fond, la résolution de l’intrigue principale, savoir qui va identifier l’autre en premier, n’est pas le plus intéressant, d’autant que Les Infiltrés ne s’arrête pas en si bon chemin et réserve d’autres surprises par la suite. Plus que la réponse à cette question, on apprécie la virtuosité du scénario et surtout son intensité. On est pris par cette course contre la montre et on craint souvent pour les deux personnages, qui semblent être toujours à la limite d’être dévoilés. Martin Scorsese réunit un casting impressionnant et sans aucune fausse note. Pour que l’on suive aussi bien les différents mouvements de l’histoire, pour que ce montage qui passe sans arrêt d’un contexte à l’autre pendant deux heures et demi ne soit pas une gêne, il fallait aussi de bons acteurs et on peut dire que cet objectif est rempli. Matt Damon et Leonardo DiCaprio jouent les deux infiltrés et il est rare de croiser les deux acteurs sur le même film, mais ils sont sans contexte d’excellents acteurs et leurs prestations ici ne fait pas figure d’exception. Ce n’est pas la première fois que le cinéaste donne un rôle à Leonardo DiCaprio et ça ne sera pas la dernière, il est ici parfaitement à l’aise pour incarner ce personnage toujours mal à l’aise, au contraire. Martin Sheen et Mark Wahlberg constituent quant à eux de très bons seconds rôles, mais tous ces acteurs sont quelque peu éclipsés par le jeu de Jack Nicholson. Il impose toujours une présence étonnante et trouve ici, à nouveau, un grand rôle pour dévoiler sa folie, parfaitement adaptée au personnage qu’il incarne. Le film atteint une autre dimension quand il est à l’écran et Les Infiltrés lui doit beaucoup. Même s’il faut d’abord, à nouveau, saluer le travail du réalisateur, qui parvient à tout faire tenir et à condenser en un seul film une histoire très riche. À bien des égards, ce long-métrage aurait pu être adapté en une série, mais on n’a jamais le sentiment de perdre au change.

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Avec ce remake, Martin Scorsese ne se contente pas de transposer un film asiatique à un contexte américain, même si ce travail a été parfaitement réalisé. Les Infiltrés a bien tous les atours du film américain qui rassemble d’ailleurs le gratin de Hollywood, mais il est aussi intéressant pour lui-même. Certes, l’intrigue n’est pas originale, mais la mise en scène et le montage le sont beaucoup plus. Même s’il n’est qu’un remake, Les Infiltrés mérite d’être vu… ce qui n’empêche pas de (re)voir Infernal Affairs, l’original venu d’Asie qui a aussi ses points forts à faire valoir…