Les Noces Funèbres, Tim Burton et Mike Johnson

Tim Burton n’est pas étranger à l’animation quand il se lance sur ce projet, mais Les Noces Funèbres est le premier film d’animation réalisé directement par le cinéaste. Pour ses deux précédents essais dans le domaine, L’Étrange Noël de monsieur Jack et James et la Pêche géante, il n’était que producteur et c’était Henry Selick qui se chargeait de réaliser, mais pas pour ce nouveau long-métrage. Alors même que le réalisateur tourne Charlie et la Chocolaterie, il supervise ce dessin-animé qui, peut-être que tout autre, représente à la merveille son univers. En se basant sur une vieille légende d’Europe de l’Est, Tim Burton raconte l’histoire de deux mariages, un dans le monde des vivants, l’autre dans le monde des morts. On pense souvent au travail de Walt Disney, mais Les Noces Funèbres pioche allègrement dans l’univers habituel du réalisateur et le ton y est en même temps assez adulte, entre critique sociale et vision délirante de la mort. Un excellent travail, qui n’a pas pris une ride : à (re)voir !

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Les Noces Funèbres est une comédie musicale partielle, une idée inspirée par les Classiques Disney, entre autres. La première séquence est ainsi chantée et elle sert à présenter les deux familles du « mariage d’en haut », celui des vivants. Tim Burton impose ostensiblement sa marque et on retrouve son goût pour les personnages caricaturaux, autant avec la famille de la mariée — issue de la Noblesse, mais sans argent — que celle du marié — d’anciens poissonniers qui ont fait fortune. L’opposition entre ces deux groupes sociaux est palpable et la chanson interprétée par ces quatre personnages ne laisse guère de doute sur ce point. Les nobles détestent ces nouveaux riches qu’ils sont obligés de considérer, faute d’argent. La mère de la mariée est une grande femme sèche et sévère, le père est un petit bonhomme tout rond et une véritable boule de nerfs. Si on a vu les autres réalisations de Tim Burton, on reste bien en terrain connu, mais c’est son univers, après tout. Et il n’y a pas que les personnages pour l’incarner au mieux : tout est marqué d’un côté gothique et alors même que l’on est du côté de la vie, il n’y a quasiment plus de couleurs et la mort semble omniprésente, ou alors à défaut, la maladie. Ces personnages ont l’air tous livides et ce ne sont pas les jeunes mariés qui changent ce constat. Lui, Victor, est un jeune maladivement timide, qui n’a jamais rien connu à la vie et qui se contente de suivre ses parents aveuglément, et sans même y penser. Elle, Victoria, est tout autant timide et elle rêvait petite de grand amour et de prince charmant, mais elle ne veut surtout pas faire de vagues. C’est pourquoi Les Noces Funèbres commence sur une répétition générale pour le mariage qui aura lieu le lendemain et évidemment, rien ne se passe comme prévu. Mis à part quelques minutes au piano qui illuminent la scène et les personnages, toute cette séquence inaugurale est complètement glaçante.

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Victor répète dans la forêt le serment qu’il doit prononcer pour épouser Victoria et sans le savoir, il épouse Emily, une femme morte il y a des années par la cause d’un promis qui n’est jamais venu. Jusque-là majoritairement sur la thématique sociale, le film nous embarque sur d’autres territoires, là encore bien connus de Tim Burton : le fantastique. Et alors que le village des vivants était morne et lugubre, la ville des morts qui se cache juste en-dessous est joyeuse et colorée. L’idée n’a rien de très original, mais elle est complètement maîtrisée par le cinéaste et Les Noces Funèbres s’en accorde à merveille. Là encore, on commence avec une chanson qui accueille le nouvel arrivant, même si Victor est encore bien vivant. Le film joue sur les contrastes pour opposer les deux univers : les couleurs sont vives, la chanson joyeuse, bref on passe un excellent moment. L’intrigue se déploie ensuite autour de l’amour du jeune homme pour Victoria, des manigances des parents de sa promise pour la remarier au premier type venu et de l’amour que développe Emily pour son nouvel époux malgré lui. Le scénario est très bien écrit, on ne s’ennuie pas et l’histoire avance avec une logique totale : on sent bien que Tim Burton est présent à tous les niveaux, de l’écriture à la mise en scène, en passant par le choix des acteurs. Derrière les personnages d’Emily et de Victor, on retrouve ses habitués Helena Bonham Carter et Johnny Depp et même leurs marionnettes leur ressemblent, loin de la caricature de la majorité des personnages secondaires. Oui, car même si cela ne se remarque pas forcément tout de suite — et c’est bien là, une preuve de la réussite technique du long-métrage — il ne s’agit pas d’animation traditionnelle, au crayon ou à l’ordinateur. Il ne s’agit en fait que de marionnettes dans des décors à taille réduite, un travail de fourmis qui a contribué à épurer l’action et les scènes. À l’arrivée, c’est une excellente chose et Les Noces Funèbres a une simplicité bienvenue, une sorte d’évidence même. Les mouvements de caméra sont fluides et toujours adaptés au contexte, on a bien le temps de profiter de l’univers déployé par Tim Burton… bref, c’est une réussite que l’on doit aussi à Mike Johnson. Et naturellement, à la musique si « burtonienne » composée par le fidèle d’entre les fidèles, Danny Elfman.

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Avec ce film d’animation, Tim Burton a condensé toute l’essence de son œuvre. Les Noces Funèbres est à la fois drôle de cet humour noir qui sied tant au réalisateur et touchant, il brasse toutes les thématiques habituelles chez le réalisateur, de la mort à la critique sociale, il rassemble des voix et une ambiance connus, il repose entièrement sur une ambiance gothique reprise de film en films. Ce n’est pas une critique néanmoins : même si Tim Burton se répète un petit peu avec ses dernières réalisations, on a ici une œuvre originale et surtout totalement cohérente. On voit bien que c’était un projet personnel et parfaitement maîtrisé, et le résultat s’en ressent : Les Noces Funèbres est une œuvre extrêmement plaisante à suivre et qui a techniquement très bien vieilli. Un excellent film d’animation, et même un excellent film tout court !