Peaky Blinders, Steven Knight (BBC)

Peaky Blinders nous plonge dans l’Angleterre de l’entre-deux guerres, au cœur de la mafia de Birmingham. Steven Knight s’inspire des vrais Peaky Blinders pour composer un récit qui s’éloigne de la réalité historique pour mieux embrasser une époque et une société. Loin du faste de carte postale des Années folles, la société décrite par la série est plongée dans la pauvreté et la violence. Une vision sombre, portée par d’excellents acteurs et une réalisation travaillée et très soignée. Et puis Peaky Blinders ouvre à chaque fois avec « Red Right Hand » et une série qui fait une part aussi belle à ce sublime titre de Nick Cave & The Bad Seeds mérite forcément d’être regardée.

Peaky blinders knight bbc

La série créée par Steven Knight pour la BBC se concentre essentiellement sur quelques personnages, mais c’est Thomas Shelby qui reçoit le plus d’attention. Ce jeune homme est à la tête des Peaky Blinders, un groupe mafieux de Birmingham qui vit de paris illégaux sur les courses de chevaux. Dès le premier épisode de Peaky Blinders, on voit bien qu’il est extrêmement intelligent et au moins aussi ambitieux. Il ne veut pas se contenter de la vie un petit peu misérable qu’il mène avec sa famille dans les rues sales de la ville. Et surtout, il ne veut pas que l’on se souvienne de son origine de gitan : il veut ressembler aux gentlemen londoniens, avoir la même allure et la même légitimité. Contrairement à d’autres séries sur la mafia, celle-ci tend en permanence vers la légalité même si, comme on peut s’en douter, ce n’est pas une voie facile. Mieux vaut éviter de trop en dire, car la série de Steven Knight contient plusieurs retournements de situation au fil de ses deux premières saisons, mais on peut néanmoins reconnaître la qualité d’écriture des personnages. Qu’importe si la réalité historique est parfois discutable — les vrais Peaky Blinders dataient plutôt de la fin du XIXe siècle que des années 1920 —, on est happé par cette reconstitution historique. Les décors sont très bien réalisés, mais on y croit surtout grâce aux personnages, tous excellents. Il n’y a aucun rôle un petit peu faible et il y a quelques acteurs exceptionnels. Dans le rôle principal en particulier, Cillian Murphy entre tout à fait dans cette catégorie : souvent cantonné aux seconds rôles, il prouve ici qu’il a tout d’un grand acteur et Peaky Blinders lui doit beaucoup.

Ce n’est pas le seul acteur qui mérite d’être loué, on doit aussi évoquer Sam Neill, parfait en policier impitoyable, ou encore Helen McCrory qui joue admirablement bien la femme forte des Peaky Blinders. Mais la série de Steven Knight se distingue d’abord par une autre caractéristique : sa forme. Loin de la mise en scène paresseuse que l’on retrouve trop souvent à la télévision, Peaky Blinders prend le parti d’une photographie très contrastée au détriment du réalisme, mais ce n’est vraiment pas gênant. On gagne une mise en scène travaillée, avec des plans souvent splendides que ce soit dans les rues sales de Birmingham ou les plans dans la campagne des environs. Au-delà de l’histoire de famille, toujours passionnante à suivre, cette série est aussi très plaisante à regarder et ce n’est pas plus mal. Comme on le disait en préambule, elle est aussi mise en musique par Nick Cave & The Bad Seeds pour son générique — qui, particularité supplémentaire, change à chaque épisode en ouvrant l’histoire avec un plan sans dialogue —, mais les choix musicaux sont tous d’un excellent niveau. On navigue entre PJ Harvey, The White Stripes, Johnny Cash ou encore Tom Waits, des valeurs sûres qui se fondent parfaitement dans le décor. Rares sont les séries qui offrent autant à regarder et à entendre, tout en proposant une histoire bien construite. À ce propos, on peut saluer le choix des scénaristes d’un format assez court : chaque saison ne dure que le temps de six épisodes, ce qui évite de se perdre dans des intrigues secondaires superflues. En même temps, chaque épisode de Peaky Binders dure presque une heure et l’intrigue prend son temps pour s’installer. Ce n’est pas une série trépidante et l’ambiance est privilégiée à l’action, ce qui est assez agréable.

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Coup de cœur pour Peaky Blinders : en nous plongeant dans la noirceur de l’Angleterre des années 1920, Steven Knight a réussi à créer une série passionnante, jouée avec talent et magnifiée par une mise en scène très réussie. En deux saisons seulement — mais la série a été renouvelée pour une troisième —, Peaky Blinders entre dans la cour des grands. Une belle réussite, qui donne envie de voir la suite.


Peaky Blinders, saison 3

(27 août 2017)

Les scénaristes de Peaky Blinders adorent les coups de théâtre glissés à la fin de chaque saison et la troisième devait reprendre après l’un d’entre eux. Thomas Shelby était sauvé d’une mort certaine par un pouvoir encore supérieur, Churchill en personne. C’est le grand thème qui traverse les six nouveaux épisodes : on passe à la vitesse supérieure. Steven Knight imagine que son personnage principal a bien gravi les échelons sociaux, si bien qu’il possède désormais un immense manoir où il compte épouser la femme qu’il aime et surtout abandonner les activités illégales. Le premier épisode se consacre ainsi au mariage, une fête parfois gâchée par les oppositions entre la famille issue du monde des gitans et la belle-famille militaire. Hélas, le bonheur n’est pas à portée de main pour le personnage principal qui se retrouve bien malgré lui embarqué dans une affaire qui sent mauvais avec les Russes. Churchill veut armer les opposants des communistes sans impliquer le gouvernement et il compte sur le mafieux pour le faire à sa place. La saison est ainsi lancée et Peaky Blinders maintient le rêve de Thomas Shelby à bonne distance, comme on pouvait l’imaginer.

La forme si typée de la série a bien été préservée et la série de Steven Knight reste toujours aussi plaisante à regarder. L’image très contrastée s’accorde très bien à la haute société britannique et ses faux-semblants et contradictions. Nick Cave, mais aussi Radiohead et Leonard Cohen se chargent de la bande-originale et les six nouveaux épisodes de Peaky Blinders passent beaucoup trop vite. Ils se terminent à nouveau sur une surprise qui donne envie de voir la suite — deux saisons supplémentaires ont déjà été programmées — et on a hâte de voir ce que cela donnera ! Thomas Shelby semble changer d’avis sur ses intentions à la fin, cela devrait relancer les enjeux… ce qui était peut-être une petite critique que l’on peut faire contre cette saison. Certes, le cadre a changé et la série s’est éloignée des paris un peu miteux de Birmingham, mais on retrouve sinon une situation et des personnages assez similaires. La troisième saison de Peaky Blinders est trop courte pour lasser, des idées nouvelles par la suite seront néanmoins bienvenues. En attendant de voir ce que nous réserve Steven Knight, ne ratez pas cette série atypique et brillante !


Peaky Blinders, saison 4

(22 février 2018)

Chaque saison de Peaky Blinders se termine sur une surprise et la troisième n’y a pas échappé. Alors que la famille Shelby semblait s’en être sortie indemne des griffes des magouilles de politiques, coup de théâtre : excepté Thomas Shelby, tout le monde est emprisonné. Cette nouvelle saison reprend quelques semaines après, alors que les membres de la famille sont menés à l’échafaud, ce qui ne devait jamais arriver. C’était un malentendu, mais le mal est fait et pour la première fois dans la série, la famille se divise. C’est le point de départ de cette quatrième saison, qui joue sur les tensions internes et aussi externes. Steven Knight fait resurgir un mort d’une ancienne saison pour lancer la mafia sicilienne dans une implacable vendetta qui a pour objectif de tuer tous les Shelby, jusqu’au dernier. L’idée est intéressante, et cela évite à la série de tomber dans la répétition, ou même dans la facilité. Tous les personnages clé sont menacés, certains perdent même la vie, ce qui est toujours courageux et cette saison s’avère au total encore meilleure que les précédentes.

Peaky Blinders a toujours imposé un excellent niveau, tant sur le plan technique que sur le jeu des acteurs, ou encore sur la construction des personnages. C’est une série d’excellente qualité depuis le pilote et Steven Knight a prouvé avec cette quatrième saison qu’il n’avait pas dit son dernier mot. L’idée d’introduire la plus grosse mafia de tous les temps, en tout cas la plus célèbre et la plus crainte, face aux « petits » mafieux de Birmingham offre un bon moyen de remettre en cause ce que l’on savait des personnages, en les déstabilisant vraiment. Adrien Brody s’en donne à cœur joie dans le rôle du mafieux italo-américain, il est outrancier sans tomber dans la caricature facile et il forme, avec Tom Hardy, un impressionnant duo d’antagonistes. Face à eux, Tommy Shelby est souvent désarmé et même parfois impuissant, même s’il a encore plus d’un tour dans son sac. On n’en dira pas plus, si ce n’est que cette saison révèle à nouveau quelques surprises et parvient à tenir la pression jusqu’à la fin. En particulier, les vingt premières minutes du sixième épisode sont splendides et bluffantes par leur intensité… un grand moment !

La BBC n’a pas signé pour une seule saison supplémentaire, mais pour deux. On sait ainsi que Peaky Blinders aura une cinquième saison et c’est une très bonne nouvelle : Steven Knight a probablement écrit ces six épisodes en pensant aux six qui suivront et c’est extrêmement prometteur. D’autant que l’on devrait, encore une fois, découvrir une nouvelle facette de cette famille de Birmingham… on a hâte.


Peaky Blinders, saison 5

(20 octobre 2019)

Steven Knight ouvre la cinquième saison de série avec le célèbre krach de 1929. Une manière de replacer Peaky Blinders dans son contexte historique, mais aussi de lancer le sujet principal de cette saison : la politique et surtout le montée du fascisme en Europe. Loin des débuts difficiles de la petite mafia de Birmingham, Tommy Shelby est désormais un député et même s’il est forcé par l’argent perdu aux États-Unis de reprendre certaines activités illégales d’antan, il se concentre avant tout sur la politique. Tout cela permet aux scénaristes de renouveler un petit peu la série portée par la BBC. Cette saison est encore une fois réussie, même si Peaky Blinders a parfois tendance à se rapprocher dangereusement de l’auto-caricature.

L’ambiance très contrastée, les ralentis, la musique anachronique sont autant de marques de fabrique de la série, mais après cinq saisons, on commence à bien les connaître et peut-être qu’un renouvèlement serait avisé sur ce point. Cela étant, l’incursion de la série dans le monde de la politique apporte un air nouveau, surtout avec l’arrivée des mouvements fascistes. Inspiré par l’Italie de Mussolini et porté par le vaste mouvement de haine antisémite qui s’empare de l’Europe à cette époque, le mouvement créé par Oswald Moslwey fait froid dans le dos. Steven Knight a parfaitement réussi à montrer comment ce courant politique anti-démocratique, violent et raciste s’est insinué dans les institutions britanniques. Peaky Blinders se termine avant de savoir ce qui arrive à la BUF, mais on imagine que ce sera tout l’enjeu de la septième saison. Pour l’heure, la proximité entre ces images de la fin des années 1920 et notre époque ont de quoi faire trembler et c’est indéniablement le point fort de la saison. A contrario, les histoires de famille des Shelby passionnent moins, peut-être précisément parce que sa dissolution initiée dans la précédente arrive à son apogée. On ne s’ennuie jamais, le format toujours court de six épisodes s’en assure, mais ce n’est peut-être pas aussi fort qu’avant.

Ne faisons pas trop la fine bouche toutefois, Peaky Blinders reste une excellente série, qui confirme sa bonne tenue. Steven Knight a prévu encore deux saisons pour nous conduire jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, un plan ambitieux qui promet d’accentuer encore davantage les questions politiques. Une bonne nouvelle donc, en souhaitant à la série de la BBC un renouvellement stylistique pour accompagner cette nouvelle tendance.

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