Révélations, Michael Mann

Révélations est d’abord l’adaptation au cinéma d’une histoire vraie vieille de trois ans seulement quand le film sort sur les écrans américains. Et pas n’importe laquelle, puisque le sujet de Michael Mann est le lanceur d’alerte Jeffrey Wigand, un chimiste qui a révélé en 1996 que l’industrie du tabac ajoutait des composants chimiques pour maximiser l’effet de la nicotine. Ce qui était nouveau à plus d’un titre, puisque jusque-là, les entreprises qui vendaient des cigarettes niaient toute connaissance sur l’effet addictif de cette substance. Le sujet est passionnant et la version romancée pour Hollywood l’est tout autant. Le cinéaste s’est énormément documenté pour fournir une lecture aussi proche que possible de la réalité, quitte à flirter avec le documentaire par moments, mais sans embrasser le genre pour autant. C’est aussi la limite de Révélations : tiraillé entre la fiction et le documentaire, le long-métrage est inutilement long et pas toujours bien rythmé, et il est parfois confus. Mais in fine, il est sauvé par l’intérêt de son sujet et par son duo d’acteurs.

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Michal Mann n’est pas un réalisateur connu pour faire bref, et Révélations ne fait pas figure d’exception avec plus de 2h30 au compteur. Il faut dire que l’affaire est compliquée, mais la vraie raison est surtout que le cinéaste prend tout le temps qu’il juge nécessaire pour poser ses personnages. Toute la première partie consiste ainsi à présenter les deux personnages principaux, l’un après l’autre. On découvre d’abord Lowell Bergman, producteur pour l’émission 60 Minutes diffusée sur CBS : la première séquence, sans rapport avec l’intrigue principale, se déroule au Moyen-Orient et sert à montrer la détermination de cet homme à obtenir des interviews. En l’occurrence, il cherche à convaincre le fondateur du Hezbollah à passer devant les caméras et il parvient à le faire à force d’acharnement. La séquence suivante est logiquement dédiée à la source qu’évoque le titre original : le lanceur d’alerte Jeffrey Wigand que l’on découvre alors qu’il vient juste d’être licencié par l’entreprise qui l’embauchait. Cette fois, Révélations prend son temps pour montrer à quel point son personnage est bouleversé et quelles sont les conséquences sur sa famille. On peut le dire, Michael Mann lance son long-métrage à un petit rythme et l’intrigue principale met beaucoup de temps à arriver. Il faut quasiment attendre la moitié du film pour que tous les enjeux soient posés et pour que l’on entre dans le vif du sujet. C’est un peu long, d’autant que la suite est, elle, un peu trop rapide au contraire.

L’histoire dévoilée par Révélations est assez complexe et on peut voir que le scénario a été construit sur énormément de documentation. C’est d’ailleurs peut-être le problème : certains faits semblaient probablement évidents à Michael Mann, mais leur absence devient une source de confusion pour les spectateurs qui n’ont pas suivi l’affaire, ou qui n’en ont qu’une vague connaissance. Il y a ainsi des choses que l’on ne comprend bien, d’autres que l’on aurait mieux comprendre… bref, la dernière partie est parfois confuse. Pour autant, le long-métrage n’est pas raté, loin de là. Déjà parce que l’histoire, qui reste largement compréhensible, heureusement, est vraiment passionnante et on est scotché jusqu’au bout savoir ce qui se passe. Au-delà du procès du tabac, le film touche au thriller quand le personnage principal attaque publiquement l’industrie pour laquelle il travaillait et que sa famille est directement mise en danger. On ne sait pas comment Jeffrey Wigand va s’en sortir et même si on sait qu’il a réussi à faire passer son message, on l’oublie volontiers pendant toute la durée du film. Russel Crowe est très bien dans ce rôle, même si le blanchiment de ses cheveux n’est pas vraiment suffisant pour faire de ce trentenaire un quinquagénaire, mais qu’importe. De l’autre côté, le personnage du producteur de l’émission est tout aussi intéressant et Al Pacino est excellent pour incarner Lowell Bergman. Il se bat pour que l’émission soit diffusée et tous les passages dans les bureaux de CBS sont également réussis.

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À l’arrivée, Révélations n’est pas totalement convaincant1, c’est vrai, mais il n’en reste pas moins que l’on ne veut pas arrêter le film avant la fin. Mieux, on est pris par l’intrigue passionnante et on a sincèrement envie de savoir ce qui va arriver aux personnages. Michael Mann peut compter sur ses deux excellents acteurs, l’histoire vraie elle-même faisant le reste du travail et Révélations est un long-métrage finalement très plaisant.


  1. On pourrait aussi évoquer une stylisation parfois exagérée — Michael Mann abuse un petit peu trop des ralentis, en particulier — et une bande-originale souvent inappropriée.