Soul Kitchen, Fatih Akin

La bande-annonce de Soul Kitchen n’avait pas manqué d’attirer mon attention, tant par les yeux que les oreilles. Ce film semblait déjanté, une comédie joyeuse autour de la musique et de la cuisine, comme son titre l’indique, avec effectivement une bande-son prometteuse. Le nom du réalisateur était aussi intrigant : Fatih Akin n’est pas vraiment comédie pour réaliser des comédies légères. Bref, ma curiosité était titillée et je ne regrette pas de l’avoir vu. Soul Kitchen est un film joyeux, drôle et doté d’une excellente bande-son. Une réussite…

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Soul Kitchen est un restaurant dans la banlieue de Hambourg, un peu la zone, un lieu qui rassemble tous les sans-abris du coin et quelques fidèles. La cuisine servie est des plus traditionnelles et le restaurant vivote plus qu’autre chose. Zinos, son propriétaire, essaie tant bien que mal de s’en sortir, mais les tuiles s’abattent sur lui : sa copine part à l’autre bout de la planète, le fisc lui réclame de grosses sommes, les services d’hygiène demandent une mise aux normes, son frère lui demande de l’embaucher pour pouvoir sortir de prison tous les jours et un vieux camarade de classe tente par tous les moyens de lui racheter son restaurant. Pour couronner le tout, il se détruit le dos en voulant changer son lave-vaisselle et le chef qu’il engage et qui souhaite renouveler la carte en profondeur déplait aux clients qui quittent alors en masse le Soul Kitchen.

Ce récit évoquerait plus, au premier abord, le drame social et réaliste que la comédie. Et pourtant, Fatih Akin sait tirer de son histoire et de ses personnages beaucoup d’humour. Le dos du héros est presque un personnage à lui tout seul, c’est en tout cas un élément central dans l’évolution de l’action et l’occasion de plusieurs scènes comiques où l’on voit le pauvre Zinos souffrir le martyr. La médecine « douce » qui le soulage finalement est ainsi un grand moment d’humour, mais ça n’est pas le seul. Tout le film est en fait marqué par des touches comiques très efficaces, notamment grâce à une palette très convaincante de personnages secondaires. Que ce soit le cuisinier lanceur de couteux ou le petit vieux qui loue, du moins en théorie, un espace à côté du restaurant et qui n’aime pas la « musique boum boum », tous sont dotés d’un fort potentiel comique.

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Soul Kitchen emprunte aussi à la comédie ses schémas scénaristiques traditionnels. Après une présentation des personnages et de l’intrigue, le héros connaît les pires ennuis dans un crescendo que rien ne semble arrêter, un peu comme dans A Serious Man des frères Coen. Mais alors que ces derniers n’extirpent jamais leur héros de ses ennuis et en tirent une philosophie de vie, Soul Kitchen reste une comédie et résout tous les problèmes du héros jusqu’au traditionnel happy-end final. L’ambiance n’est ainsi pas au drame social et le film reste léger de bout en bout, même dans les pires moments. Cette légèreté est appuyée par l’excellente bande-son qui parcourt le film et donne une énergie folle au film, en même temps qu’aux spectateurs. Le film est intéressant ne serait-ce que par sa musique, de la soul évidemment même si on croise aussi de l’électro et même du métal. Cette légèreté énergique se retrouve aussi dans l’usage, au début et à la fin, de typographies un peu folles, très colorées et un peu old school. La musique et ces titres contrastent avec l’image souvent un peu grise, comme en témoigne parfaitement l’ouverture de Soul Kitchen. La caméra dévoile pour la première fois le hangar qui sert de cadre principal au film, le temps est gris, pluvieux même, mais la musique retentit et les couleurs explosent à l’écran par le texte. La musique est vraiment essentielle dans le film qui semble même par moments9 guidé et rythmé par elle.

Cette dualité entre réalisme social et légèreté comique est en fait présente tout au long du film. En effet, Fatih Akin a beau faire ici une comédie légère, il n’en a pas pour autant oublié ses précédents films, beaucoup plus graves. J’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer, le film est visuellement plus proche du documentaire que du cinéma de studio sur fond vert. Et, l’air de rien, Fatih Akin dit des choses intéressantes sur sa ville natale, sur la disparition de quartiers populaires au profit d’ensembles luxueux, ou Le réalisateur n’hésite pas à porter sa caméra à l’épaule pour appuyer cette impression et fait de manière générale preuve de simplicité dans la mise en scène. L’exagération comique vient ainsi exclusivement de personnages haut en couleur et très réussis. Au-delà du couple de frères qui constitue le noyau dur, les personnages secondaires ont tous une place importante et sont tous très bons. Même la grand-mère qui a un rôle très bref (elle ne reste pas plus d’une minute ou deux à l’écran) est excellente dans le contraste avec Zinos et son rôle de matriarche.

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Soul Kitchen est indéniablement une bonne surprise. Le troisième film de Fatih Akin est léger, très drôle et agréable. On sort de la salle avec le sourire aux lèvres (et affamé si l’on n’avait pas mangé avant…), étonné que le film soit déjà fini et heureux d’avoir suivi l’aventure du Soul Kitchen. C’est la première incursion du réalisateur allemand dans le genre de la comédie, et cela lui réussit plutôt bien !

Avis plutôt positifs sur la toile, à l’image d’Angles de vue, Critikat, Sur la route du cinéma ou encore Laterna Magika. Mais aussi quelques avis négatifs, comme celui de Dasola ou Hop-Blog.