Peut-on vivre sans ordinateur (mais avec un iPad) ?

Note : cet article date de juin 2010 et certaines informations que l’on peut y trouver ne sont plus à jour. Vous pouvez également lire une sorte de mise à jour rédigée en mars 2012 : peut-on se contenter d’un iPad (deux ans après) ?

Peut-on vivre sans ordinateur et avec comme seul compagnon numérique un iPad ? Apple disait que oui et je voulais le tester concrètement. Depuis que j’ai reçu un iPad, soit depuis un mois et demi à peu près, la tablette a remplacé mon vieux MacBook noir dans mon sac. Je le transporte toujours avec moi et j’essaie de trouver des usages, tant en milieu professionnel que chez moi. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ce sujet sur iGeneration, mais je voulais en parler de manière plus personnelle et avec plus de recul.

Le bilan, après un mois et demi d’utilisation plutôt intensive, est moins enthousiaste que le discours d’Apple. Effectivement, on peut vivre au quotidien avec un iPad à condition d’avoir des besoins « mesurés » (web, bureautique…) et dans l’ensemble, cela fonctionne plutôt bien… à condition de s’en tenir aux usages prévus par Apple ou un développeur tiers. Car si cela fonctionne effectivement très bien pour la consultation, la création de contenu est plus délicate. Certaines tâches fort simples à réaliser avec un ordinateur deviennent très pénibles sur un iPad. La rédaction d’un article, typiquement, est vraiment plus agréable sur un ordinateur et j’en veux pour preuve cet article-là, commencé sur un iPad, terminé sur ordinateur.

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© Anthony Nelzin @ FlickR

Une alternative aux Netbooks ?

Autant mettre d’emblée les choses au clair : aussi puissant soit l’iPad, il n’a pas vocation à remplacer un véritable ordinateur, je veux dire un ordinateur de bureau ou un portable standard. Avec son écran de 10 pouces, on ne peut raisonnablement envisager de faire plus d’une chose à la fois (deux si l’on considère qu’écouter de la musique est une tâche) et ça n’est même pas une limitation du système qui constitue la limite. Il n’est pas raisonnablement possible de travailler sur deux choses à la fois sur un 10 pouces. Pour avoir utilisé un iBook pendant une bonne année, je sais de quoi je parle : cela convenait encore à l’époque des sites en 640 px de large et des interfaces adaptées aux petits écrans, aujourd’hui toutes les applications demandent beaucoup de place.

La puissance de l’iPad est par ailleurs bien plus limitée que celle d’un ordinateur traditionnel. Le fameux processeur A4 que ces tablettes contiennent conserve plus ou moins son mystère, mais on sait au moins qu’il doit tourner autour du gigahertz et on sait que l’iPad n’a que 256 Mo de RAM. Là encore, pas de quoi envisager le multitâche comme on peut le faire sur un ordinateur fixe ou portable. Inutile donc d’espérer réaliser de complexes calculs scientifiques, de jouer aux derniers jeux gourmands en 3D ou autres usages encore largement réservés aux ordinateurs, et pour longtemps sans doute.

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L’iPad, même si les discours marketing diffèrent largement, est plus proche des Netbooks, ces petits ordinateurs portables devenus très vite très populaires après la sortie des eeePC d’Asus. Des mini-ordinateurs aux écrans trop petits et aux processeurs trop faibles pour avoir la même utilité que les ordinateurs standard, même si les constructeurs ont très vite oublié ce principe pourtant essentiel en proposant des produits techniquement limités avec Windows. Ils ont voulu faire croire par là que ces Netbooks étaient capables de faire ce que les ordinateurs plus coûteux faisaient, ce qui n’est pas vrai. Mais passons, et revenons-en à l’iPad.

On pourrait le considérer comme le Netbook tactile, l’ordinateur d’entrée de gamme chez Apple. Une version un peu limitée des Mac, mais utile quand même pour un usage basique, Internet (mail et chat compris) et bureautique. Le changement récent de prix des Mac mini, entrée de gamme des Mac chez Apple qui fut proposé au départ aux alentours de 500 $, fait alors sens : la gamme Apple s’organise autour d’une série de produits, de l’iPad jusqu’aux (très) couteux et (très) puissants Mac Pro. Cette logique se retrouve dans la proximité entre les systèmes d’exploitation : Mac OS et iOS partagent de nombreuses bases communes, même si les interfaces diffèrent en grande partie. On peut supposer sans trop se mouiller que les deux systèmes tendent à se rapprocher, et se rapprocheront encore à l’avenir. On parle même d’un système renommé pour les Macs en iOS Desktop…

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Exemple de dock permettant de transformer un iPad en Netbook…

Comparer l’iPad à un Netbook n’est guère favorable à ce dernier. Disons-le, l’iPad est bien meilleur que tous les Netbooks réunis pour tout un tas de choses, et notamment pour Internet. Naviguer sur la toile du bout des doigts avec l’iPad est une expérience inédite que même l’iPhone ne proposait pas, et de loin. Certes, l’iPad n’est « que » un gros iPhone, mais en matière de surf, la différence est énorme  ((Et puis, comme j’aime à le répéter à tous ceux qui sortent cet argument, une piscine n’est aussi qu’un gros lavabo, finalement…)) ! Les sites mobiles restent le plus souvent nécessaires sur iPhone, sur iPad, ils sont le plus souvent superflus. J’irai même plus loin : la navigation sur Internet est bien souvent meilleure sur iPad que sur mon Mac. OK, j’ai un écran plus grand sur le Mac. D’accord, je peux voir les contenus en flash. Mais finalement, peu importe, je préfère utiliser l’iPad : c’est (beaucoup) plus rapide, le zoom par pincement est diablement efficace et on redécouvre vraiment certains sites. Difficile d’expliquer pourquoi au juste, mais la sensation de tenir entre ses doits une partie de la toile Internet est vraiment grisante et transforme l’expérience.

Au-delà de la navigation sur Internet, l’iPad est très bon pour visualiser tout type de contenu. Les photos passent vraiment bien sur son magnifique écran très lumineux, les vidéos passent tout aussi bien et lire sur iPad est un vrai plaisir. Le plus impressionnant reste sans doute sa vitesse : on pourra discuter en long, en large et en travers sur les limites techniques de l’iPad sur le papier, toutes ces limites s’évaporent quand on l’utilise quelques secondes. L’impression de vitesse est fulgurante, à tel point que l’iPad semble beaucoup plus rapide qu’un ordinateur standard. Ce n’est techniquement pas le cas, certes, mais peu importe, la sensation est bel et bien présente et mon Mac mini a pris un sacré coup de vieux depuis que j’ai l’iPad.

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L’iPad est un appareil souvent proche de l’idéal quand il s’agit de consulter du contenu. C’est quand on en vient à la création de ce contenu que le bât blesse, au moins en partie.

Un ordinateur de complément

Encore plus que sur un ordinateur traditionnel, l’intérêt de l’iPad est fonction des applications que l’on peut utiliser, c’est-à-dire trouver sur l’App Store. De leur nombre et surtout de leur qualité dépend en grande partie le succès d’une plateforme mobile et Google l’a très bien compris en mettant en avant son MarketPlace. Mais Apple est imbattable dans ce domaine, avec plus de 200 000 références actuellement en vente dans son magasin virtuel. L’iPad est encore un terminal très récent, mais il dispose déjà de plus de 10 000 applications dédiées. Le nombre importe cependant peu si la qualité ne suit pas. Si l’App Store est plein d’applications merd…, des coussins péteurs (dont la dernière déclinaison serait plutôt les vuvu-machin-chose) aux applications mensongères (au moment où j’écris ces lignes, l’application la plus vendue de l’App Store français est une application censée augmenter le volume sonore des iPhone ((Cela dit, je ne sais pas ce qui est le pire : qu’un développeur pense à développer une application mensongère, ou que des gens soient suffisamment stupides pour acheter ce genre d’applications ? C’est comme les applications qui sont censées dénuder les plus belles filles ou les plus beaux garçons de la terre… Soyons sérieux, qui pourrait sérieusement croire qu’un téléphone mobile puisse faire ça ?)) ), il ne faudrait pas oublier les milliers, les dizaines de milliers même d’applications qui sont extrêmement bien faites et d’une bien meilleure qualité que la majorité des applications sous Windows ou Mac OS. La qualité générale de la plateforme a tiré vers le haut la qualité des applications proposées sur l’App Store et les clients de ce magasin sont souvent très exigeants.

Sur l’iPad, j’ai retrouvé une partie des applications que j’utilise au quotidien sur mon Mac. La suite iWork est présente dans son ensemble et même si elle présente encore de nombreux défauts liés, pour la plupart, à sa jeunesse, elle reste tout à fait praticable pour éditer des documents et même en créer de nouveaux. Keynote sur iPad a même l’énorme avantage de permettre de faire des présentations sans ordinateur, avec juste un iPad (et un adaptateur, quand même). Cela fonctionne très bien quand on crée une présentation à partir de zéro sur iPad et même si c’est plus compliqué quand on récupère un travail effectué sur Mac comme je l’explique dans mon test pour iGeneration, iWork pour iPad reste à ce jour la suite bureautique la plus évoluée pour un terminal mobile, et de très loin.

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Tant qu’une application dédiée est disponible, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, à condition que l’application soit bien réalisée. Un exemple parmi d’autres avec Omnigraffle, application adaptée d’un logiciel du même nom disponible depuis de nombreuses années sur Mac OS. J’ai une licence depuis quelque temps, et je dois dire que je n’ai pas regretté mon achat, malgré un prix un peu élevé. C’est un logiciel de création de graphiques très puissant, avec gestion évoluée par calques, canevas, objets, groupes, etc. La version iPad est dans le haut de la fourchette des prix (40 €), mais on retrouve cette profusion de fonctions : tout, ou presque, a été conservé. C’est donc une application extrêmement puissante, qui dépasse largement le cadre de la simple tablette juste bonne à consulter. La prise en main n’est pas évidente d’emblée, comme avec iWork d’ailleurs, mais on peut réaliser des graphiques plutôt évolués, rapidement et efficacement. Étonnamment, alors qu’Omnigraffle iPad est plus limité que la version Mac et que la souris est plus pratique que le doigt pour gérer de gros graphiques, j’utilise avec plus de plaisir Omnigraffle iPad. Sans doute faut-il y voir un effet nouveauté, je ne le nie pas, mais au-delà je pense que cette application a un intérêt lié aux contraintes du terminal : l’absence de souris ou clavier et l’utilisation exclusive des doigts a obligé les concepteurs à devenir créatifs, et ça n’est pas plus mal, comme on le verra par la suite.

Le problème avec l’iPad reste, encore aujourd’hui, son faible nombre d’applications disponibles sur l’App Store. Tout est relatif évidemment, mais cette plateforme très jeune manque encore d’applications pour des tâches précises. Et contrairement à un ordinateur standard, vous ne pouvez pas tellement compter sur Internet… sauf à tomber sur un site codé correctement pour que ce soit gérable avec l’iPad. S’il y a du flash, déjà, ce n’est même pas la peine d’essayer, mais même l’administration de WordPress est incompatible : ils ont manifestement mis des largeurs minimales qui font que les différentes rubriques du site s’entrecroisent, sans compter qu’il faut se déplacer dans une grande zone de texte et que cela n’a rien de pratique. Cela ne serait pas un problème si l’application native fonctionnait correctement… ce qui n’est pas le cas. J’ai commencé à rédiger cet article sur iPad, mais j’ai vite abandonné l’idée de tout faire sur la tablette : on peut ajouter des images, mais pas les placer dans l’article à une position précise (ils se mettent en file indienne à la fin de l’article). C’est par ailleurs une application instable, qui a tendance à perdre des articles ou les dupliquer et qui a un bug qui empêche d’utiliser les pop-up de texte standard pour, par exemple, copier/coller du texte (ce bug a été corrigé dans la dernière version, ndlr) ! Autant dire que c’est comme s’il n’y avait pas d’application WordPress sur iPad et faute d’un MarsEdit iPad, j’ai été contraint de terminer la publication d’articles sur un ordinateur…

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Exemple de document réalisé entièrement sur mon iPad, en l’occurrence avec Omnigraffle.

Applications ou pas, l’iPad n’est encore qu’un ordinateur de complément et non un ordinateur à part entière. Apple n’a pas souhaité proposer un terminal parfaitement autonome, ce qui est tout à fait sensible quand on l’allume pour la première fois : comme pour les iPhone, l’iPad a besoin d’être initialisé par iTunes avant de pouvoir être utilisé. La dépendance à iTunes reste totale puisque c’est toujours le moyen unique (du moins selon ce qui a été prévu par Apple) pour gérer un iPad. Pour ajouter du contenu multimédia, il faut passer par iTunes. Mais il faut aussi passer par le gestionnaire d’Apple pour ajouter des photos, synchroniser ses données (mail, contacts et calendriers) sauf à passer par un service de synchronisation par Internet (Exchange ou MobileMe) ou encore pour ajouter ses livres. Certes, on peut théoriquement envisager d’utiliser un iPad sans ordinateur après une première synchronisation : les livres et applications, et même la musique et les films, peuvent se gérer uniquement sur le terminal, de l’achat à l’installation ou la suppression. Les services de stockage de documents en ligne abondent et vont se multiplier à l’avenir, si bien que l’on peut les utiliser pour envoyer/recevoir des documents. Tout ceci est possible, mais il est quand même beaucoup plus simple de brancher son iPad et le synchroniser avec iTunes.

Si cela ne me gêne pas du tout pour les contenus multimédias ((En fait, iTunes est même selon moi un avantage pour tous les iPod et iPhone. Je préfère largement cette solution, même si elle se transforme de plus en plus en usine à gaz, à la bonne vieille méthode des dossiers qui offre peut-être plus de souplesse, mais qui est aussi plus limitée…)), je trouve ce lien trop présent pour les fichiers créés ou modifiés sur l’iPad. Ce dernier se voulant plus qu’une liseuse de contenu, on a besoin de constamment échanger des documents et pour l’heure, on ne peut le faire que par mail ou en passant par iTunes. Dommage qu’Apple n’ait pas retenu une solution aperçue lors des premières présentations d’iOS4 où l’iPad montait comme une clé USB sur tous les ordinateurs. Espérons qu’Apple reviendra, à un moment ou à un autre, sur cette idée, car pour l’heure, l’implémentation dans iTunes est vraiment limitée et pénible. Je ne l’utilise en fait quasiment jamais, préférant m’envoyer un mail avec les documents, ce qui est quand même dommage. Il ne manque pas énormément de choses pour faire de l’iPad un terminal vraiment indépendant de tout ordinateur, mais à l’heure actuelle, ce n’est pas le cas. Je peux envisager de partir un week-end, une semaine même avec uniquement un iPad (ce dernier remplace alors mon ancien MacBook), mais si je partais plus longtemps, il me faudrait un ordinateur. Si je peux créer avec l’iPad, j’ai du mal à transmettre ce que je crée, ne serait-ce donc qu’à publier un article, que ce soit ici ou pour MacGeneration.

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La méthode pour envoyer des documents sur l’iPad ou en récupérer sur son ordinateur, via iTunes.

C’est pourquoi je pense que l’iPad est un ordinateur de complément. D’ailleurs, Steve Jobs n’avait pas dit autre chose lors de la présentation de sa tablette, en évoquant un appareil d’un autre genre, quelque part entre les ordinateurs traditionnels et les smartphones. L’iPhone est d’abord un outil de lecture, de manière secondaire seulement un outil de création ((J’ai écrit des billets entiers dans le métro, juste avec Simplenote… Dont celui-ci qui, à ma connaissance, bat toujours le record de longueur sur ce blog. Comme quoi, c’est faisable.)), l’iPad est un outil de lecture et de création, mais un outil incomplet en ce qui concerne ce second point. Cependant, je pense que l’iPad est un produit très jeune qui doit tout inventer, y compris son rôle, mais qui devrait jouer un rôle essentiel dans l’informatique de demain.

Le futur de l’informatique grand public ?

Dans ses discours marketing, Apple met de plus en plus en avant la simplicité d’utilisation de ses appareils. Le plus bel exemple est récent puisqu’il concerne FaceTime, la visioconférence de l’iPhone 4 qui a été présentée comme un outil permettant à madame de montrer à monsieur en voyage d’affaires les premiers pas de leur enfant. Tout le monde peut utiliser ces outils, dit la marque à la pomme, et c’est indéniablement le cas, au moins en ce qui concerne FaceTime qui est certainement la première implémentation réellement fonctionnelle d’une fonction par ailleurs ancienne. L’iPad a également été présenté comme un outil pour tous : sa présentation par Steve Jobs confortablement assis dans un canapé lors du Keynote était tout sauf innocente. Il s’agissait de marquer le coup d’emblée : cet appareil est pour tous, pas seulement pour les geeks. Les publicités qui ont envahi le métro (au moins à Paris) présentent systématiquement un iPad, un doigt et deux jambes croisées en arrière-plan qui suggèrent une utilisation assise, dans un canapé.

Apple fait par ailleurs preuve d’une grande pédagogie en suggérant des utilisations concrètes, ce qui n’est pas inutile pour un produit nouveau. La publicité demande ainsi « Qu’est-ce que l’iPad ? » et répond par une série d’usages tant personnels que professionnels. J’ai été frappé par cette débauche d’explications qui est la stratégie d’Apple depuis l’iPhone et qui suit une stratégie toute différente avec les publicités pour les iPod qui réussissaient à évoquer les produits sans jamais les montrer. Ce changement prend tout son sens si l’on pense qu’Apple veut toucher le grand public, d’une part, et qu’elle met en avant le côté novateur, révolutionnaire même, de ses produits, d’autre part. Quoi que certains détracteurs peuvent en dire, les gens ne sont pas des moutons écervelés qui achètent un iPhone parce que tout le monde l’a : ils veulent en avoir pour leur argent, ils se renseignent, ils apprennent. La comparaison avec les publicités pour des téléphones sous Android est à cet égard frappante : elles sont toutes totalement geeks et si certaines m’ont beaucoup plu (parce que, au fond, je suis un peu geek, quand même), elles ne sont pas du tout destinées au grand public. Android reste de toute manière un système de geek, même si les progrès sont énormes, même s’il s’en vendra peut-être beaucoup plus que des iPhone à terme. On attend en tout cas de voir ce qu’Android permettra de faire en matière de tablettes, mais comme d’habitude, Apple a pris une belle longueur d’avance dans ce domaine.

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L’iPad est déjà un ordinateur grand public. Pour s’en convaincre, il suffit de se déplacer avec en famille et de laisser des gens très peu habitués aux ordinateurs toucher un iPad. J’en veux pour preuve le fait extraordinaire que ma grand-mère a réussi presque seule (aux traductions de termes anglais près) à trouver, télécharger et lire la Bible sur iBooks. J’étais convaincu de la facilité d’utilisation du terminal, mais j’ai quand même été bluffé par sa capacité à comprendre instinctivement ce qu’il fallait faire. Le fait de toucher l’écran semble enlever une partie de la complexité et le choix de toujours d’Apple de supprimer toutes les fonctions qui ne seraient pas utiles à la majorité des utilisateurs est dans ce cas totalement payant. L’iPad guide beaucoup l’utilisateur et ne le laisse jamais avec plusieurs choix impossibles à départager, ou plusieurs moyens d’arriver à la même tâche. L’iPad est aussi un terminal que l’on partage beaucoup plus facilement : il a suffi de quelques minutes pour que quatre personnes se retrouvent autour de mon iPad pour jouer à l’excellent MultiPong. Sortir l’iPad en famille, c’est l’assurance de ne pas le toucher beaucoup dans les minutes/heures qui suivront…

L’avènement du cloud computing qui devient une thématique de plus en plus essentielle devrait favoriser des produits nouveaux, comme l’iPad. Des produits qui ont comme caractéristique première d’être connectés au réseau, et de pouvoir en profiter pour y stocker, y lire et y écrire tout un tas de contenus. Google s’est lancé corps et âme dans la grande bataille qui s’annonce autour des nuages informatiques et si Apple est beaucoup plus mesurée pour le moment — à raison, je pense, les réseaux ne sont pas prêts encore pour le cloud —, il ne fait guère de doute que l’entreprise finira par entrer dans la danse. À ce moment-là, l’iPad perdra peut-être son statut d’ordinateur de complément pour devenir l’équivalent d’un ordinateur, dédié au grand public. Je pense que les ordinateurs traditionnels tels qu’on les connaît depuis le début de l’informatique (fondamentalement, ils n’ont pas changé, même s’ils sont devenus beaucoup plus puissants et beaucoup plus petits) vont subsister, mais ils vont être de plus en plus réservés à une petite partie de la population, aux geeks pour faire simple. Les autres, les gens normaux auront plutôt des terminaux connectés au cloud, des terminaux comme l’iPad.

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Cette vision n’a rien d’original puisque l’on en parle déjà dans les livres de science-fiction depuis les années 1950. Je crois cela dit que l’on tend de plus en plus vers cette dualité et je crois qu’Apple est la première entreprise à en avoir pris conscience et à se donner les moyens pour tendre dans cette direction. Rien ne dit que ce sera un succès, mais j’admire les ambitions de l’entreprise en ce qui concerne la destruction de paradigmes vieux comme l’informatique graphique. iOS veut ainsi effacer totalement les notions mêmes de dossiers ou de fichiers : il n’y a donc pas d’explorateurs de fichiers, mais uniquement des applications capables d’accéder à du contenu. La forme, l’emplacement des documents que l’on lit ou édite n’a aucune importance, la seule chose qui compte pour l’utilisateur est de les lire, ou des les éditer. Dans le même ordre d’idée, l’iPad fourmille d’idées novatrices en terme d’interface. Comme toujours, Apple a longuement réfléchi pour proposer une interface utilisable aux doigts et a fait des propositions plus ou moins convaincantes. Des développeurs se sont emparés du sujet et ont fait d’autres propositions tout aussi intéressantes (je pense notamment au lecteur de flux RSS Reeder). Tout n’est pas parfait, loin de là, mais ce nouveau mode de travail, sans souris ni clavier, oblige à penser sérieusement les interfaces, quitte à effacer tout ce qui se faisait jusque-là. C’est un travail passionnant et bénéfique pour l’iPad, mais pas seulement : je parie que ces réflexions seront répercutées sur nos ordinateurs (au moins pour les Mac)…

C’est ambitieux de revenir ainsi sur des décennies d’informatique. L’avenir dira si c’était une ambition payante ou si le public n’a pas accepté ces changements. Au vu des millions d’iPad déjà dans la nature, je crois que l’on a un début de réponse… Quant à moi, je ne regrette pas mon achat. J’espérais peut-être en faire plus, j’attendais un remplaçant complet de mon MacBook : sans doute en attendais-je trop. L’iPad ne remplacera pas un ordinateur de sitôt, mais en attendant, c’est un excellent complément à un ordinateur. L’iPad est idéal pour lire du contenu, pas mauvais pour en créer loin de son ordinateur. Un appareil dédié à la mobilité et une première étape vers ce qui sera, peut-être, l’informatique grand public de demain. On en reparle dans une dizaine d’années ?