La crise est là, bien là, et il est difficile de ne pas en être informé. Pas un jour sans que les journaux titrent en gros en première page sur la crise, sur des chutes « exceptionnelles », « historiques ». Il n’y a pas de raison, moi aussi je vais en parler ! Je m’amuse déjà beaucoup de cette crise sur Twitter, mais cette fois, je vais être un peu sérieux…
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais la crise, c’est quand même génial. Il suffit de montrer des courbes qui descendent, quelques images de la bourse, et hop, le sujet est clôt. Jamais on ne cherche à expliquer cette fameuse crise, comme si l’explication n’avait aucune importance ! Voilà bien une nouvelle preuve, s’il en fallait une, de notre société actuelle où les explications n’ont aucune importance face aux sentiments et à l’image. Les médias ne sont pas les seuls responsables : nos chers hommes politiques ont largement contribué à cet état de fait. À force de nous lancer en guise d’explication « la crise », comme si « la crise » était responsable de tous nos maux, cette dernière a perdu tout sens et réalité. « La crise », voilà un mot magique permettant d’effacer toute autre explication ou raison. Notre omniprésident qui devait chercher la croissance avec les dents (sic) a été empêché par la crise qui doit sans doute avoir de meilleures dents. Le chômage augmente, oh ce n’est que la crise.
C’est d’autant plus comique dans le cas français que, pendant longtemps, la crise devait éviter la France. Les frontières françaises, décidément toujours aussi efficace 22 ans après, permettaient à notre petit pays gaulois de résister, seul dans la tourmente mondiale. Nos chers hommes politiques ont peut-être espéré que les Français étaient toujours aussi bêtes. Malheureusement pour eux, il a été difficile de tenir ce discours tout en promettant des milliards pour sauver des établissements français ou européens de la détresse. Les imbéciles ne changeant jamais d’avis, l’on voit ici à nouveau à quel point nous sommes bien gouvernés.
On pourrait croire que l’on parle plus de la crise outre-Atlantique, après tout la crise est d’abord américaine. Mais je pense que si l’on en parle beaucoup, on se contente aussi de gros titres dans les journaux. Les deux candidats à la Maison-Blanche évitent globalement d’évoquer le sujet, l’un par incompétence notoire et reconnue ((Grave erreur politique de McCain d’ailleurs. Pour une fois qu’un homme politique disait la vérité…)), l’autre pour conserver sa côte de popularité (quand tout va bien, surtout, ne rien changer !). Je peux me tromper, mais j’ai donc l’impression que l’on ne sait pas plus sur la crise de l’autre côté de l’Atlantique que de ce côté-ci.
Il me semble donc évident que cette crise profite d’abord à nos hommes politiques, même si ça n’est que dans une vision à très court terme (mais de nos jours, c’est la seule qui compte vraiment) puisque les mauvaises perspectives de croissance ne peuvent que leur nuire. En attendant, la crise est l’argument par excellence pour tout excuser, ne rien justifier…
Pourtant, il est essentiel que nous, citoyens, connaissions le sujet. Je veux dire le connaître vraiment, pas se contenter du 20 heures qui ne vous dira rien de plus que les variations quotidiennes (un jour ça monte, un jour ça descend… « ça s’en va et ça revient » etc.). Mais il faut bien avouer que la chose n’est pas facile tant le problème est complexe. D’une crise des subprimes et de l’immobilier, cette crise est passée au système bancaire avant de se propager comme de la poudre au système boursier. In fine, c’est tout le système capitaliste qui est touché. Contrairement à ce que des « penseurs » ont pu vouloir nous faire gober, la crise n’est pas qu’une vague crise de confiance passagère, c’est une crise profonde, une crise systémique comme on dit, i.e. une crise qui remet en cause le système en profondeur.
En clair, c’est le capitalisme financier basé sur les dogmes néo-libéraux, un système né dans les années 1980, qui est remis en cause par cette crise. C’est en tout cas ce que dit Jacques Sapir, directeur d’étude à l’EHESS dans un excellent article, certes long et quelque fois technique mais tout en restant assez simple et clair. Cet article se penche sur la semaine autour de la faillite de Lehman Brothers, une semaine qui change tout explique cet article publié peu après (le lundi 22 septembre). Dans un exposé en trois points ((Aaaaaah, respire le khâgneux qui est encore en moi…)), Jacques Sapir expose le déroulement de cette semaine, avant d’analyser ce qu’elle change et les enseignements que l’on peut en tirer, et de finir sur la suite, c’est-à-dire ce qui pourrait, ou devrait, arriver. L’exposé est très construit, très dense, agrémenté de nombreux exemples, graphiques, tableaux de chiffres. Cela me semble bien plus intéressant que tout ce que j’avais lu ou vu jusqu’à présent.
Si vous préférez, voici l’article définitif publié dans la revue Capitalisme, Institutions, Pouvoir. Le texte a été légérement retravaillé, il est plus lisible que la version Internet, mais il est en quatre parties… [download id= »3″]
Cet article ne suffira bien sûr pas à couvrir toute la crise. D’autant qu’on ne la comprendra vraiment que dans quelques années, avec le recul historique nécessaire. Mais c’est un bon point de départ pour qui veut comprendre la crise. Par ailleurs, je fais un peu de publicité, mais il me semble que lire le Canard Enchaîné est indispensable en ces temps troubles. Ce journal a bien sûr un point de vue très orienté qu’il faut prendre en compte à la lecture, mais force est de constater qu’en moyenne, il ne se trompe que très rarement et s’excuse toujours auprès de ses lecteurs. Globalement donc, il a raison et traite quantité de sujets qu’aucun autre journal ne traite.
Je me suis aussi abonné ce soir à Arrêt sur images, version Internet. Étant étudiant, cela m’a coûté 12 euros pour un an. Je n’ai bien entendu pas eu le temps de regarder tout ce que le site offre, mais les informations sont vraiment très nombreuses et il me semble que ce site offre un point de vue intéressant et explicatif notamment sur cette crise. À défaut de devenir expert en économie, vous pourrez peut-être devenir expert en critique de médias traditionnels, et cela n’est déjà pas mal.
Bon, j’en ai oublié dans la liste de ceux à qui profite la crise ((Oui parce que trop de sérieux tue le sérieux.)).
- Les psys : il paraît que ceux situés autour des grandes places boursières croulent sous les clients…
- Le ministère de l’intérieur qui a trouvé LA solution pour réduire le nombre de morts sur les routes : réduire le nombre de conducteurs grâce à la crise (idée originale des Guignols).
- La Chine, qui va pouvoir acheter les États-Unis pour une poignée de dollars, une excellente affaire ! Des négociations sont en cours pour l’Europe…
- Alain Souchon qui va pouvoir vendre plein d’albums dénonçant les sal… de capitalistes !
- Les humoristes de tout bord, qui s’en donnent à cœur-joie (Canteloup (lien direct iTunes) et ses publicités de banque à trouvé un bon filon)…
- Les socialistes… ah non, pas eux, ils sont trop occupés à défendre nos leurs intérêts collectifs personnels…