Sherlock Holmes, Guy Ritchie

Dans ma quête d’un pur divertissement capable de me faire oublier, le temps d’un film, tous les travaux en retard du quotidien, je crois que j’ai fait le bon choix en allant voir ce soir Sherlock Holmes par Guy Ritchie. Cette réécriture moderne d’un classique de la littérature policière constitue en effet un très bon divertissement, à défaut d’être un film inoubliable. Cela tombe bien, je ne demandais que ça…

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Faut-il encore présenter Sherlock Holmes ? Créé par Sir Arthur Conan Doyle à la fin du XIXe siècle, il est la parfaite incarnation du détective génial, celui qui peut résoudre toutes les affaires en faisant fonctionner ses neurones et un sens de l’observation hors pair. Plus jeune, j’ai lu beaucoup de romans et nouvelles et j’en garde un très bon souvenir, les puzzles qu’offrait chaque histoire étant, dans mon souvenir, bien menés et passionnants à suivre. Je peine à comprendre que le cinéma ait délaissé le sujet si longtemps : si l’on en croit Wikipedia, la dernière adaptation remonte à 1988, mais la dernière « sérieuse » daterait plutôt de la fin des années 1950.

Le film de Guy Ritchie reprend le flambeau sur le mode d’une adaptation premier degré. Certes, la modernisation est bien présente avec des héros beaucoup plus profonds et complexes que dans les récits. La relation entre le détective et le docteur Watson fait l’objet d’esquisses homosexuelles qui restent néanmoins à l’état de vagues esquisses. Mais sinon, tout est là : une intrigue à résoudre, et les deux hommes qui réussissent effectivement à tout résoudre et rien ne laisser au hasard. Sherlock Holmes reprend en outre le principe bien connu, mais toujours efficace, de la confrontation entre une vision purement scientifique et rationnelle, et une autre liée aux forces de la magie. Une idée qui était déjà présente sous la plume de Conan Doyle (il suffit de penser au Chien des Baskerville) et qui prend tout son sens quand on réfléchit au contexte : la fin du XIXe siècle en Angleterre, c’est l’époque de l’industrialisation et du positivisme.

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L’intrigue importe finalement bien peu dans Sherlock Holmes. Elle n’a rien d’original et est même assez prévisible : j’ai eu l’étrange sensation d’avoir quelques longueurs d’avance sur les deux héros à plusieurs reprises. Il suffit qu’un grand méchant souhaite utiliser des forces maléfiques pour, en gros, prendre le pouvoir sur la planète entière (en commençant par la Grande-Bretagne et les États-Unis, il faut savoir être réaliste) pour que les deux compères se lancent à sa poursuite. Ce méchant pas gentil du tout sacrifie de jeunes damoiselles, quand il n’enflamme pas ses adversaires, tout simplement. Il faut donc l’arrêter, et une pendaison n’y suffira pas.

L’issue ne fait aucun doute : évidemment, il va être arrêté à la toute fin, juste avant de commettre son méfait. Évidemment, Sherlock et le docteur réussissent à déjouer tous ses plans, et à décrypter exactement la méthode mise en œuvre. C’est là à la fois l’aspect le plus fidèle du film sans doute, et aussi le plus agaçant. Rien, absolument rien n’est laissé au hasard, on explique tout au spectateur par le menu détail, même ce qui était implicite, mais suffisamment clair pour être compris sans aide. Le spectateur est pris par la main et on lui explique tout deux fois plutôt qu’une. Personnellement, cela m’agace profondément, j’ai le sentiment d’être pris pour un imbécile, mais je suppose que le film devait ne laisser personne sur le bas-côté. Heureusement, cet agacement est contre-balancé par l’inventivité des explications et leur côté absurde. Le détective sait exactement où on l’emmène grâce aux trous dans la chaussée ; il comprend grâce à la forme d’une oreille qu’untel et untel sont en fait père et fils ; sniffer un caillou lui permet de savoir avant tout le monde (moi compris, pour le coup) ce qui s’est passé très précisément… Bref, c’est du grand n’importe quoi, et c’est assez drôle je trouve.

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Guy Ritchie n’est apparemment pas un réalisateur qui laisse indifférent, mais je crois n’avoir jamais vu un de ses précédents films. J’ai lu qu’il s’était assagi dans ce film, et je dois dire que je suis curieux de savoir ce que cela doit donner par ailleurs. Car Sherlock Holmes est un film qui ne manque pas d’ambition sur le plan esthétique. La reconstitution du Londres des années 1890 est plutôt réussie, avec une image souvent sombre et sale. Le film débute sur les chapeaux de roue, la caméra suit une voiture à cheval à vive allure dans les rues de Londres et on est immédiatement pris par le film. Le rythme ne faiblit pas d’un bout à l’autre et les scènes de combats se succèdent à intervalles réguliers pour relancer l’intérêt du spectateur. Je dois avouer que si le film tombe parfois dans les travers d’une esthétisation à outrance, il est dans l’ensemble diablement efficace. La musique est souvent forte et accompagne bien le film, même si l’ambiance Kusturico-Bregovicienne pendant les courses-poursuite était vraiment de trop, je pense…1

Sherlock Holmes, c’est d’abord un duo d’acteurs. Les choix de Robert Downey Jr. pour interpréter le détective, et de Jude Law pour le docteur Watson avaient de quoi étonner au premier abord. Mais à l’écran, l’un et l’autre s’en sortent très bien. Le premier cabotine un peu dans le même esprit que Johnny Depp dans la série des Pirates des Caraïbes, par exemple. Le second est très bien en dandy anglais incapable de se débarrasser de l’envahissant Sherlock Holmes et trop pressé de l’aider à résoudre les affaires. Le méchant, interprété par Mark Strong, est malheureusement trop absent à mon goût, par contre.

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Dans l’ensemble, on l’aura compris, Sherlock Holmes m’a beaucoup amusé. C’est une grosse production qui n’a pas pour elle l’originalité et qui agace parfois pour sa lourdeur, notamment en ce qui concerne l’appel final à une suite2. Mais c’est surtout un bon vieux divertissement qui assume ce statut et remplit bien son rôle. J’aurais oublié le film demain, mais en attendant j’ai passé un bon moment.

Une fois n’est pas coutume, je suis entièrement d’accord avec Nicolas de Filmosphère. Les avis sont globalement mesurés, comme chez Geek Culture, Rob, ou chez Critikat avec remise en perspective du personnage de Sherlock Holmes à l’appui. Avis plus positifs aussi, chez Cinemateaser ou Les yeux sur l’écran.


  1. C’est Hans Zimmer aux commandes, et il est vrai qu’il n’est pas vraiment connu pour sa finesse. 
  2. Le tournage commence dès le mois de juin. C’est un peu grossier comme méthode…