Deuxième film de Valérie Donzelli, La Guerre est déclarée est très autobiographique. La réalisatrice y interprète son propre rôle, l’acteur qui joue son compagnon est son compagnon et tous deux ont traversé les épreuves d’un enfant malade. Sur le papier, cette combinaison ne devait pas aboutir au film qui, à l’image de son affiche, s’avère finalement beaucoup plus léger et joyeux qu’escompté. La Guerre est déclarée est un film libre, grave et léger à la fois, un film émouvant et beau, un film à ne surtout pas rater.
Roméo et Juliette, un homme et une femme destinés à se rencontrer et à s’aimer. La rencontre a eu lieu dans une fête, le coup de foudre est immédiat. Le jeune couple se forme rapidement et très vite, un troisième arrive. Adam, petit garçon tout mignon qui illumine le couple autant qu’il l’empêche de dormir. Les jeunes parents s’inquiètent trop vite au début, mais le doute finit par s’installer : pourquoi vomit-il autant ? Pourquoi n’arrive-t-il pas à marcher ? Pourquoi sa joue droite est-elle gonflée ? Quand les premiers examens arrivent, la terrible vérité éclate en même temps : Adam a une tumeur au cerveau. Commence alors une longue lutte contre la maladie, pour Adam évidemment, mais aussi et surtout pour ses parents. Cette tumeur est en effet maligne et liée à un cancer : pour le petit Adam, 18 mois, ce sont de longues années de chimiothérapie qui commencent. Pour le couple, c’est un marathon destructeur qui les attend.
La Guerre est déclarée est d’abord un film sur la maladie et sa lutte. Valérie Donzelli parvient à merveille à retranscrire le désespoir d’un couple pour qui tout allait au mieux. Brutalement, leur enfant est terriblement malade et leur vie s’arrête. Ils quittent leurs emplois respectifs et débute pour eux le long calvaire de la lutte contre le cancer et de la convalescence. Le film refuse tout suspense inutile en ouvrant sur Adam, huit ans et encore bien vivant. On sait d’emblée que la maladie va être vaincue et ce n’est pas l’objet du film. L’objet est plutôt la découverte de la maladie, puis sa lutte. C’est sur la découverte proprement dite que le long-métrage explose le plus d’émotion : quand la tumeur fait son apparition, le rythme du film s’emballe brutalement, les personnages courent dans tous les sens et l’émotion envahit autant la pellicule que les spectateurs. On sait que Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm ont vécu la même chose dans la vie, ce qui explique peut-être la force du film à ce moment précis. Avant cela, La Guerre est déclarée a déjà miné le terrain : alors que la tumeur d’Adam n’a pas encore été détectée, la cinéaste glisse régulièrement des images anxiogènes de cellules infectées par une substance sombre menaçante. Le film n’est pas déprimé pour autant, il est au contraire assez joyeux. À l’image de ceux d’Oxygène, film flamand sur la mucoviscidose qui sortira à la fin du mois, les personnages de La Guerre est déclarée profitent le plus possible de la vie et font tout pour ne pas se laisser aller au désespoir.
La Guerre est déclarée est bien entendu consacré à Adam et à sa maladie, mais ce n’est pourtant pas son sujet principal. Au-delà de la maladie, le film de Valérie Donzelli évoque d’abord un couple. Couple totalement autobiographique, puisque chaque acteur joue son propre rôle. Sachant que le scénario est co-rédigé par les deux protagonistes, on aurait pu s’attendre à un film très nombriliste, mais c’est un piège que La Guerre est déclarée évite avec brio. Il n’y a pas que les prénoms, mais le choix de Roméo et Juliette, le couple par excellence, est significatif. Malgré son côté vécu, le film s’avère finalement très universel et parvient à parler non pas d’un couple en particulier, mais de tous les couples qui s’aiment. Après le coup de foudre, leurs premiers moments ensemble sont très beaux et la sincérité de leur amour, sensible, enlève tout ce qui pourrait paraître kitsch ailleurs. Quand la maladie survient, ils restent unis et forts dans l’adversité, malgré les difficultés. La Guerre est déclarée évite fort heureusement tout angélisme néanmoins. Le couple en bave, c’est une épreuve que peu de personnes ont du vivre et on ressent bien sa force destructrice. Là encore, le spectateur se sent directement impliqué : comment réagirait-on à leur place ? Ces deux êtres n’étaient pas prêts à affronter à la maladie, personne ne peut d’ailleurs l’être. Faute de choix, ils lui font néanmoins face et deviennent quelque part des héros. L’épreuve est destructive, mais elle ne les tue pas et les rend finalement plus fort : le message est là encore universel.
Valérie Donzelli a cette fois eu plus de moyens que pour La Reine des Pommes, mais La Guerre est déclarée reste un film modeste. Les acteurs sont peu nombreux, le couple étant le plus souvent à l’écran et Valérie Donzelli est à la fois réalisatrice, co-scénariste et actrice, tandis que Jérémi Elkaïm est à la fois co-scénariste et acteur. Pourtant, ce manque de moyens n’est jamais un problème dans le film et la cinéaste utilise très bien le peu de moyens à sa disposition, avec une liberté rarement vue au cinéma. La Guerre est déclarée se permet tout et sa liberté s’avère grisante, si bien que ce qui pourrait être un défaut ailleurs semble ici parfaitement trouvé : ralentis, chansons, caméra secouée… Valérie Donzelli fait avancer son récit avec quelques touches qui en disent beaucoup plus que des longs discours, mais elle utilise en même temps trois narrateurs successifs. Le film pourrait paraître foutraque, mais il n’en est rien : La Guerre est déclarée maintient son unité de bout en bout par l’intensité de son histoire. La musique est à l’égal de l’image, multiple, libre et de très bon goût : on passe de Yuksek à Laurie Anderson en passant par Vivaldi… Belle bande-son qui accompagne admirablement l’image et se mue à plusieurs reprises en acteur à part entière.
La Guerre est déclarée n’est pas la complainte autobiographique déprimante que l’on pouvait attendre sur le papier, bien au contraire. C’est un très beau film, bien vivant et universel qui touchera au moins tous les parents et tous ceux qui s’aiment. C’est l’histoire d’un combat contre la mort, ce n’est pas toujours gai, mais c’est toujours plein d’émotion et réussi et même parfois drôle. À ne pas rater.