Trois films qui traversent les années 1980, un retour mitigé il y a trois ans avant un cinquième épisode prévu pour l’année prochaine. Indiana Jones fait partie de ces sagas mythiques du cinéma. Ce personnage de professeur d’archéologie et aventurier intrépide est entré dans la légende et avec lui plusieurs blockbusters familiaux classiques, mais extrêmement efficaces. Créée par George Lucas, la série a été réalisée par Steven Spielberg sous la surveillance rapprochée du premier. Un partenariat qui s’est révélé pour le moins efficace : avec seulement quatre films, la saga a rapporté pas loin de 2 milliards de dollars, loin derrière Star Wars et ses 4,4 milliards, mais avec deux fois moins de films à l’affiche. Un succès amplement mérité pour une saga devenue culte…
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la saga Indiana Jones n’est pas linéaire. Les Aventuriers de l’Arche perdue ouvre la série en 1936, mais Indiana Jones et le Temple maudit n’est pas une suite, mais un prequel : l’action s’y déroule ainsi en 1935. Les deux films suivants respectent à nouveau les années qui passent, avec Indiana Jones et la Dernière Croisade qui se passe en majorité en 1938 et Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal qui épouse la Guerre froide en se déroulant en 1957. Ces dates n’ont pas été choisies au hasard. Pour le réalisme de la série, il fallait une époque où l’archéologie n’est pas encore la science qu’elle est devenue, une époque aussi où il restait encore à découvrir des lieux historiques majeurs. Situer l’action dans les années 1930 ou 1950 apporte également un peu d’exotisme par le recul dans le temps et les reconstitutions d’époque. Mieux encore, ces dates offrent aux films des ancrages bien marqués dans l’histoire récente : il n’est pas anodin que les Nazis soient les ennemis dans deux films, et les Soviétiques dans un troisième. Ce sont les archétypes mêmes des ennemis des blockbusters américains et la saga Indiana Jones s’inscrit en cela dans une longue tradition du cinéma américain. Chaque film est indépendant, même si quelques liens sont tissés pour renforcer l’aspect saga, tout particulièrement entre le tout premier et le dernier film.
Chaque épisode contient quelques passages obligés qui ont marqué la série. Ils se construisent tous sans exception autour d’une quête principale, en général un objet ou un lieu à trouver : l’Arche perdue, le Graal ou encore Eldorado. Indiana Jones est à chaque fois invité à cette recherche, ou plus souvent contraint : il faut affronter la menace des Nazis ou des Soviétiques, il doit sauver son père ou encore délivrer un village avant de poursuivre sa route. Parmi les classiques, les scènes de voyage à travers le monde avec cartes en surimpression n’ont pas été inventées par la saga, certes, mais elles l’ont indiscutablement marquée. À deux reprises, une scène pour montrer l’Indiana Jones professeur est ménagée dans un film : on le voit alors invariablement donner à un cours devant une salle très féminine qui reste bouche bée plus devant son charisme que l’intérêt de ses leçons. Indy est un bel homme, même si au contraire de James Bond par exemple, il n’est impliqué dans aucune relation amoureuse, encore moins sexuelle, du moins à l’écran. On sait grâce au premier et au dernier film que le héros de la saga a eu au moins une histoire amoureuse avec une femme, mais cette histoire ne joue pas vraiment de rôle, si ce n’est d’ajouter une touche féminine à des films par ailleurs très masculins. Chaque épisode a tout de même droit à son personnage féminin, toujours un personnage secondaire, mais pas toujours un personnage positif.
<La saga Indiana Jones s’apparente néanmoins plutôt à un film d’aventures à l’ancienne où l’intérêt réside essentiellement dans les dangereuses quêtes archéologiques du professeur Jones. L’un des plaisirs de la saga tient certainement dans les passages où Indiana Jones doit passer une série d’épreuves et éviter les innombrables pièges des lieux antiques qu’il fréquente. La séquence d’ouverture des Aventures de l’Arche perdue est tout à fait significative de l’état d’esprit de la série : il faut sauter au-dessus de trous, marcher au bon endroit, remplacer l’objet récupéré par un poids de la même taille et enfin passer des portes avant qu’il ne soit trop tard ou encore courir suffisamment vite devant une boule de pierre massive. Chaque épisode a droit à sa série de pièges, même s’ils ne sont pas tous aussi développés : c’est clairement une marque de fabrique de la saga Indiana Jones et un élément mainte fois repris par la suite. L’épreuve la plus dangereuse est toujours les serpents, seule phobie d’Indy. Cette idée est excellente dans la saga : elle ajoute une faille et donc une touche d’humanité au personnage et permet quelques scènes assez cocasses.
Indiana Jones et le Temple maudit, le deuxième film dans la saga, est aussi le plus sérieux de tous. L’humour présent dans le reste de la saga semble avoir déserté ce film qui est vraiment très particulier dans l’ensemble. C’est la seule fois où le héros ne part pas en quête d’un objet archéologique, mais doit faire face à une sorte de secte construite autour d’un rite sanglant. C’est aussi l’épisode où l’on voyage le moins, celui où l’aventure semble s’être quelque peu éclipsée. Les trois autres films sont beaucoup plus légers et même parfois drôles et c’est sans doute Indiana Jones et la Dernière Croisade qui l’est le plus. La confrontation entre Indiana Jones et son père, interprété par un Sean Connery en grande forme, s’avère plutôt réussie en formant un duo comique très convenu, certes, mais qui prouve ici son efficacité. Cette idée plutôt bien vue a été exploitée à nouveau dans Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal… malheureusement. Ce qui fonctionnait entre Indy et son père ne fonctionne plus du tout entre Indy et son fils. La relation entre les deux est d’ailleurs révélée à un moment plein d’action dans le film, ce qui l’éclipse totalement alors qu’elle était centrale dans le troisième film. Elle ne sert dès lors plus que de prétexte à quelques clins d’œil à Indiana Jones et la Dernière Croisade. Le dernier épisode est particulièrement mauvais quand il s’agit de faire rire : l’humour semble totalement téléphoné et peine à faire rire.
La saga Indiana Jones s’est construite autour de quelques grands mythes de notre civilisation, souvent des mythes religieux d’ailleurs. Les Aventuriers de l’Arche perdue est ainsi construit autour d’un récit de la Bible : l’arche en question contiendrait les fragments des tablettes sur lesquelles Dieu avait gravé les Dix commandements offerts à Moïse. Indiana Jones et la Dernière Croisade se bâtit quant à lui autour du plus grand mythe de notre civilisation peut-être : le Saint-Graal. Indy et son père partent à la recherche de la fameuse coupe qui aurait recueilli les dernières gouttes du sang du Christ et qui permettrait d’obtenir la vie éternelle, rien que cela. Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal quitte la religion catholique, mais reste dans les mythes fondateurs avec cette fois l’Eldorado. Seul Indiana Jones et le Temple Maudit s’éloigne de cette tendance : faisant à nouveau bande à part, il reste plus terre-à-terre avec une secte indienne. Dans tous les cas, l’archéologue est toujours présenté comme un scientifique qui ne croit pas à toutes ces histoires pour enfants, comme il les appelle. Indiana Jones est un sceptique, mais les films ne le sont en aucun cas : le scénario ménage toujours une large place au fantastique et crédibilise les histoires, qu’il s’agisse de l’arche, du Saint-Graal qui tire d’entre les morts un personnage mourant ou même de l’Eldorado revisité à la sauce Alien.
Indiana Jones est associé pour toujours à sa musique. Un thème musical qui compose une bande-son parmi les plus connues de l’histoire du cinéma, au même niveau que la musique de Star Wars. Il faut dire que c’est à nouveau John Williams qui s’y colle et le résultat est, sans surprise, exceptionnel. Une mélodie reconnaissable entre toutes, un air que l’on fredonne sans y prendre garde, une musique associée pour toujours à la saga, au personnage et à l’idée d’aventure même, comme l’air de Dark Vador est associé aux personnages de méchant au-delà de la saga créée par George Lucas.
Le succès d’Indiana Jones n’est pas usurpé : la saga imaginée par George Lucas et portée à l’écran par Steven Spielberg fonctionne parfaitement. Ces blockbusters familiaux sont de parfaits films d’aventures, avec un héros charismatique et des histoires pleines de danger, mais qui finissent bien. La saga a connu des hauts, Les Aventuriers de l’Arche perdue et Indiana Jones et la Dernière Croisade et des bas, Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal et dans une moindre mesure Indiana Jones et le Temple Maudit, mais elle est incontestablement l’une des plus grandes sagas au cinéma de ces dernières années. Le dernier film n’est néanmoins pas très bon et on peut craindre le pire pour le suivant, programmé pour l’année prochaine. Toujours est-il que cela n’enlève rien à la réussite de la trilogie initiale, à voir et à revoir en famille.