Les 4 Fantastiques, Josh Trank

Régulièrement, les studios américains réinitialisent une saga dans l’espoir de la relancer, ou de trouver un public plus large encore. L’affiche de ce nouveau reboot hollywoodien ne s’en cache pas : Les 4 Fantastiques commence « une nouvelle ère » pour les quatre superhéros, qui étaient déjà passés au cinéma le temps de deux adaptations qui n’ont pas laissé un souvenir impérissable. Cette fois, c’est Josh Trank qui a la lourde tâche d’offrir à cette licence une rentabilité aussi grande que celle des Avengers. Le jeune cinéaste n’avait qu’un film à son actif, mais le potentiel de Chronicle — chronique fantastique et plutôt fun sur une bande d’adolescents qui obtient des superpouvoirs — a manifestement convaincu les studios de lui laisser les clés. À l’arrivée, Les 4 Fantastiques reproduit les erreurs de ce premier film : passée une longue introduction plutôt intéressante, les superhéros entrent en action et… c’est décevant.

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Dans la mythologie Marvel, les 4 Fantastiques occupent une place à part. C’est le premier groupe de superhéros imaginé par Stan Lee, et c’est avec lui que l’entreprise telle qu’on la connaît encore aujourd’hui s’est lancée, au tout début des années 1960. Malgré cet héritage, la licence n’a pas vraiment eu de chance au cinéma et cette relecture n’est pas la deuxième après l’essai des années 2000, mais la troisième version. Certes, la toute première adaptation cinématographique qui remontait aux années 1990 n’a jamais vu le jour pour des raisons légales sans grand intérêt, mais on sent bien que le passage au cinéma n’est pas simple. Et pour relancer la saga, Josh Trank choisit un angle très classique, mais qui a fait ses preuves : les origines. Les 4 Fantastiques commence ainsi bien avant la naissance des superhéros, et même alors que les futurs héros n’étaient que des écoliers. Le scénario remonte très loin en s’intéressant d’abord au futur Mr Fantastic, alias Reed Richards, alors qu’il n’est encore qu’un gamin qui bricole dans son garage. Avec son ami Ben, la future Chose, ils mettent au point un appareil pour téléreporter, au grand dam de leurs enseignants qui n’y comprennent rien. Quelques années plus tard, il est recruté par le professeur Storm et il crée une machine fonctionnelle avec ceux qui deviendront bientôt les superhéros. Mais, comme dans Chronicle, le cinéaste prend son temps. Le film est relativement court pour un blockbuster et malgré tout, la partie avant la transformation l’emporte sur la suite. Les 4 Fantastiques prend le temps de poser chaque personnage et lui donner une chance d’exister comme humain, avant d’être un héros. C’est bien vu et toute la première partie du long-métrage se distingue ainsi de ce que l’on voit habituellement, même si on aurait aimé éviter les clichés d’usage1.

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Malheureusement, il faut bien en venir à la transformation et à nouveau comme dans sa première réalisation, Josh Trank maîtrise beaucoup moins cette partie-là. Il ne semble pas trop savoir que faire de ses superhéros que l’informatique génère avec un réalisme époustouflant, il faut bien le reconnaître, mais qui perdent au passage toute cette humanité patiemment construite au début du film. Pourtant, Les 4 Fantastiques offre une explication assez riche pour justifier le passage des humains aux superhéros et cette histoire d’univers parallèle est bien trouvée. On a presque l’impression de se retrouver au milieu d’un film d’exploration spatiale par moment, ce qui était inattendu. Certes, l’ensemble est assez convenu, car après tout il s’agit d’adapter une œuvre existante, mais toute la transition d’un état à l’autre se défend assez bien. Le vrai problème, c’est la suite : on espérait vivre avec les héros, ressentir leur désarroi, expérimenter leurs transformations, bref on espérait de l’émotion et de l’humain. À la place, Les 4 Fantastiques défile cette partie pourtant potentiellement passionnante à toute allure. On laisse passer un an d’un clignement d’œil, on retrouve les personnages dans un combat contre un autre superhéros et ce qui s’annonçait comme une lutte épique pour la survie de la Terre est en fait plié en deux minutes, l’air de rien. Ce combat final est une énorme déception qui ne donne vraiment pas envie d’en savoir plus. Difficile de savoir ce qui s’est passé exactement, mais le rapprochement avec Chronicle est troublant. Dans l’un, comme dans l’autre, le réalisateur a su installer une situation, mais il n’a pas su l’exploiter ensuite. Apparemment, la collaboration avec les studios s’est mal passée, mais cela se voit à l’arrivée.

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Pour son nouveau départ au cinéma, Les 4 Fantastiques commençait pourtant plutôt bien. Le choix de repartir sur les origines des héros n’est pas très audacieux, il est vrai, mais c’est un choix solide et bien mené par Josh Trank. Le cinéaste n’est jamais aussi bon que lorsqu’il faut introduire un personnage « normal » qui va devenir un superhéros. Le soucis, c’est qu’il ne sait pas trop ce qu’il doit faire de ses héros. Toute la fin du long-métrage est ainsi très médiocre et laisse un goût amer. C’est dommage, tout de même, pour une adaptation Marvel. Est-ce pour cela que Les 4 Fantastiques a été privé, non seulement du passage de Stan Lee devant les caméras, mais aussi de scène post-générique2 ? Quoi qu’il en soit, ce reboot ne donne pas tellement envie de voir la suite… d’ores et déjà prévue pour 2017.


  1. Sachant qu’il y a un type à lunettes, une fille et un black, devinez qui est le geek, qui est la sensible du groupe et qui mène une vie illégale façon Fast & Furious ? Non, il n’y a pas de piège. Seul choix étrange, le gringalet qui devient la Chose… peut-être une manière de casser le cliché de façon assez arbitraire ? 
  2. Vous avez bien lu : il est inutile de rester après le film, il n’y a rien. Il paraît que c’est pour ménager le suspense pour la suite…