Avant d’être le réalisateur de multiples blockbusters à succès, Luc Besson a commencé de manière beaucoup plus modeste. Ainsi, son premier long-métrage fait preuve d’une économie de moyens qui surprend aujourd’hui : loin de la lourdeur visuelle et scénaristique d’un Lucy, Le Dernier Combat est un film d’anticipation post-apocalyptique non seulement en noir et blanc, mais qui plus est muet. Une aridité uniquement enrichie par une bande-originale riche composée, déjà, par Eric Serra. Loin de ce que l’on a connu de la part du cinéaste français, ce premier passage au long format est… étonnant. Son scénario est très classique, mais Luc Besson y ajoute quelques bonnes idées, sans pour autant permettre au long-métrage de sortir de sa très grande simplicité.
Film quasiment muet — on entend deux mots en une heure trente —, Le Dernier Combat ne prend pas la peine d’expliquer son univers, et c’est tant mieux. Luc Besson a imaginé un univers vraisemblablement dans le futur, mais ce n’est même pas évident. On ne connaît ni le lieu, ni la date, mais on comprend au moins que l’on est dans une situation post-apocalyptique. Quelque chose s’est passé avant le début du film, on ne saura jamais quoi et le film ne nous donne même pas un indice. Catastrophe nucléaire, désastre écologique ou encore virus mortel ? Impossible de le savoir, pas plus d’ailleurs que l’on a une idée du temps qui s’est écoulé depuis la catastrophe. Le Dernier Combat est aussi discret que ses personnages et le film ne nous donne quasiment pas de réponses. Ainsi, on ne sait pas non plus pourquoi les personnages ne parlent pas, mais on voit que ce n’est pas un choix, mais une obligation physique. Pour une raison ou une autre, le reste de l’humanité se bat pour survivre dans un monde en partie désertique et en partie en ruine, sans jamais parler. Pour le reste, Luc Besson ne fait pas dans l’originalité avec des décors presque totalement détruits et des hommes qui survivent au quotidien, plus qu’ils ne vivent. Toute la structure de la société a disparu et, logiquement, c’est la loi du plus fort qui ressort. Celui qui peut taper plus fort que les autres peut s’imposer comme chef de bande et contrôler tous les plus faibles. À défaut, ceux qui survivent sont plus intelligents que les plus forts et parviennent à se protéger.
Dans cette jungle qui suit l’apocalypse, Luc Besson imagine une histoire qui reste très simple, faute de dialogues. Son personnage principal, nommé par le scénario comme « L’homme », fuit une tour isolée au milieu d’un désert avec un avion de fortune. Il s’écrase en ville, où il va affronter un autre survivant, nommé « La Brute » : comme son nom l’indique bien, ce dernier veut le tuer sans vrai motif, mais c’est manifestement sa raison d’être. Il parvient à survivre en atterrissant dans un ancien hôpital, où un docteur le recueille et le soigne. Autant le dire, cette histoire n’est pas le point fort du film : Le Dernier Combat manque sans doute de matière pour permettre aux spectateurs de se passionner pour ces personnages résumés à un archétype. C’est un peu dommage d’ailleurs, car Luc Besson a trouvé une excellente idée en clouant le bec à tous ses personnages. Les plus belles scènes sont précisément celles où le docteur et l’homme échangent et leur joie quand ils entendent, après un énorme effort, leur voix est un moment vraiment magnifique. Il y avait peut-être quelque chose à tirer de la relation naissante avec l’étrange prisonnière qui souligne la rareté des femmes dans cet univers, mais le cinéaste préfère la radicalité absolue d’une fin désespérée. C’est un choix respectable, mais Le Dernier Combat perd un peu de sa force en devenant un peu trop simple. Dommage, mais il faut aussi remarquer les bonnes idées du premier film de Luc Besson. La scène d’ouverture où l’on ne comprend pas tout de suite que l’on est dans un univers post-apocalyptique est une réussite, et les idées qui apportent une touche de fantastique au film, comme les pluies de poisson, sont vraiment originales et bien trouvées.
Le Dernier Combat est un long-métrage très simple, sans doute d’abord pour réduire au maximum son budget — sur ce point, ce fut d’ailleurs un échec, le film ayant coûté au total plus de cinq fois le budget original — et cette économie de moyens est à la fois son point fort et sa principale faiblesse. Le manque d’argent a poussé Luc Besson à trouver des idées parfois très originales pour mettre en place son univers et son histoire, et l’absence totale de parole en est une, incontestablement. En même temps, les acteurs ont beau faire ce qu’ils peuvent, et Jean Reno a beau être déjà impressionnant dans ce rôle de brute un peu bête, l’un de ses tout premiers rôles ; en même temps, l’absence de dialogue réduit les options. Le Dernier Combat est un premier essai intéressant, mais aussi un peu limité. Le long-métrage reste intéressant, ne serait-ce que par curiosité, pour évaluer la distance qui sépare cette première réalisation des derniers projets de Luc Besson.