En 1987, Paul Verhoeven créait plus qu’un personnage avec RoboCop, un mythe. Son policier mi-robot, mi-humain et surtout son univers dystopique extrêmement sombre et violent ont marqué les esprits et le film reste encore aujourd’hui un classique, même s’il a techniquement mal vieilli. Ce premier volet réussi a ouvert la voie à une saga beaucoup moins mémorable et vingt-sept ans après, à un reboot. RoboCop reprend la même histoire que l’original, mais l’adapte à nos goûts modernes, tout en composant un blockbuster massivement animé à l’ordinateur, pour un résultat visuellement beaucoup plus réaliste. L’idée n’était pas nécessairement mauvaise, mais cette nouvelle version signée José Padilha enchaîne précisément les erreurs à éviter. Sa relecture est à la fois similaire et très différente de l’original, elle est surtout vidée de tout sens. RoboCop n’est qu’un blockbuster dans la moyenne, et on peut tout à fait s’en passer…
Comme son illustre prédécesseur, ce nouveau RoboCop commence aussi avec un journal télévisé, mais nouvelle génération. D’emblée, José Padilha propose un univers de science-fiction très proche de nous, ce qui est bien vu pour ce film censé se dérouler dans un futur proche. Les États-Unis sont toujours en guerre au Moyen-Orient et ce show télévisé bien plus interactif que ce que l’on a aujourd’hui ne paraît pas insensé. On imagine bien de telles technologies dans une poignée d’années, et il faut d’ailleurs accorder au film ce point fort : il constitue un environnement parfaitement crédible. Les deux RoboCop commencent avec la télévision, en revanche le message a été totalement transformé. Là où Paul Verhoeven profitait de cette séquence pour introduire un monde violent, dominé par la mafia et incontrôlable pour la police, José Padilha expose un univers où il la violence aux États-Unis est moins importante que celle du Moyen-Orient. Cette première séquence est assez réussie, car elle pose plusieurs questions intéressantes : les robots sont massivement utilisés à l’étranger, mais interdits sur le sol américain. L’argument — seul un être vivant doit avoir le droit de retirer une vie — est intéressant et on sent aussi qu’il y aurait quelque chose à creuser du côté de ce présentateur qui tient plus du publicitaire payé par OmniCorp que du journaliste. Ces questions sont intéressantes, surtout à l’heure des chaînes d’actualité en continu, mais RoboCop ne les effleure même pas : elles sont là, sous-jacentes, mais le film ne s’y intéresse jamais.
C’est peut-être la caractéristique principale de ce blockbuster qui offre son lot d’action, certes (et à cet égard, les progrès réalisés sont incontestables), mais c’est à peu près tout. José Padilha change par ailleurs de nombreux points importants du scénario, parfois de manière subtile, le plus souvent de façon assez grossière. L’ancienne partenaire a été remplacée par un homme afro-américain et « la femme » de cette histoire est l’épouse d’Alex Murphy, la policier qui va devenir RoboCop. Cela n’a l’air de rien, mais ça change beaucoup : la famille revient au cœur du projet, alors qu’elle était absente chez Paul Verhoeven et l’histoire d’amour prend une place énorme. Pour que l’ensemble tienne la route, le personnage principal de ce RoboCop ne voit pas sa mémoire effacée après sa transformation et il est censé retrouver sa famille. Même si le scénario finit par trouver une astuce pour lui enlever la mémoire dans un deuxième temps, le mal est fait : la quête pour retrouver la mémoire du premier film était beaucoup plus intéressante que l’histoire alambiquée que l’on nous sert ici. De fait, même si le film est visuellement réaliste, il multiplie les incohérences tout en évitant soigneusement les questions qui fâchent. En arrière-plan, il y a pourtant des policiers corrompus, mais c’est presque un détail secondaire face au seul enjeu apparemment de José Padilha : la famille. Ce RoboCop est incontestablement plus moderne en cela, mais c’est un peu décevant et sans saveur.
José Padilha n’a pas seulement dépoussiéré le personnage de RoboCop avec cette relecture, il l’a aussi aseptisé. Ce reboot replace l’histoire originale dans un contexte qui nous parle plus aujourd’hui, entre lutte contre le terrorisme et pouvoirs de la télévision, mais il efface totalement toutes les questions qui pourraient fâcher. La critique du capitalisme à outrance de Paul Verhoeven a-t-elle vraiment perdu de son intérêt aujourd’hui ? Pourquoi la corruption de la police est comme effacée ? RoboCop replace la famille au cœur de ses enjeux et cette histoire d’amour efface tout le reste. Le résultat est sans appel : un blockbuster relativement efficace, mais que l’on oublie aussitôt vu.