Transformer un petit roman pour enfant en trilogie épique, tel était le dernier objectif un peu fou de Peter Jackson. Le cinéaste néo-zélandais complète sa deuxième saga après celle, très réussie, du Seigneur des Anneaux avec un volet qui annonce la couleur dès son titre. Comme pour Le Seigneur des Anneaux : le retour du Roi, la guerre est au cœur des enjeux de cette conclusion, mais Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées n’a que la bataille de son titre à montrer. Et c’est précisément là où le bat blesse. Contrairement à la première saga qui tournait d’abord autour d’une quête, les enjeux sont beaucoup moins importants dans Bilbo le Hobbit, et ils le sont aussi dans son adaptation au cinéma. Peter Jackson a beau faire ce qu’il peut pour enrichir sa maigre intrigue, on voit ici nettement qu’il a tiré son scénario à l’extrême pour tenir sur deux heures trente. Alors que Le Hobbit : un voyage inattendu et Le Hobbit : la Désolation de Smaug étaient deux blockbusters époustouflants et bien rythmés, ce troisième volet paraît un peu long. On ne s’ennuie pas vraiment, mais Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées n’est pas aussi passionnant que ses deux prédécesseurs et pour la première fois, on se dit que Peter Jackson aurait peut-être mieux de s’en tenir à deux films. Dommage…
Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées reprend à nouveau très exactement à la fin du précédent volet, mais cette fois, c’est encore plus important que dans le reste de la saga. En effet, Le Hobbit : la Désolation de Smaug s’interrompait à un moment crucial, alors que le dragon sortait de la montagne où il a dormi pendant des années, et alors qu’il s’apprêtait à attaquer Lacville, la ville au pied de la montagne. C’était une rupture brutale et cruelle même, et c’est peu dire que l’on attendait cet affrontement entre le dragon et la ville avec une certaine impatience. Peter Jackson reprend justement à ce moment-là et on espérait un combat impressionnant… mais on n’est qu’à moitié servis. Certes, le dragon est vraiment époustouflant, mais il n’y a pas de combat. Les habitants fuient apeurés, la bête détruit la ville qui s’enflamme rapidement sous le coup de ses attaques et puis le combat est interrompu de façon un peu trop rapide, d’un seul coup d’arc envoyé par Bard. C’est visuellement époustouflant, mais la fin est maladroite et cette dualité est malheureusement le lot de tout le film. Que le dragon disparaisse rapidement, c’était à prévoir, puisque Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées est tourné entièrement vers cette fameuse bataille dont on ne sait rien au début. Le dragon évacué, on attend cet affrontement, et il faut reconnaître que Peter Jackson sait toujours faire monter la tension. Progressivement, tous les éléments se mettent en place autour de la montagne d’Erebor et de son impressionnant trésor. Les nains s’y enferment et Thorïn devient le nouveau roi de la montagne, mais les humains de Lacville, puis les elfes de Thranduil viennent réclamer une part du trésor. Car cette bataille n’a aucun enjeu au-delà de l’aspect financier : certes, cela ne l’empêche pas d’être épique, mais se battre pour quelques diamants a moins d’intérêt que de se battre pour survivre face au mal, incarné dans Le Seigneur des Anneaux par Sauron. Peter Jackson déçoit un peu nos attentes, mais il est vrai que sa bataille est visuellement toujours aussi impressionnante. Sauf qu’on l’a déjà vue à plusieurs reprises, ce qui fait que l’on est moins impressionné, et puis elle se termine un peu trop facilement, trop rapidement, c’est à nouveau dommage. C’est le même problème des combats individuels qui peuvent durer plusieurs minutes et se terminer en une seconde, avec une astuce un peu facile.
Au fond, le vrai problème de ce film, c’est son manque d’enjeux. Dans les deux précédents volets de la saga, Peter Jackson ne se contentait pas de filmer des batailles comme il sait si bien le faire, il avait aussi quelque chose pour compenser la quête de l’anneau. Même si la quête d’Erebor était moins importante, elle fournissait aux premiers films un fil conducteur. Maintenant que ce fil a été cassé — la quête s’arrête la fin du deuxième épisode —, on comprend mieux son importance. Privé de quête, Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées paraît bien vide. Le scénario ne se déploie que pour cette bataille au cœur du long-métrage, si bien que ce qui se passe avant et surtout après est totalement vide. Avant, il y a au moins le combat contre Smaug pour maintenir l’intérêt et il est vrai que toute la première partie reste convaincante. En revanche, après, il n’y a plus rien et Peter Jackson prouve à nouveau qu’il n’est pas le meilleur pour terminer une saga. Le dernier volet du Seigneur des Anneaux méritait déjà des coupures plus importantes, mais c’est encore pire ici. Et pourtant, le film est relativement court pour le cinéaste, mais il semble interminable une fois la taille terminée. Pis, Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées tisse le maximum de liens avec la saga suivante, ce qui est assez logique, mais ce qui tourne au ridicule quand le scénario imaginé pour les besoins de ce film contredit Le Seigneur des anneaux : la Communauté de l’anneau. Sans entrer dans les détails, on peut indiquer que l’anneau récupéré par Bilbon dans le film précédent a beaucoup trop de place, à tel point que l’on se demande comment Gandalf pourrait tout ignorer à son sujet dans la saga suivante. Tout cela ne tient pas debout et c’est aussi une preuve de plus que les ajouts effectués par Peter Jackson ne sont pas aussi bons que le scénario strictement adapté de J.R.R. Tolkien. On évoquait déjà, à propos du film précédent, le ridicule de la romance entre un nain et une elfe, mais cette invention de toute pièce est non seulement toujours présente dans cette conclusion, mais elle prend encore plus de place. Et si le cinéaste est excellent pour filmer des batailles épiques, il n’est décidément pas très bon pour les scènes intimes. Elles sont toujours ridicules et quand elles s’éternisent comme c’est le cas ici, on s’impatiente franchement. Pis, ce n’est pas la seule greffe émotive de Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées : Legolas et son père, Bilbon et les autres nains ou encore Bard et ses enfants… le scénario regorge de scènes supposées émouvantes, mais qui ne réussissent qu’à faire rire, ou à ennuyer sérieusement.
Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées était-il le volet de trop ? Jusque-là, Peter Jackson avait toujours réussi à s’en sortir avec l’univers de Tolkien et même si certains volets étaient un peu trop longs — Le Seigneur des Anneaux : le retour du Roi en version longue gagnerait à être réduit d’une bonne demi-heure, voire d’une heure —, on pardonnait le cinéaste, car l’histoire sauvait tout le reste. Malheureusement, ce sixième film ne peut pas compter sur son histoire : la quête du trésor étant terminée, il ne reste plus que des scènes d’action pour remplir deux heures trente. Et cela se voit : Peter Jackson étire tout jusqu’à tomber dans le ridicule et on est souvent déçus des combats, qu’ils soient individuels (le combat sur la tour en décomposition est vraiment ridicule1) ou collectifs. Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées reste un blockbuster spectaculaire, mais il n’est pas nouveau et il n’est pas aussi passionnant et efficace que ses prédécesseurs. C’est dommage, mais cela ne retire rien à l’immense travail du réalisateur. Adapter J.R.R. Tolkien était réputé impossible, on sait maintenant que c’est extrêmement difficile et dans l’ensemble, les deux sagas s’en sortent bien. On aurait simplement aimé que ce travail ne se termine pas sur une note en demi-teinte…
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- Le comble, c’est sans doute la fin, quand Legolas saute d’une pierre à l’autre pendant leur chute. Peter Jackson a probablement trop vu Matrix, mais ici, cela ne fonctionne pas du tout. ↩