Morse : Twilight… en bien !

Je rattrape toujours mon retard sur le mois de février, avec ce soir Morse, film suédois de Thomas Alfredson. Sorti en gros en même temps que le premier épisode de Twilight, ce film n’a eu aucune chance et a connu un succès limité comme en témoigne son effacement quasi total des salles obscures de France et de Navarre ((À ce propos, je l’ai vu dans l’une des rares salles parisiennes, à l’Orient-Express et heureusement que je ne paie pas mes places à l’unité. Parce que payer 10 euros pour voir un film sur un écran à peine plus grand qu’une télé lambda (j’exagère à peine), dans des sièges antédiluviens, et à jongler entre les têtes pour lire les sous-titres (ben oui, je ne parle pas le suédois couramment), c’est quand même un peu gonflé !)). Pourtant, Morse, c’est Twilight… mais en bien !

Morse

Il est facile et en même temps assez artificiel de comparer Morse et Twilight. Certes, les deux films ont le même thème de base, à savoir un couple d’adolescents dont l’un des deux membres est un vampire. Mais mis à part ce point commun, les films n’ont absolument rien à voir. Là où Twilight était un blockbuster, certes un peu étrange (il ne s’y passe pas grand-chose), mais blockbuster quand même et donc doté d’une belle histoire d’amour façon romans Arlequin, Morse est à la fois beaucoup moins politiquement correct et beaucoup plus sympathique.

La morale est un concept étranger à ce film, ou disons plutôt qu’il y a une morale, mais qu’il ne s’agit pas de la morale attendue et légitime. Ici, les vampires sont non seulement bestiaux, mais en plus ils tuent à tout va et même pas discrètement. Le concept même de vampires végétariens introduits par le rival est totalement étranger : on tue vraiment, froidement ou bestialement, mais on tue. Je ne veux pas dévoiler la fin, mais à cet égard, elle est assez impressionnante, drôle, car totalement immorale (il s’agit, en gros, d’une valorisation de la violence bestiale).

Les deux adolescents de Morse le sont à peine : ils ont 12 ans, et ont des visages encore très jeunes. Tous les deux sont étranges, en marge, délaissés. Elle, la vampire (inversion de plus par rapport à Twilight tiens…) est évidemment à l’écart à cause de la lumière du jour ; lui a une tête d’ange et se fait martyriser tous les jours par la bande de gros durs de sa classe. Quand les deux se croisent, devant leur immeuble, c’est en quelque sorte le coup de foudre, enfin si l’on veut. En effet, il n’est pas question de coups de foudre avec force violons larmoyants. Non, le sentiment qui les réunit vite est plus complexe : curiosité réciproque sans nul doute, forte amitié, peut-être amour, on ne sait pas bien. Toujours est-il que la thématique sexuelle, toujours présente dans les histoires de vampires, est ici bien là et volontairement troublante.

Une étrange impression se dégage constamment de Morse, et même une certaine poésie. La photographie est assez magnifique et le film utilise bien les paysages tristes de ce grand Nord sous la neige, mais aussi ses habitants enfermés ou emmitouflés (mettant en valeur la jeune fille jamais habillée) : tout semble mort, comme ce cadavre congelé et dégagé de la glace à la tronçonneuse. Certains plans sont splendides, sans jamais devenir purement esthétiques. La maîtrise de ce premier film est assez impressionnante.

Ainsi, Morse constitue un film beau, assez calme, poétique, mais pas vraiment reposant même si la violence se fait accès de violences. Voilà, en tout cas, un film bien plus intéressant que son pendant hollywoodien : si l’on comprend bien les raisons du succès de l’un et pas de l’autre, on ne peut néanmoins que le déplorer. En attendant, et si vous ne l’avez pas déjà vu, je vous recommande de voir ce film suédois !

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