The Knick pose ses caméras dans un hôpital new-yorkais au début du XXe siècle. Cette série créée par Jack Amiel et Michael Begler, mais qui s’est surtout faite connaître grâce à son unique réalisateur — Steven Soderbergh a signé tous les épisodes de la première saison — raconte ainsi les débuts de la médecine moderne, et plus particulièrement de la chirurgie moderne. On y suit principalement un chirurgien qui repousse les limites des (maigres) connaissances de son époque et trouve de nouveaux traitements pour guérir encore plus de patients. Mais la série ne repose pas seulement sur un personnage et c’est tout un hôpital que l’on découvre progressivement, un peu comme dans Urgence ou Grey’s Anatomy, mais version 1900. Un mélange qui fait mouche : The Knick est une excellente série, à recommander, du moins à tous ceux qui ne défaillent pas à la vue du sang.
Un hôpital du début du XXe siècle n’a pas grand-chose à voir avec les établissements modernes et technologiques que l’on connait aujourd’hui. D’ailleurs, le Knickerbocker qui a donné son nom à la série et qui lui sert aussi de cadre, n’est pas encore totalement électrifié quand The Knick commence. C’est à cette époque que la chirurgie moderne telle qu’on la conçoit maintenant a été mise en place, mais c’est un développement très progressif et on en est encore loin. Dans The Knick, les opérations sont encore très artificielles et le scénario le montre bien en ouvrant avec une scène d’opération, précisément. On y découvre quelques docteurs et des infirmières s’affairer autour d’un corps inerte et tenter de sauver une femme enceinte qui souffre d’un placenta praevia. De nos jours, un tel problème n’est absolument pas anodin, mais il est assez facilement réglé avec une césarienne et on peut en général au moins sauver la mère. En 1900, on ne savait pas encore vraiment ce qui se passait, encore moins le soigner et Jack Amiel et Michael Begler le montrent très bien avec cette toute première scène qui se termine de manière tragique. Une entrée en matière assez effrayante et qui place la barre assez haut en matière de sang et de chairs ouvertes — si vous ne supportez pas cette première séquence, mieux vaut probablement vous abstenir de voir la suite —, mais c’est un passage obligé pour comprendre l’état d’esprit de ces médecins. Ils veulent soigner tous leurs patients, mais bien souvent, ils ne savent pas du tout comment. Et ces malades sont autant d’opportunités, pour eux, d’en apprendre plus, avec quelques effets pervers que The Knick montre bien. Les opérations dans un amphithéâtre, avec les explications du chirurgien qui détaille ce qu’il fait au fur et à mesure, comme s’il faisait un cours à des étudiants avec des manipulations sur un mannequin, sont déjà surprenantes pour nous qui sommes habitués aux salles d’opération cloisonnées et inaccessibles. Mais il y a pire, avec une sorte de compétition qui se met en place entre établissements pour avoir le plus de telle maladie ou condition et ainsi progresser plus loin que les autres.
Très bien documentée, The Knick nous plonge dans un passé qui n’est pas si éloigné de nous, mais qui semble aussi loin que le Moyen-Âge par certains aspects. Et la série ne s’arrête pas aux conditions sanitaires catastrophiques des hôpitaux, ou aux connaissances très aléatoires des chirurgiens d’alors, Steven Soderbergh filme aussi le New-York de 1900. On découvre une reconstitution de la ville à cette époque et on suit plusieurs personnages très différents dans cet univers encore très violent. La violence, en effet, est omniprésente dans la série de Jack Amiel et Michael Begler, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’hôpital. Les conflits sociaux sont au cœur de l’intrigue avec ce chirurgien noir qui peine à trouver sa place à cause de la couleur de sa peau. Dans l’un des épisodes, le meurtre d’un policier blanc par un noir déclenche même une émeute qui conduit à la mise à sac partielle de l’établissement. Les noirs sont massacrés dans les rues, en plein jour et avec l’aval des forces de l’ordre, et on mesure alors bien la distance qui nous sépare de cette époque et de cette société. Ce n’est pas tout : The Knick montre aussi que les rapports sociaux peuvent être tout autant violents, entre docteurs et infirmières, entre chirurgiens pour trouver la vérité sur un problème donné, ou même entre médecins et patients. Une femme qui perd la tête et que l’on édente sur la foi que le mal provient des gencives infectées, ces patients qui sont tués uniquement pour tester une hypothèse théorique… The Knick accorde également une grande place à la drogue, puisqu’à cette époque, on ne trouvait rien de mieux que la cocaïne pour soulager les malades avant leur hospitalisation. Et les chirurgiens finissent souvent par en prendre pour tenir, avec les risques que l’on imagine. Ainsi, au-delà de l’aspect historique, la série embrasse de nombreux sujets et évoque évidemment des personnages. C’est eux qui font la réussite du projet et sur ce point, on peut saluer le talent de Steven Soderbergh qui a parfaitement su donner vie à des personnages réalistes et attachants.
Naturellement, The Knick compte aussi sur ses interprètes et en premier lieu par Clive Owen. L’acteur, que l’on avait plutôt l’habitude de voir dans des longs-métrages, excelle dans le rôle principal du chirurgien le plus célèbre et le plus respecté de l’hôpital. Autour de lui, les autres acteurs s’en sortent également très bien, pour une première saison bien équilibrée. On a hâte de voir la suite, mais en attendant, Jack Amiel et Michael Begler ont réussi leur coup. En incluant Steven Soderbergh à la réalisation, ils offrent à leur série une maîtrise formelle impeccable d’un bout à l’autre. Bilan sans appel : The Knick est une série très prometteuse !
The Knick, saison 2
(12 janvier 2016)
En acceptant de participer au projet, Steven Soderbergh s’est assuré, non seulement de la réalisation de l’ensemble des épisodes de la première saison, mais aussi de son contrôle complet sur la suite. Dès le départ, The Knick a été pensée pour tenir sur deux saisons, avec un arc narratif complet qui trouve logiquement sa fin après les dix autres épisodes. C’est probablement ce qui explique la très grande cohérence de cette suite et on a vraiment le sentiment de voir la suite de la première saison, comme si celle-ci avait duré le temps de vingt épisodes. Les personnages sont mieux creusés, on en découvre encore plus sur la médecine toute jeune et sur cette société à la violence manifestement infinie. L’histoire change d’ailleurs un petit peu d’angle, ou plutôt évolue : après les agressions purement racistes, le scénario fait la part belle aux courants eugénistes qui émergent effectivement en ce début de siècle. Des idées qui font froid dans le dos aujourd’hui, mais qui semblent parfaitement acceptées à cette époque, où les affaires sont menées entre-soi, dans un univers de mafieux que l’on prend plus le temps de découvrir également.
À l’arrivée, comment ne pas s’enthousiasmer pour ces épisodes toujours parfaitement réalisés, pour cette intrigue toujours aussi passionnante et ces personnages si finement dessinés ? The Knick devient une grande série avec cette deuxième saison, ce qui pose la question d’une suite. On le disait, Steven Soderbergh n’avait prévu que vingt épisodes et il les a tous réalisés, sans exception. On sait aussi que Clive Owen ne s’était engagé que sur ces deux premières saisons et on peut comprendre la spectaculaire — et qui mettra vos nerfs à rude épreuve, sans compter votre estomac si vous êtes sensibles à la vue de la chair — scène finale comme un adieu… à moins que ? On sait que Cinemax réfléchit à une troisième saison, mais la chaîne parviendra-t-elle à réunir le même casting ? Et à trouver une histoire toujours aussi passionnante ? On peut craindre le pire, mais quoi qu’il arrive ensuite, The Knick mérite déjà amplement d’être vue pour ses deux premières saisons !