À bien des égards, Seven est le premier film réalisé par David Fincher. Techniquement, c’est le deuxième, puisque le jeune cinéaste — il n’a que 33 ans quand le long-métrage sort dans les salles — a déjà signé Alien³, mais il n’a jamais aimé ce dernier et l’a plus ou moins renié avant même sa sortie. Alors qu’il n’avait été mis à la tête du projet par les producteurs uniquement pour faire ce qu’ils avaient envie sur la saga futuriste, cette fois c’est un projet personnel qu’il mène. Le cinéaste s’est d’ailleurs battu pour le conserver intégralement comme il l’imaginait, y compris sa fin d’un désespoir tel que les producteurs voulaient la modifier. David Fincher a tenu bon et Seven reste ainsi le thriller désespéré qu’il envisageait. Ce film repose sur une base traditionnelle que l’on avait déjà vue plusieurs fois, mais son traitement radical fait la différence. Une œuvre sombre, parfaitement maîtrisée, une réussite incontestable !
Seven repose d’abord sur la figure archétypée au cinéma du duo de flics. D’un côté donc, le détective Somerset, vieux policier à une semaine de la retraite, blasé face à un monde qu’il ne comprend plus et qui n’a qu’une hâte : fuir, loin de la ville où il travaille. De l’autre, le détective Mills qui travaille dans la police depuis peu de temps et qui est encore enthousiaste face à son travail et ses obligations. David Fincher ne bouscule pas les codes du genre avec ce duo, mais il faut reconnaître que l’opposition fonctionne toujours aussi bien. Et puis le réalisateur peut compter sur deux excellents acteurs : Morgan Freeman est parfait dans ce rôle de flic fatigué, l’acteur impose par sa seule présence toute l’ambiance de désespoir que l’on sent dès les premières minutes. Face à lui, Brad Pitt est convaincant dans le rôle du jeune flic fougueux, qui n’a qu’une hâte : se prouver et prouver au monde qu’il est un bon détective. Seven introduit son duo dès la première scène, qui se déroule avant même le générique du film. On découvre ainsi Somerset au travail sur une scène de meurtre assez banale, du moins aux yeux de tous les policiers présents. Mais pas pour le détective qui pose des questions gênantes, avec en guise de réponse, uniquement un soupir exaspéré de la part de ses collègues. L’homme est calme, manifestement brillant, mais sans doute trop attentif et méticuleux pour beaucoup. Quand Mills arrive, on sent immédiatement la différence : le cinéaste le présente comme un jeune homme motivé, mais sans doute trop agité, certain de ses compétences et prêt à en découdre. On ne pourrait avoir deux personnages plus différents et David Fincher a parfaitement su montrer la différence. Il n’a pas besoin de faire de longs discours pour cela, il lui suffit d’une scène et le message est passé. Naturellement, ces deux flics aux antipodes vont apprendre à se connaître en travaillant ensemble, comme souvent, mais Seven n’est pas intéressant uniquement pour ce duo.
Très vite, David Fincher introduit l’affaire principale, autour d’une mort aussi glauque que mystérieuse. Un homme, obèse, est retrouvé mort dans un plat de spaghettis et bien vite, un autre mort, cette fois un avocat vidé de son sang. Les deux morts n’ont rien à commun, sauf que dans un cas, comme dans l’autre, le meurtrier a laissé des indices et en particulier un message. « Gourmandise » pour le premier, « Avarice » pour le second : il ne faut pas longtemps aux deux inspecteurs pour comprendre qu’ils ont affaire à un serial-killer obsédé par les sept pêchés capitaux. Et d’ailleurs, un troisième mort est bientôt retrouvé, un homme maintenu dans un lit pendant un an et qui doit illustrer l’idée de la paresse. Seven lance ainsi la course contre la montre entre forces de l’ordre et le meurtrier en série, mais on aurait tort de trop en dire sur l’intrigue. Jusqu’à la fin, David Fincher sait maintenir un très bon niveau de suspense, et que dire, justement, de la dernière scène ? C’est probablement l’un des dénouements d’enquête les plus forts jamais vus au cinéma, avec une surprise qui surgit sans prévenir et une conclusion qui laisse pantois, et désespéré. On n’en dira pas plus, mais l’identité du meurtrier, ou même ses motifs, sont presque secondaires par rapport à l’ambiance instaurée par le film. Le cinéaste n’en est qu’à son deuxième long-métrage et force est de constater que sa maîtrise technique est parfaite. On reconnaît déjà parfaitement sa pâte graphique avec une photographie très terne, sans saturation ni couleur vide. L’organisation de chaque scène est soignée, les plans sont tous réfléchis et l’ensemble fonctionne remarquablement bien. On est pris par cette ambiance et ce désespoir qui rappellent un petit peu, avec des années d’avance, le travail de Nic Pizzolatto sur la série True Detective. Vingt ans après sa sortie, Seven n’a pas pris une ride et le film reste toujours aussi intense.
Réussite totale pour David Fincher : le réalisateur est encore jeune, mais il n’est absolument pas un débutant si l’on en juge à ce qu’il est déjà capable de produire. Seven est basé sur une histoire et des situations assez classiques, sauf pour sa fin pleine de surprise, mais ce n’est en aucun cas gênant. La maîtrise formelle, les excellents acteurs et l’intrigue intense d’un bout à bout : tout est parfaitement mené dans Seven et bien des années après, on le (re)voit avec toujours autant de plaisir. Un classique !