FAUVE, phénomène surprenant né au début des années 2010 quand quelques amis parisiens ont décidé de créer ensemble quelque chose. En l’occurrence, de la musique avec un morceau, puis deux, trois… et un immense succès, surtout sur YouTube. Peu à peu, le collectif crée suffisamment de morceaux pour composer un mini-album prometteur, et puis le succès aidant, FAUVE est devenu un vrai groupe. Résultat, un premier vrai album en deux parties. L’essai est transformé et le groupe, qui refuse toujours la lumière des médias, a su passer des morceaux bricolés des débuts à des titres plus travaillés, mais toujours traversés de fulgurances extrêmement convaincantes. Restait une inconnue : la scène. Le groupe s’est fait connaître dans des salles minuscules, mais face au succès, il a fallu grandir. Après une première tournée l’an dernier dans des salles de taille moyenne, FAUVE s’attaque aux Zénith cette année avec Les Nuits Fauve, un spectacle qui se veut aussi peu conventionnel que tout ce que le collectif produit. À la clé, une ambiance de kermesse un peu gadget et un concert séduisant par ses imperfections et sa sincérité.
Faute de Zénith, c’est à la Halle Tony Garnier que se produit FAUVE de passage à Lyon. Un choix qui effraie un peu quand on sait que la salle peut accueillir plus de 15 000 personnes, mais après tout, le concert donné l’année d’avant dans une petite salle de la région était complet des mois avant et l’attente est incontestable. Quand on entre dans l’immense halle, on comprend toutefois que la configuration n’est pas prévue pour accueillir autant de monde. On n’arrive pas directement sur la partie dédiée au concert, mais d’abord dans une zone qui ressemble à une kermesse. Il y a quelques babyfoot, un kiosque à pop-corn qui diffuse une odeur alléchante, un punching-ball de foire, un photomaton bidouillé par le groupe et encore quelques attractions supplémentaires, ainsi que les inévitables boutiques qui vendent affiches, t-shirts et autres disques. C’est ça, l’esprit Les Nuits Fauves : ce n’est pas qu’un concert, mais un « village » comme le précise ensuite le chanteur sur scène. L’idée est originale, mais la réalisation assez gadget : le côté kermesse est amusant quand on entre, mais on se dépêche plutôt d’aller se poser devant la scène ou dans les gradins dès que l’on arrive. La scène elle-même est située environ au milieu de la halle, si bien que le concert est prévu pour 5000 personnes environ. C’est plus raisonnable, mais c’est encore beaucoup… et c’est même un record pour le groupe, de l’aveu même du chanteur, visiblement impressionné. Il faut dire que les fans — souvent jeunes, souvent féminines — étaient au rendez-vous, massés devant la scène, dans la fosse. Et quand le concert commence enfin, le public déjà conquis réchauffe la vaste Halle Tony Garnier.
La première partie est assurée par des « amis » de FAUVE, avec tout d’abord Grand Blanc qui propose une musique assez originale, quelque part entre le post-rock et la musique électronique des années 1980. Une prestation intéressante, même si le son est de piètre qualité… on espère encore que ce n’est qu’une erreur qui sera corrigée pour le groupe principal. Cette partie terminée, on s’attend à un entracte, le temps que la scène soit aménagée pour la deuxième partie. Pourtant, les lumières ne s’allument pas et la musique reprend de plus belle… dans la catégorie on ne fait pas les choses comme les autres dans Les Nuits Fauves, voici la deuxième partie qui ne donne pas son nom. Impossible de voir un artiste sur la scène désormais plongée dans le noir, mais apparemment on écoute Les Gordon, un DJ/mixeur français qui s’écoute sans déplaisir, mais à ce stade, tout le monde attend surtout le collectif qu’il est venu écouter. Une bonne heure après le début du concert, FAUVE entre finalement sur scène et la salle explose, ou du moins la fosse, pleine de fans. Les gradins sont plus timides et au-delà des singles, le répertoire n’est pas connu et certains sont manifestement venus en touristes, pour découvrir. Quoi qu’il en soit, le spectacle commence et pendant une heure et demi environ, le groupe lance ses classiques et quelques titres moins connus, essentiellement extraits de VIEUX FRÈRES — Partie 2 sorti très récemment.
Sur scène, FAUVE est d’abord un spectacle qui se regarde autant qu’il s’écoute. Le collectif n’étant pas composé que de musiciens, mais aussi de vidéastes et autres bricoleurs de l’image, ce n’est pas une surprise. Derrière les musiciens, on a ainsi trois grands écrans sur lesquels seront affichées des images en permanence, du début à la fin du spectacle. Pour les morceaux avec un clip, c’est lui qui est présenté, souvent dans une version alternative, spécifique aux concerts. Pour les autres titres, on a des images qui ne servent souvent qu’à créer une ambiance colorée. La bonne idée, avec ces écrans, c’est que l’image projetée depuis le fond de la fosse et les deux côtés de la scène génère des ombres chinoises de tous ceux qui sont sur scène. Discrets, les six membres de FAUVE présents pour la tournée ne sont pas filmés et ils sont rarement très éclairés. Mais ces ombres les agrandissent d’une certaine manière et ils sont ainsi plus présents, c’est bien vu. L’autre bonne idée des Nuits Fauves, c’est incontestablement les fils lumineux au plafond qui ajoutent, quand ils sont éclairés, une profondeur supplémentaire à la scène. C’est vraiment une excellente trouvaille et elle est très bien utilisée par FAUVE : de manière générale, le spectacle est visuellement très réussi. Hélas, on ne peut pas en dire autant du son. Alors que les morceaux sur album sont très propres et enregistrés avec soin, leurs versions scéniques sont au contraires assez violentes et malheureusement grossières. La faute à un très mauvais réglage sonore : est-ce la Halle Tony Garnier qui a limité les ingénieurs du son ou ces derniers qui ont encore à apprendre ? Toujours est-il que le chanteur et la guitare principale étaient poussés bien au-delà du raisonnable avec, sans surprise, une saturation très désagréable en permanence. Le résultat était logique : une bouillie sonore qui couvrait toutes les subtilités des morceaux, à tel point que certains étaient méconnaissables s’il n’y avait les paroles.
Cette mauvaise qualité nuit au spectacle, mais alors qu’elle serait rédhibitoire avec la majorité des artistes, on pardonne FAUVE pour ce qui n’est vraisemblablement qu’une erreur de jeunesse. Le groupe est touchant à s’excuser de ses problèmes techniques, quand la guitare ne fonctionne pas comme prévu et que le chanteur doit meubler comme il peut pendant quelques minutes, le temps de trouver une solution. « On est humains », s’excuse-t-il, visiblement gêné, alors que la salle le rassure avec des applaudissements. On sent que le collectif a été dépassé par son succès, qu’ils ne cherchent pas forcément la lumière et qu’ils préféreraient continuer leurs concerts dans de toutes petites salles. Ils ont été contraints de passer à la catégorie supérieure, mais on voit bien que ce n’est pas encore un show parfaitement maîtrisé… et au fond, c’est très bien ainsi. Ce qui sauve Les Nuits Fauves, c’est sans doute ce côté improvisé et bon enfant — le chanteur qui n’arrête pas de parler de « famille » au sujet de la salle en est l’une des manifestations — qui est très humain, il faut bien le reconnaître. Et quand le concert se termine, le groupe s’excuse à nouveau : « On n’est pas trop selfies et autographes, par contre si vous voulez nous payer des coups, on sera à la buvette… ». C’est aussi ça, l’esprit FAUVE, et on peut en profiter jusqu’à minuit après chaque concert. Imparfait, peut-être, mais incontestablement généreux : la formule fonctionne finalement plutôt bien et à 30 € la place seulement, on est plus enclin à oublier les erreurs techniques.