Premier véritable échec pour Leonardo Di Caprio qui voulait se débarrasser de son statut de star pour midinettes obtenu avec Titanic, c’est aussi le premier échec commercial de Danny Boyle qui avait été propulsé sur le devant de la scène cinématographique avec l’énorme succès de Trainspotting. Autant dire que La Plage avait fait l’unanimité à sa sortie, mais contre lui. Quinze ans après sa sortie, le quatrième long-métrage du cinéaste britannique n’est peut-être pas si horrible qu’on pouvait le penser, mais il n’est pas très bon non plus. C’est une œuvre imparfaite et inégale, avec malgré tout quelques bons moments et un acteur toujours autant impressionnant, même s’il est desservi par les incohérences de son personnage. Danny Boyle ne signe certainement pas un chef-d’œuvre et même si on regarde La Plage sans déplaisir, on ne court pas non plus après.
On sent bien que Danny Boyle met en avant sa star autant qu’il peut. Leonardo Di Caprio n’avait que 25 ans pendant le tournage de La Plage et il fait même quelques années de moins encore. Il n’a pas tout à fait l’air d’être adulte, on dirait plutôt un adolescent sur le tard et cet aspect très juvénile a peut-être desservi le film. L’acteur a pris un petit peu de muscle pour ce personnage, mais il reste au fond très proche du Jack qui l’a fait connaître au monde entier trois ans auparavant. Tous les regards sont restés braqués sur lui et le cinéaste l’a bien exploité : Leonardo Di Caprio était peut-être encore jeune, mais sa présence en impose et écrase à l’écran tous les autres personnages, à tel point qu’on ne retient que son nom au casting. Quoi qu’on pense de sa performance, il est indéniable que le film tient essentiellement sur ses épaules et il s’en sort plutôt bien. Le principal problème de La Plage est probablement ailleurs. Et c’est plutôt que son scénario, adapté d’un roman d’Alex Garland qui avait connu un beau succès à sa sortie, n’est pas convaincant.
Découpé en plusieurs parties bien distinctes, La Plage manque de cohérence et ne permet pas de comprendre les personnages, encore moins de leur offrir l’épaisseur psychologique nécessaire. Le film commence avec une séquence complètement folle qui rappelle le meilleur de Trainspotting et qui le lance sur une bonne base. Malheureusement, Danny Boyle enchaîne avec une partie de carte postale de la Thaïlande qui évoque souvent davantage une publicité pour le Club Med. Le cinéaste multiplie par ailleurs les effets de style et tombe dans sa propre caricature, le tout porté par une bande-originale techno qui a très mal vieillie. L’intérêt revient quand on arrive enfin sur la plage évoquée par le titre et que l’on découvre la communauté secrète… même si on retombe vite dans le cliché. On a souvent l’impression étrange que le film passe à côté de son vrai sujet, peut-être aussi parce que son traitement est totalement limité au premier degré. La Plage aurait mérité un peu de distance et on aurait peut-être mieux compris au passage certains évènements. Ainsi, quand on entre dans une nouvelle phase avec la folie du personnage principal, on ne comprend vraiment pas ce qui se passe. Il faut dire que le cinéaste ne prend jamais le temps de poser ses personnages et de leur offrir une chance d’exister, et quand un bouleversement important survient, on ne sait pas pourquoi et on passe complètement à côté. Au fond, on se fiche assez de ce qui arrive au héros du film… et on se fiche finalement aussi pas mal du film lui-même.
La Plage est divertissant et son acteur principal est excellent, mais il faut bien reconnaître que l’ensemble n’est pas très bon. Danny Boyle a peut-être eu trop de moyens et trop de libertés à ce stade de sa carrière et l’échec commercial retentissant du film lui a sans doute fait du bien. Après tout, il retourne ensuite en Grande-Bretagne pour tourner 28 jours plus tard, un film complètement fauché et bien plus intéressant.