Godzilla, Roland Emmerich

Longtemps cantonné au cinéma japonais, la créature mythique imaginée dans les années 1950 débarque pour la première fois dans un blockbuster hollywoodien à la fin des années 1990. Roland Emmerich est le premier à imaginer une histoire avec le monstre et si son Godzilla est censé être un remake du film original d’Ishirô Honda, c’est une relecture assez libre et gonflée aux explosifs qu’il propose. Le réalisateur, spécialiste des films catastrophe où les États-Unis — et donc le monde — sont en dangers, il envoie la bestiole directement à New York et la regarde tout détruire avec un plaisir assez partagé. Malheureusement, le cinéaste ne sait pas vraiment que faire de cette base et la résolution imaginée dégouline de patriotisme, tout en étant beaucoup trop longue. Godzilla est un blockbuster très classique, mais il ne parvient pas à retrouver le plaisir coupable d’Independance Day sorti juste avant.

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Le début de Godzilla est une vraie réussite, un modèle du genre même. Après un générique qui lie directement la création de la bête aux essais nucléaires menés en Polynésie française, on découvre vite ses premiers méfaits, mais Roland Emmerich a l’intelligence de ne pas montrer son monstre trop rapidement. Dans un premier temps, il se contente de présenter les conséquences : un porte-conteneur éventré par les griffes de Godzilla, des traces de pattes immenses dans le sol, des chalutiers tirés par le fond… Il se passe un long moment avant que l’on ne voit le monstre totalement, et comme avec la relecture moderne de Gareth Edwards, c’est le meilleur moment du long-métrage. Les deux Godzilla souffrent néanmoins du même problème : quand on voit la bête, on l’apprivoise et elle semble moins impressionnante. Il faut reconnaître malgré tout le savoir-faire de Roland Emmerich qui s’amuse comme un fou à détruire New York, à la fois à cause du monstre et aussi des militaires qui réagissent n’importe comment.

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C’est la bonne surprise de ce blockbuster par ailleurs formaté comme tous les autres, le scénario n’hésite pas à pointer du doigt des coupables. Il y a les Français, qui interviennent en secret pour essayer de réparer leurs erreurs — avec un Jean Réno égal à lui-même, mais plus discret qu’on ne pourrait le croire —, à savoir la reprise des essais nucléaires à ciel ouvert quand Jacques Chirac est arrivé au pouvoir, quelques années avant la sortie. C’est un point de vue assez surprenant, presque courageux, dans un film hollywoodien, tout comme la bêtise des militaires américains est assez inattendue. Certes, la victoire finale est directement permise par l’armée et Godzilla ne dévie finalement pas tant que ça du schéma établi, mais ce sont de bonnes idées, qui ne suffisent pas à inverser le sentiment de lassitude qui intervient assez rapidement. Le long-métrage est probablement trop long (2h20 au compteur) et on s’ennuie un petit peu dans toute la partie finale, surtout que le sentiment de redite, après l’excellent Jurassic Park reste assez fort. La bande-originale très (trop) classique n’aide pas, pas plus que la pluie si présente que cela en devient ridicule.

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Parti pour faire une trilogie, Roland Emmerich doit finalement se contenter d’un seul film. Les critiques ne sont pas tendres à la sortie contre ce Godzilla prometteur, mais si banal à l’arrivée. Le message anti-nucléaire et écologiste est bien là, sous-jacent, mais le réalisateur n’en fait rien et si l’on peut s’amuser avec lui des destructions de masse apportées par cette grosse bête, on finit vite par s’ennuyer. Ce n’est pas en multipliant les créatures dans Madison Square que le long-métrage trouve une voie originale et convaincante et il patine un petit peu trop vers la fin. Roland Emmerich aurait-il pu faire mieux ? Probablement, mais au fond, entre cet échec et celui de Gareth Edwards, seize ans plus tard, on est en droit de se demander : Godzilla a-t-il un sens à Hollywood ? La créature et le mythe sont peut-être aussi bien chez eux, au Japon…