La crise financière et surtout sa difficile compréhension, inspirent souvent les cinéastes et quelques mois après The Big Short : Le Casse du siècle, c’est au tour de Jodie Foster de s’y intéresser. Mais l’actrice, qui passe derrière les caméras pour la quatrième fois, n’a pas choisi un angle convenu. Bien au contraire, Money Monster imagine une émission boursière au kitsch assumé, et la prise en otage de son présentateur prétentieux quand la situation financière se dégrade. Une bonne base pour un thriller assez gonflé, tourné uniquement en temps réel et qui parvient à être pédagogique et très divertissant à la fois. Le résultat est assez drôle et édifiant et on passe un bon moment.
Money Monster fait le pari du temps réel et le scénario ne triche pas. On commence ainsi avec le présentateur et la productrice de l’émission TV « Money Monster », juste avant la diffusion d’un nouvel épisode. Il s’agit de préparer l’émission du jour, organiser les invités et les différents éléments présentés à cette occasion, mais aussi de découvrir deux des trois personnages principaux du long-métrage. Jodie Foster nous présente ainsi Lee Gates — George Clooney, délicieusement ridicule —, un présentateur fier de sa réussite, très sûr de lui et en même temps assez dédaigneux face à ses nombreux télé-spectateurs, et probablement face au spectacle qu’il donne de lui-même à chaque fois. Il faut dire qu’il en fait des caisses pour simplifier la finance et donner des conseils à l’Américain moyen, car tel est son concept. Il entre sur le plateau en dansant comme un rappeur, entouré de deux danseuses légèrement vêtues. Il appuie sur un gros bouton rouge pour lancer des clips vidéos et audios. Il affiche de gros logos pour recommander l’affaire du siècle. Bref, il ne fait pas dans la dentelle et ses gros sabots lui ont valu ce succès, mais on sent très vite que cet ancien journaliste a un petit peu honte de ce qu’il fait. À ses côtés, Money Monster consacre aussi beaucoup de place à Julia Roberts dans le rôle de Patty Fenn, la productrice de l’émission. C’est une femme brillante, très calme, à l’opposée des excentricités du présentateur. Pourquoi fait-elle ce boulot ? Elle envisage justement d’en changer, apprend-on au début du film, mais en même temps, on voit bien qu’elle aime son métier et qu’elle sait parfaitement contrôler Lee. Leur duo fonctionne bien et il va se renforcer tout au long du long-métrage.
Alors que l’émission du jour a bien commencé, un homme entre sur le plateau armé d’un flingue et en portant deux cartons. À l’intérieur, des vestes d’explosifs qu’il force Lee Gates à porter. Commence le cœur de Money Monster, à savoir la prise d’otages et un thriller, toujours présenté en temps réel et toujours sur fond de pédagogie financière. Le présentateur essaie d’abord de gagner du temps et de parler avec Kyle, l’homme qui l’a pris en otage, mais cette discussion d’abord intéressée finit par le toucher. Petit à petit, des liens se forment entre les deux personnages et Lee en vient progressivement à reconnaître sa faute, et à prendre le parti du jeune homme. Il faut dire qu’il avait recommandé à ses spectateurs d’acheter les actions d’Ibis, une jeune entreprise qui n’avait connu que des succès jusque-là. On découvre au fil de l’intrigue qu’il connaît personnellement le PDG et qu’il s’agissait avant tout de copinage. Mais surtout, Jodie Foster montre très bien comment personne ne sait, au juste, ce qui se passe. Quand cette entreprise perd 800 millions de dollars du jour au lendemain, on accuse une erreur informatique, alors même que les informaticiens qui programment les algorithmes utilisés par la bourse disent que c’est impossible. Money Monster dévoile in fine une autre explication, mais celle-ci n’est pas essentielle, car au fond, on se fiche bien de ce qui arrive à cette boîte. Ce qui intéresse la réalisatrice, c’est plutôt son trio de personnages qui apprennent à se connaître et à se respecter. Mais c’est aussi la réaction de la société, face à cette émission transmise en direct sur les télévisions du monde entier. La prise d’otages fait le buzz et elle amuse bien les spectateurs de part le monde, certains sont pris d’émotion pour Kyle, mais elle n’a finalement aucun impact. Le présentateur essaie de faire bouger les choses, sans y parvenir, et quand l’émission se termine, tout le monde reprend sa vie, comme si rien ne s’était passé. C’est une vision sans fard et bien vue de notre société, pour une fin assez glaçante…
Porté par d’excellents acteurs, avec une mention spéciale pour George Clooney, Money Monster est un divertissement très plaisant et même parfois drôle. Mais il est aussi très pédagogique sans être lourd et si vous ne connaissez rien à la bourse, vous sortirez en ayant appris quelques bases. Et Jodie Foster signe également un thriller extrêmement efficace, bref et intense, tout en jetant un regard précis et un petit peu désespérant sur notre société et sur le rôle des médias.