Pour prouver que la nourriture de fast-food n’est pas bonne pour la santé, Morgan Spurlock ne s’est pas contenté d’un documentaire traditionnel, plein de témoignages et d’avis d’experts. Le réalisateur a cherché à marquer les esprits en expérimentant lui-même l’effet d’une consommation abusive de fast-food sur son corps. Pendant trente jours, il n’a ainsi mangé que chez MacDonald, matin, midi et soir et il a suivi de très près les effets de ce régime sur sa santé et son quotidien. Super Size Me est le résultat de cette expérience un peu folle, et c’est aussi un documentaire engagé, presque un pamphlet, contre la mal-bouffe et l’industrie agro-alimentaire américaine. Plus qu’une critique directe de la célèbre chaîne de fast-food, Morgan Spurlock pointe du doigt les dangers de l’obésité et critique nos sociétés qui incitent à manger n’importe comment dès le plus jeune âge. Super Size Me devrait vous passer l’envie de manger un burger, et c’est sans doute son plus grand mérite.
Casse-cou, Morgan Spurlock a choisi de mettre sa propre santé en danger pour prouver les méfaits de la nourriture servie en fast-food. Entouré de médecins et d’autres spécialistes, il entend aussi documenter précisément les évolutions de son corps et Super Size Me commence ainsi avec une phase médicale, où le corps médical enregistre consciencieusement son état initial. Poids, masse graisseuse, mais aussi niveau de cholestérol, état du foie et de nombreux autres paramètres, consignés pour mesurer l’impact direct du régime suivi. Commence alors l’expérience : pendant un mois, il ne mangera que chez MacDonald’s, à la fois pour le repas du midi et le diner, mais aussi pour les petits déjeuners. Il n’ingère rien qui ne soit pas servi par la chaîne de fast-food et il doit essayer tout ce qui est proposé à la carte au moins une fois. Autre règle fixée au départ : si on lui propose le menu « Super Size » qui a disparu depuis, mais qui consistait alors en une boisson d’un litre et 250 g de frites, il devait prendre cette formule et tout manger. Dès le départ, la tâche s’avère plus difficile que prévue et le défi devient très rapidement dangereux. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en un mois seulement, Morgan Spurlock a pris 11 kg et son foie était déjà sur le point de lâcher. Après cela, il lui a fallu plus d’un an pour revenir à son poids initial et plus encore pour éliminer totalement les effets néfastes du régime. En mangeant uniquement chez MacDonald’s, le réalisateur ingérait en moyenne 5000 calories par jour. Cet apport deux fois plus importants que ce qui était nécessaire, combiné à une absence d’effort physique, a entraîné logiquement tous les effets mesurés dans le film.
La chaîne de fast-food est-elle vraiment responsable ? Pas entièrement, bien sûr, et Morgan Spurlock aurait obtenu de mauvais résultats également en mangeant le même nombre de calories n’importe où. Les critiques ont fusé à la sortie de Super Size Me, mais elles passent à côté de plusieurs choses. Déjà, la surprise des médecins quand ils découvrent qu’il suffit de ne manger que du fast-food pendant un mois pour détruire presque irrémédiablement le foie de leur patient. Au départ, ils n’envisageaient pas de variations aussi énormes et leur prise de conscience est palpable. On peut aussi imaginer que de nombreux spectateurs ont aussi suivi cette voie, et peut-être même MacDonald’s, puisque l’option « Super Size » a été retirée de tous ses restaurants peu après la sortie du documentaire. Officiellement, les deux évènements n’avaient rien à voir, mais le succès du long-métrage a été tel que c’est difficile à croire. Et puis Morgan Spurlock ne se contente pas d’épingler cette chaîne en particulier, cible facile par sa puissance et son omniprésence, il signe aussi un pamphlet plus général et plus inquiétant concernant l’obésité croissante de la population. Super Size Me regorge d’images d’obèses parfois si obèses qu’ils ne peuvent plus marcher, et le film montre très bien comment les enfants sont conditionnés, dès leur plus jeune âge, à aimer la malbouffe. Il y a la publicité partout et tout le temps, mais il y a aussi les astuces détestables des fast-foods pour attirer les parents, comme les terrains de jeux et les menus avec jouets. Les Américains sont 40 % à manger régulièrement hors de la maison, et souvent dans des fast-food, un nombre en augmentation croissante depuis des années. Mais le pire, c’est probablement cette séquence tournée dans une cantine, où des collégiens se gavent exclusivement de frites, de sodas et de sucreries. Une image impressionnante et qui en dit long sur la société américaine, mais aussi la nôtre.
Réalisé avec une bonne dose d’humour, dans le même esprit que les films de Michael Moore, Super Size Me est aussi un décryptage très sérieux de l’importance de la malbouffe aux États-Unis et ailleurs. Même si ces sujets auraient peut-être mérité un petit peu plus de temps, Morgan Spurlock évoque bien l’effet pernicieux de la publicité, mais aussi l’addiction provoquée par cette nourriture, et même recherchée par les chaînes de restauration rapide. Le documentaire est aussi une belle démonstration des effets néfastes de ce régime alimentaire, même si c’est une démonstration un petit peu absurde, c’est incontestable. Au total, Super Size Me est divertissant et pédagogue et il mérite d’être (re)vu.