Demain est un documentaire écologiste porteur d’un message d’espoir mis en avant par une star du cinéma. Autant dire que ce long-métrage co-réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent n’avait vraiment rien pour lui sur le papier, et pourtant. Et pourtant, ce film écologiste qui refuse la fatalité et préfère chercher partout dans le monde des solutions novatrices à des échelles souvent très locales est divertissant, pédagogique et effectivement plein d’espoir. Commençant par dresser un bilan assez catastrophique de l’état de notre planète, le duo décide pourtant de ne pas en rester là et de partir en quête des hommes et des femmes qui essaient de faire bouger les choses. Demain pose ses caméras en France, en Islande, en Inde, au Danemark, aux États-Unis ou encore à La Réunion et exemple après exemple, dresse le portrait d’un futur encore possible. Une très belle leçon écologique, à ne surtout pas rater.
Si l’on ne fait rien d’ici 20 ans, il sera trop tard. Ce message, on l’a souvent entendu et l’un des premiers intervenants dans le documentaire le rapporte encore une fois. Cyril Dion et Mélanie Laurent commencent avec ce constat difficile : les températures n’ont jamais été aussi hautes et elles continuent de monter bien trop vite, le climat change et se dérègle et la planète ne pourra bientôt plus nous supporter. On s’approche même d’une nouvelle extinction globale, la première depuis la fin des dinosaures, sauf que cette fois, nous en sommes nous-mêmes coupables. Demain relève que les humains sont très forts pour détruire leur environnement et imaginer leur mort : combien d’œuvres apocalyptiques et de récits de fin de monde sortent chaque année de nos cerveaux ? Pourtant, nous n’en sommes pas encore là et notre planète peut être sauvée, mais personne n’en parle, aucun auteur ne s’y intéresse vraiment. Les deux auteurs de ce documentaire essaient de se pencher sur cette question et leur approche est méthodique : tout commence avec la nourriture. Nous sommes près de neuf milliards sur Terre et si tout le monde mangeait comme les Occidentaux, les ressources naturelles ne suffiraient pas. Que faut-il faire pour nourrir tout le monde ? La réponse est si simple qu’on l’a perdu de vue : éliminer le pétrole, comme on le faisait avant les révolutions industrielles. Éliminer le pétrole, c’est revenir à une agriculture purement manuelle, sur une échelle beaucoup plus modeste et surtout en local, pour éviter le transport des productions, mais c’est aussi éliminer totalement engrais et pesticides qui en sont dérivés. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est obtenir une rentabilité en hausse et même des revenus très confortables, comme ce couple de Normands le montre bien, avec leur potager de 1000 mètres carrés qui rapporte autant qu’un hectare en agriculture traditionnelle. Manger moins de viande et moins de céréales, cultiver localement des fruits, légumes et légumineuses : voilà la clé pour nourrir largement la population mondiale, même à 10 ou 12 milliards d’humains.
Éliminer le pétrole aussi pour produire de l’énergie : Demain consacre un segment à la question des énergies renouvelables, en montrant que l’on peut se passer totalement du charbon ou du pétrole, comme à Copenhague où c’est sur le point d’être fait grâce à des éoliennes achetées avec les habitants, ou encore en Islande où la géothermie fournit toute l’énergie nécessaire, ou aussi à La Réunion où des serres surmontées de panneaux solaires se déploient sur l’île. C’est évidemment la solution qui va s’imposer, d’autant que les prix de production de ces énergies propres sont en chute libre et sont désormais largement inférieurs au nucléaire. Pourquoi, demandent alors Cyril Dion et Mélanie Laurent, ces solutions ne s’imposent-elles pas d’elle-même ? C’est là que leur documentaire prend un détour inattendu en parlant économie, politique et finalement éducation. Le problème bien souvent, c’est que les solutions viables pour demain ne sont pas compatibles avec le capitalisme à outrance, ni avec les banques privées qui ne s’enrichissent que par le prêt et qui ont besoin d’un système où l’on consomme toujours davantage. Demain montre pourtant qu’en créant une monnaie parallèle, qui n’a de valeur qu’à l’échelle ultra-locale d’une ville, voire d’un village, on empêche l’argent de sortir à des fins de spéculations et on renforce l’économie locale. C’est le cas dans plusieurs villes anglaises, avec un net succès : cet argent ne quitte pas la ville, il circule entre les commerces et il offre à des quartiers souvent maltraités par les crises une bonne dose d’oxygène indispensable. Pourquoi nos représentants politiques n’adoptent pas ces solutions, pourquoi s’entêtent-ils sur le nucléaire pour prendre le cas de la France ? Pourquoi aident-t-ils plus les gros agriculteurs alors que des petits paysans sont plus productifs et surtout plus respectueux de la nature ? Les intervenants répondent tous à leur manière dans un même sens : ce qui compte, ce n’est pas la santé de la planète ou le souhait profond de ses habitants, c’est bien plutôt l’enrichissement immédiat des plus grosses entreprises. Cyril Dion et Mélanie Laurent montrent néanmoins qu’il existe des contre-exemples, comme en Islande ou le peuple a viré ses dirigeants corrompus ou, plus impressionnant encore, ce cas indien où un intouchable a réussi à se faire élire maire pour mieux développer la démocratie directe locale. Avec des résultats très encourageants : quand les populations s’investissent sur leur territoire, l’évolution va dans le bon sens. Comment dès lors encourager ces cas encore si rares ? Demain termine avec un passage en Finlande, pays constamment salué pour la qualité de ses écoles. Et c’est justement dans une primaire difficile du pays que l’on découvre une formation bien éloignée de la nôtre, sans note et sans programme à suivre à la lettre, où chaque enfant est suivi aussi individuellement que possible et où, surtout, on apprend d’abord à vivre en société, avant d’apprendre des maths. C’est là la clé de tout le reste, conclut ce documentaire : l’éducation pour entraîner un mouvement à plus grande échelle vers une économie plus raisonnable et surtout plus respectueuse de notre environnement.
Pédagogique, presque militant, Demain avance son argumentaire avec beaucoup d’aplomb et trouve souvent les mots ou les images justes. Ses exemples dans le monde entier sont tous très bien trouvés, ils sont simples, mais démontrent toujours remarquablement bien qu’il y a une solution et qu’elle n’est pas aussi complexe qu’on pourrait le croire. On sent bien que Cyril Dion et Mélanie Laurent ont voulu partager ce message d’espoir et promulguer un idéal d’initiatives locales pour faire avancer le monde dans le bon sens. C’est un beau message, mais ce n’est pas un message niais : c’est sans conteste la force de Demain, qui évite les clichés du genre et offre un excellent résumé de la situation et des solutions. Un documentaire très politique au fond, très sincère aussi et passionnant : à voir absolument.