Surnommé « procès du siècle » par les commentateurs de l’époque, le procès contre O.J. Simpson a été en tout cas le premier à être autant médiatisé. On le connaît sans doute moins bien de ce côté de l’Atlantique, mais il a été énormément suivi aux États-Unis et il reste encore aujourd’hui extrêmement controversé. Ce qui ne devait être qu’une affaire de meurtre avec un coupable évident s’est transformé en procès politique sur fond de racisme. On comprend dès lors son attrait pour la fiction et ce n’est pas surprenant que Scott Alexander et Larry Karaszewski choisissent cette affaire pour inaugurer leur série. American Crime Story est une série judiciaire où chaque saison est consacrée à un procès et les dix premiers épisodes s’intéressent à O.J. Simpson. L’histoire est si passionnante1 que l’on regarde cette première saison d’une traite malgré ses défauts.
Ancien footballeur professionnel et énorme star aux États-Unis, O.J. Simpson est le principal suspect pour le double meurtre de Nicole, son ex-femme, et de son compagnon d’alors. Après une course-poursuite diffusée en direct sur toutes les télévisions américaines, il finit par se rendre et son procès commence rapidement. En théorie, l’affaire était entendue : les preuves sont accablantes contre l’ex-mari qui était un homme notoirement violent, qui n’a aucun alibis et qui a son sang mêlé à celui des deux victimes sur le sol, dans sa voiture et sur un gant retrouvé chez lui. La procureur Marcia Clarke imagine l’affaire pliée, mais c’est sans compter sur l’équipe d’avocats constituée par la défense. Les meilleurs du pays sont rassemblés pour défendre O.J. Simpson et le procès s’allonge inexorablement, alors que la population américaine est toujours plus divisée et que la culpabilité évidente du présumé coupable se dissipe rapidement. American Crime Story a sans conteste choisi un sujet passionnant avec cette affaire qui se termine sur un acquittement extrêmement controversé. Petit à petit, le double homicide passe au second plan au profit d’un procès contre le racisme noir aux États-Unis et tout particulièrement au sein de la LAPD. La police de Los Angeles était connue pour son traitement raciste et souvent violent et c’est elle qui finit par être accusée par les avocats de Simpson, notamment par le biais du témoignage du policier extrêmement raciste qui témoignait pour l’accusation. Scott Alexander et Larry Karaszewski ont bien réussi à montrer comment la médiatisation de l’affaire transforme le procès en une affaire politique. L’un des avocats de la défense, Johnny Cochran, suit son propre agenda en essayant de politiser le procès à tout prix et les récentes émeutes qui ont secoué Los Angeles restent dans toutes les mémoires.
Tout ce contexte est bien amené, le procès est bien expliqué et passionnant… et pourtant, la première saison d’American Crime Story est aussi très frustrante. La reconstitution historique est impeccable et il suffit de comparer les vidéos et photos de l’époque avec la série pour confirmer que tout est là. Même les acteurs sont parfois si ressemblants que c’en est troublant. Des acteurs qui sont d’ailleurs presque tous excellents, avec une mention spéciale à Courtney B. Vance qui incarne l’avocat Johnny Cochran et qui est excellent dans ce rôle. C’est moins le cas de John Travolta qui en fait beaucoup trop pour incarner l’avocat Robert Shapiro. Mais ce n’est pas vraiment telle ou telle performance qui pose problème, c’est plutôt l’idée même de glisser de la fiction au milieu d’une histoire vraie. Au-delà des reconstitutions précises des plans filmés à l’époque et qui sont irréprochables, la série de Scott Alexander et Larry Karaszewski tente d’imaginer les interactions entre les personnages que l’on ne connaît pas. Par exemple, les discussions entre O.J. Simpson et ses avocats en prison, ou bien encore les débats entre les jurés. Il a fallu inventer ces dialogues et ce n’est clairement pas le point fort de la saison. American Crime Story souffre alors d’un manque de crédibilité latent, tout semble faux et même un petit peu cheap. Les dialogues ne tiennent pas la route, on sent trop leur côté utilitaire pour amener telle ou telle idée, mais ils ne semblent jamais réels. L’exercice n’est pas facile, évidemment, mais la saison aurait gagné à être plus courte et plus resserrée sur ce que l’on sait vraiment. Ou alors aussi longue, mais avec davantage d’éléments du procès : on a du mal à voir le temps passer et donc à comprendre l’exaspération des jurés restés près d’un an enfermés dans leur hôtel, pour prendre un exemple précis.
Par bien des aspects, la première saison d’American Crime Story est l’exacte opposée de Making a Murderer, l’excellente série documentaire de Netflix. Même s’il s’agit d’une reconstitution historique et même si elle est de qualité, la série de Scott Alexander et Larry Karaszewski reste avant tout de la fiction. Hélas, toutes les parties écrites pour remplir les scènes entre les reconstitutions sont faibles et parfois même ridicules. Cela affaiblit la saison, c’est sûr, mais le procès d’O.J. Simspon est si passionnant qu’on la suit malgré tout sans peine. Si vous ne le connaissez pas, ces dix premiers épisodes méritent largement d’être vus.
Vous voulez m’aider ?
- Surtout si, comme moi, vous ne connaissez pas la conclusion avant de commencer la série. Si c’est votre cas, interrompez votre lecture ici ! ↩