De loin 13 Reasons Why ressemble à une énième série adolescente, une histoire de lycéens américains et de leur vie… bref, le genre de sujet que l’on a déjà vu mille fois et qui n’est pas très intéressant. Les premiers épisodes de la dernière création Netflix renforcent même cette impression et ils pourraient inciter à s’arrêter assez tôt. Pourtant, vous auriez tort de ne pas persévérer. Même si la série de Brian Yorkey n’est pas dénuée de défauts, elle aurait gagné à être beaucoup plus courte pour commencer, elle aborde aussi un sujet difficile. Et elle le fait de manière frontale, sans détour ni filtre, surtout dans ses deux derniers épisodes, d’une intensité rare. C’est gonflé de mêler l’insouciance de la jeunesse à la mort de cette manière et 13 Reasons Why mérite incontestablement le détour.
Avant d’arriver à ce final très fort, la série de Brian Yorkey opte pour un traitement assez simple, certes, mais aussi un petit peu long. Cette adaptation d’un roman rédigé par Jay Asher évoque, son nom l’indique, treize raisons. Comme toutes les séries Netflix au moins, elle fait treize épisodes et donc une raison par épisode. On découvre le dispositif dans le pilote de 13 Reasons Why : avant de se suicider, une lycéenne d’un lycée américain sans histoire a laissé des cassettes pour raconter son histoire et surtout justifier son acte. Sept cassettes, treize faces, treize raisons et douze personnes responsables, de loin ou de près, de son suicide. Le sujet est d’emblée très grave, cela ne fait aucun doute, mais les premiers épisodes sont étonnamment légers, sans doute un petit peu trop au regard de la gravité de l’ensemble. Le contraste est déstabilisant et on a l’impression de se retrouver dans un teen movie quelconque, avec les problèmes sans importance d’une série de lycéens qui ont l’air globalement tous plus vieux que leur âge réel. Les acteurs choisis sont tous très bons, mais à quelques exceptions près, ils font plus âgés que leurs personnages, qui sont censés avoir 16 ou 17 ans. Et puis le réalisateur ne semble pas prendre le suicide de Hannah très au sérieux, en tout cas pas au départ. Il est évoqué dès le pilote, certes, mais on l’oublie un petit peu par la suite, pour en rester davantage au niveau des petits problèmes, de qui sort avec qui et de qui va à la fête de qui. On se sent alors un petit peu mal à l’aise, car on sait comment tout cela se termine et peut-être que c’était l’effet voulu, mais c’est plus certainement la conséquence d’épisodes trop longs. Netflix n’a pas les contraintes de la télévision traditionnelle et le service n’a pas besoin de remplir des cases de durées fixes entre deux publicités. Ce serait bien qu’ils prennent davantage de liberté et prennent le temps qu’il faut pour raconter une histoire et pas nécessairement une cinquantaine de minutes.
Bref, 13 Reasons Why ne commence pas très bien, c’est trop long et trop insouciant, on s’ennuie un petit peu. Ne vous arrêtez pas trop tôt néanmoins, car la série devient de plus en plus intéressante au fil des épisodes. Elle conserve jusqu’au bout quelques défauts, notamment l’habitude pénible de répéter les mêmes choses pour faire monter le suspense de façon un peu artificielle. Malgré tout, il faut aussi reconnaître que Brian Yorkey parvient très bien à glisser le drame au milieu de l’innocence de ces adolescents, tout d’abord par petites allusions discrètes et bientôt par des tragédies qui explosent à l’écran. Sans trop en révéler sur l’intrigue plus mystérieuse qu’il n’y paraît, disons simplement que 13 Reasons Why est un excellent coup de projecteur sur le mal-être de certains jeunes et surtout sur le harcèlement à l’école, deux problèmes véritables et trop souvent ignorés. La série montre très bien, comment tout le monde a laissé tomber cette fille, souvent par des gestes insignifiants pris séparément, mais qui se sont accumulés jusqu’à la pousser au suicide. C’est une dénonciation en règle des limites du système scolaire, incapable de répondre à une élève qui manifestement n’allait pas bien du tout. L’aveuglement, involontaire ou non, des adultes est terrifiant, mais le pire bien sûr, c’est le traitement que les lycéens se réserve entre eux. La pression transmise par la société pour qu’ils assurent leur propre avenir, qui se retrouve sur le terrain de sport, lors des bals ou bien tout simplement dans la classe, cette pression est ensuite convertie en menaces verbales et physiques et en persécution psychologique parfois. C’est une photo intime qui circule librement, une liste de caractéristiques physiques, des moqueries dans le couloir… et bientôt le sentiment de vivre en enfer. Cassette après cassette, on entrevoit ce qu’a vécu cette fille et comme le personnage de Clay qui fait office de héros, on s’énerve. Comment personne n’a pu voir venir ? Pourquoi personne n’a pu réagir au bon moment ? 13 Reasons Why commence peut-être de manière légère, mais quand vient le temps des questions, la série ne fait aucun détour et elle les affronte directement, parfois de façon violente. Visuellement et moralement, elle peut s’avérer difficile sur la fin.
On comprend sans peine pourquoi cette adaptation, pensée à l’origine pour le cinéma, s’est finalement retrouvée sous la forme d’une série. Brian Yorkey prend le temps de poser tous les personnages et de reproduire la vie de Hannah et même si 13 Reasons Why aurait gagné à être plus brève dans ses premiers épisodes, elle compense largement avec un final extrêmement intense. Le suicide adolescent a rarement été abordé de manière aussi directe, sérieuse et crédible, ce qui peut rendre le visionnage assez difficile. La série de Netflix mérite malgré tout d’être vue, ne serait-ce que pour rappeler que ce genre de choses arrivent vraiment. 13 Reasons Why n’essaie jamais de faire la morale ou d’apporter une solution simpliste au problème, pas plus qu’elle ne désigne clairement un responsable. Tout le monde est coupable, personne n’a rien vu venir et quand bien même, rien ne dit que Hannah aurait pu être sauvée. Mais comme Clay le dit au conseiller de son lycée, tout le monde aurait pu mieux faire et essayer. Poignant.