Véritable légende dans le milieu, l’histoire de Joseph D. Pistone, alias Donnie Brasco, est effectivement assez bluffante. Cet agent du FBI a réussi à infiltrer la mafia new-yorkaise pendant près de six ans dans les années 1980 et son action a contribué à arrêter plus de 200 personnes et à en condamner plus de cent dans le milieu. C’était une évidence que Hollywood allait se pencher sur le sujet et c’est Mike Newell qui s’en charge finalement. Donnie Brasco se base sur un livre rédigé par l’ancien infiltré et l’adaptation est soignée, très proche de la réalité même s’il y a eu quelques ajustements. Les personnages sont bien interprétés, la reconstitution soignée et le réalisateur signe un film de mafia classique, peut-être un petit peu trop. L’histoire reste suffisamment forte pour que le long-métrage se laisse encore regarder, vingt ans après.
Mike Newell n’essaie pas de laisser de la place à un faux suspense et dès le générique de Donnie Brasco, il montre bien que la mafia des Cinq familles était sous surveillance rapprochée du FBI. De fait, le personnage principal que l’on découvre dans les premières séquences est en phase d’infiltration à la fin des années 1970. Cet agent fait connaissance avec Benjamin Ruggiero, mieux connu dans le milieu sous le nom de Lefty. Ce n’est pas un parrain, pas même quelqu’un d’important dans l’organisation, c’est un soldat qui a une grande gueule, mais pas vraiment de pouvoir. Les deux hommes s’entendent bien toutefois et Lefty prend ce nouveau-venu sous ses ailes. Donnie n’est pas dans la mafia, mais il est sous la responsabilité de Lefty, ce dernier se porte garant et il est ainsi responsable de son bien-être, mais aussi de son intégrité. S’il s’est trompé sur son compte, c’est lui qui en fera les frais et Joe comprend vite que sa mission met la vie de son mentor en danger. C’est sur cet axe que se construit Donnie Brasco, tout en menant l’enquête policière qui est racontée de façon linéaire et très conventionnelle. Petit à petit, l’infiltré monte les échelons et parvient à découvrir la majorité de l’organisation à l’intérieur de la famille. Il se fait connaître, on lui fait confiance et il enregistre des heures et des heures de conversations compromettantes. Mike Newell ne donne pas vraiment le sentiment que le temps passe, ce qui est un petit peu dommage, mais il se passe plusieurs années entre la première prise de contact entre Donnie et Lefty, et l’arrestation de ce dernier. Que cette infiltration ait été aussi fructueuse pendant aussi longtemps est très impressionnant et le film aurait gagné à le mettre mieux en avant, même s’il compte quelques scènes chargées de mettre en valeur le danger qui guettait à tous les instants. Comme cette fois où l’agent du FBI croise un procureur qui le connaissait dans l’aéroport, ce qui l’oblige à simuler une agression. Néanmoins, Donnie Brasco ne permet pas de voir les années passer, c’est un petit peu dommage.
Pour le reste, le long-métrage décrit précisément l’organisation mafieuse et c’est très intéressant, surtout si c’est le premier film de gangster que l’on voit. Dans le cas contraire, on n'apprend rien sur l’organisation presque militaire de la mafia italo-américaine, avec le parrain en haut d’une pyramide qui se termine sur des centaines d’homme de main, comme Donnie. Le sens de la hiérarchie, le vocabulaire riche en métaphores pour éviter de dire les vrais mots, les innombrables codes, le sens de l’honneur et de la vengeance, la loi du silence… Donnie Brasco dresse un portrait complet sans sortir des lignes et ce n’est pas l’aspect le plus intéressant. Mike Newell s’en sort mieux en se concentrant sur son personnage principal et sur sa psychologie, notamment lorsqu’il découvre vraiment la mafia et commence à se lier avec des mafieux. Là encore, ce n’est pas le premier long-métrage à suivre cette piste, c’est même un cliché des films d’infiltration de flics, mais ce n’est pas sans raison, c’est un cliché qui fonctionne toujours aussi bien. Et puis, Johnny Depp est excellent dans le rôle titre, l’acteur parvient très bien à afficher les émotions de son personnage et notamment son insensibilité vis-à-vis de sa femme et de ses filles, alors qu’il adopte toujours davantage sa nouvelle famille. Sa relation avec Lefty est elle aussi très bien écrite et on ressent son amitié naissante qui se transforme petit à petit en amour filial. Un sentiment réciproque alors que le mafieux trouve dans son protégé un substitut pour son fils biologique qui est une déception. Al Pacino n’en était pas à son premier rôle dans la mafia, c’est peu de le dire, mais force est de constater que l’acteur est excellent et dans une interprétation un petit peu différente, moins assurée et moins dans le contrôle des opérations. On n’a pas l’impression de voir un nouveau Parrain, son jeu d’acteur est différent et il apporte beaucoup au projet.
Donnie Brasco ne gagne pas la palme de l’originalité et la musique composée par Patrick Doyle est même agaçante par son omniprésence et son absence totale d’originalité. Ce n’est pas un grand film, mais son histoire reste toujours aussi passionnante et les acteurs permettent de la suivre avec plaisir. Mike Newell propose un film de mafieux classique et solide et Donnie Brasco est aussi une bonne introduction au genre de l’infiltration.