Après Les Origines et après l’affrontement, place à la guerre, pour de bon cette fois. La saga La Planète des singes a été relancée à nouveau en 2011 et le premier volet était une bonne surprise, un blockbuster qui avait la bonne idée de revenir aux origines pour partir sur une autre base plutôt que de recréer à l’identique le célèbre long-métrage de 1968. Le deuxième film prolongeait cette histoire des débuts avec le premier affrontement entre les hommes et les singes, un prélude à une guerre sans merci qui est l’objet de La Planète des singes : Suprématie. Matt Reeves est resté aux commandes et on pouvait à nouveau craindre une explosion de violence peut-être impressionnante, mais déjà vue mille fois ailleurs. La saga surprend à nouveau toutefois avec un blockbuster qui sait être spectaculaire par moments, mais qui est plus souvent intime et malin en adoptant strictement le point de vue des singes. Évitant la plupart des clichés et des pièges du genre, ce blockbuster passionne par sa noirceur et son radicalisme. Une belle réussite !
La Planète des singes : l’affrontement se concentrait sur un petit conflit symbolique entre les singes devenus intelligents et la dernière poche d’habitants encore vivants à San Francisco. C’est dans cette première bataille rangée lancée par un singe en quête de revanche que la guerre avec l’humanité commençait vraiment et cette suite s’y consacre entièrement. Néanmoins, les événements décrits dans La Planète des singes : Suprématie ne se déroulent pas immédiatement après, il s’écoule deux années entre les deux films. C’est un premier choix très malin de la part des scénaristes, qui évitent ainsi de décrire la majorité des combats. Quelques mots affichés au début introduisent le contexte comme dans un épisode de Star Wars et permettent de comprendre que le conflit s’est embourbé, alors que César, le leader des singes, demeure introuvable. Matt Reeves commence sur une séquence d’attaque en pleine forêt et on suit quelques soldats venus, non pas avec un objectif précis, mais manifestement pour trouver la base des singes. Ils tombent bien sur elle et lancent une attaque meurtrière, si bien que pendant quelques minutes, le spectateur peut croire qu’ils ont l’avantage dans cette guerre. La séquence est toutefois retournée très rapidement avec une contre-attaque des singes qui anéantit complètement l’attaque humaine et permet de montrer qu’ils sont loin d’être en position de faiblesse. C’est même tout l’inverse, l’épidémie de grippe simienne a ravagé l’humanité et les singes sont aussi intelligents et plus forts que les humains, qui n’ont pour eux que la technologie. C’est la surprise initiale de La Planète des singes : Suprématie, mais ce n’est même pas la plus forte du long-métrage. On a commencé avec des humains, mais sitôt la bataille terminée, on ne revient pas à la base militaire pour étudier la contre-attaque, non, on reste du côté des singes. C’était déjà sous-jacent dans le long-métrage précédent, mais ce n’était pas aussi explicite que dans celui-ci : les véritables héros de la saga, ce sont les singes, pas les humains. Matt Reeves a poussé l’idée à son maximum dans ce film, avec un nombre extrêmement réduit d’acteurs humains (aucun repris des films précédentes, au passage) et des personnages qui sont tous négatifs. Dans cette guerre, le camp des « gentils », c’est bien celui des singes, une inversion totale par rapport à ce que l’on attendait.
Le film se déroule ainsi majoritairement du côté des singes et les humains doivent patienter pour avoir le droit d’apparaître à l’écran, assez tardivement dans le film et surtout dans le rôle des ennemis. À ce stade, l’inversion est complète et La Planète des singes : Suprématie donne surtout envie de s’intéresser aux singes, davantage qu’à ces soldats aveuglés par un leader qui a manifestement perdu la tête. Matt Reeves ne révolutionne rien avec ce colonel qui a créé un culte de la personnalité parmi ses hommes, mais c’est un classique qui sert parfaitement son rôle d’antagoniste et Woody Harrelson est très inspiré par ce rôle. Surtout, le long-métrage prend son temps pour poser ses personnages du côté des singes, si bien que l’on s’attache très vite. Quelques clichés des blockbusters, notamment sur la valeur de la famille, ont été repris et adaptés au monde des singes, ce qui est assez bien trouvé, même si cela ne permet pas vraiment d’oublier que ce sont des clichés. La musique en général assez bien dosée prend trop d’importance dans toutes ces séquences familiales et émotionnelles et le film va alors un petit peu trop loin. Fort heureusement, ces scènes restent assez rares et Matt Reeves opte plutôt pour une aridité assez forte. La Planète des singes : Suprématie se déroule en grande partie avec très peu d’acteurs à l’écran, dans des paysages hivernaux déserts. Le montage aurait pu gagner une demi-heure sans rien enlever à l’histoire, mais cette longueur permet aussi de mieux rentrer dans la tête de ces singes et surtout de montrer que la situation n’est pas gagnée d’avance. Les singes sont physiquement supérieurs aux hommes, mais l’arsenal de ces derniers compensent largement. Sans trop en dire sur l’intrigue, reconnaissons que l’équilibre des forces est bien dosée et que le scénario n’est pas tout à fait prévisible, notamment parce qu’il n’hésite pas à sacrifier des personnages importants. Rien de totalement nouveau ici, certes, mais il faut bien reconnaître que ce blockbuster est bien plus fin et malin que la moyenne et cette saga est en passe de devenir une référence. Espérons que le niveau se tienne dans le prochain volet, d’ores et déjà planifié.
Même s’il reste ici ou là quelques défauts, La Planète des singes : Suprématie est une vraie réussite dans l’ensemble. On attendait un blockbuster plein d’action et pas grand-chose d’autres, on a un film presque intimiste par endroit, centré exclusivement du côté des singes, et beaucoup plus subtil et intelligent que prévu. Matt Reeves signe là un long-métrage excellent et assez inattendu, une bien belle surprise à ne pas rater en salles, d’autant que certaines séquences sont spectaculaires sur grand écran. Espérons que la saga restera sur cette bonne lancée, mais dans tous les cas, La Planète des singes : Suprématie mérite le déplacement.