L’histoire des trafiquants de drogue passionne et on comprend sans peine pourquoi celle de George Jung a motivé un film. Adapté d’un livre biographique sorti dans les années 1990, Blow raconte l’histoire de cet américain moyen qui a été, au tournant des années 1980, le plus gros importateur de cocaïne colombienne aux États-Unis. Lui qui avait la confiance de Pablo Escobar et qui a importé des tonnes de drogue a gagné des dizaines de millions de dollars, avant de tous les perdre et de finir sa vie derrière les barreaux, seul. C’est une histoire intrigante, mais le biopic de Ted Demme peine bizarrement à passionner. C’est probablement parce que Blow cherche à trop en dire, en embrassant toute la vie de George Jung au lieu de se concentrer sur une période plus courte. C’est peut-être aussi parce que cette vie n’est, au fond, pas si passionnante qu’on pourrait le croire. Le résultat reste divertissant, mais il est loin d’être inoubliable.
Ted Demme respecte scrupuleusement la forme du biopic et raconte l’histoire de son sujet en utilisant la voix de son sujet en guise de narrateur et en remontant jusqu’à son enfance. Blow commence ainsi par une évocation des jeunes années de George Jung, un petit garçon fier de son papa entrepreneur, mais aussi conscient des difficultés financières rencontrées par ses parents. Il se jure alors qu’il ne restera pas toute sa vie à galérer et qu’il fera tout pour être le plus riche possible. On laisse passer quelques années pour le retrouver jeune adulte, il abandonne sa famille pour la Californie et commence à se faire un petit peu d’argent en vendant de la marijuana. La mécanique habituelle est lancée et son ambition ne s’arrête jamais : il va d’abord au Mexique pour trouver un producteur d’herbe, il inonde le marché sur les deux côtes américaines et amasse un paquet d’argent… avant de tout perdre en se faisant arrêter avec 300 kg de drogue. C’est toute la mécanique de la vie de George Jung qui est résumée avec cette première expérience malheureuse, et Blow le présente plutôt bien. À chaque fois, le trafiquant se crée une situation favorable et touche au bonheur, avant de tout perdre brutalement, et de recommencer. Quand il rencontre Pablo Escobar et qu’il commence à transporter sa cocaïne vers les États-Unis, il devient multi-millionnaire, il se marie, il devient parent… et finit par tout perdre à nouveau. Au fond, son histoire est assez triste et même pathétique. C’est un angle que Ted Demme aurait pu mieux exploiter, peut-être même en faire le sujet central de son film. Las, le réalisateur reste accroché à l’idée de faire un biopic complet et il enchaîne les époques et les différentes phases de la vie de son personnage, sans leur donner le souffle nécessaire, par simple juxtaposition. On ne s’ennuie pas vraiment, Johnny Depp est à l’aise dans son rôle même si l’acteur a eu l’occasion de briller davantage dans bien d’autres situations, mais l’ensemble reste très banal. On en vient même à se dire que la vie de ce trafiquant n’est pas très intéressante, alors que ce n’est pas du tout le cas. Il y avait incontestablement quelque chose à en tirer, mais il fallait davantage creuser sur les infortunes et les multiples trahisons. C’est tout de même sa mère qui appelle la police lors de sa première incarcération, mais le cinéaste se contente de le mentionner en passant et il n’en fait rien.
À l’heure des bilans, Blow s’impose comme un divertissement correct que l’on oubliera juste après l’avoir vu. Le potentiel était là, mais Ted Demme ne le saisit jamais et le réalisateur passe à côté d’un excellent film. Le long-métrage qu’il propose à la place est un biopic extrêmement classique sur un personnage historique intéressant, mais pas toujours très bien exploité. Dommage.