Kingsman : Le Cercle d’or, Matthew Vaughn

En 2015, Matthew Vaughn avait créé la surprise avec Kingsman : Services secrets, un film d’action délirant qui avait la bonne idée de ne jamais trop se prendre au sérieux et qui renouvelait le genre de l’espion à gadgets avec quelques très bonnes idées. Le succès aidant, ce premier volet appelait une suite et Kingsman : Le Cercle d’or vient remplir ce rôle deux ans plus tard et probablement lancer une nouvelle saga, voire un nouvel univers cinématographique. En attendant de savoir ce que nous réservent le troisième volet et même l’éventuel spin-off en discussions, force est de constater que cette première suite reste fun et spectaculaire, mais qu’elle a perdu de son mordant. Matthew Vaughn ne peut naturellement plus compter sur l’effet de surprise et il tombe dans le piège de la surenchère, si classique dans ce contexte. Kingsman : Le Cercle d’or est plus spectaculaire, plus riche, plus complexe… et on regrette la simplicité, point fort du premier long-métrage. Le divertissement reste au rendez-vous, mais c’est un Blockbuster bien banal qui est proposé.

Matthew Vaughn ne pouvait plus compter sur le décalage créé entre les Kingsmen, ce groupe d’espions qui essaient de préserver la paix dans le monde sans être une organisation officielle reconnue, et Eggsy, un gamin des banlieues londoniennes aux manières un peu rudes. La dynamique du premier volet reposait largement sur cette opposition et il a fallu trouver autre chose pour construire une suite. Eggsy est devenu un vrai agent secret à son tour, il a appris les bonnes manières si britanniques et il a son costume taillé au cordeau, son parapluie bourré de gadget et son taxi londonien. Au lieu de l’accepter et de partir sur autre chose, le scénario de Kingsman : Le Cercle d’or tente de créer une nouvelle dynamique, autour de nouvelles oppositions et c’est certainement l’une de ses plus grosses erreurs. L’intrigue se déroule deux ans après les évènements du premier film, alors que le personnage principale tente de concilier sa vie d’agent secret avec une vie de couple. La princesse suédoise qu’il sautait à la fin de Kingsman : Services secrets est devenue sa petite amie1 et il doit rencontrer sa belle-famille royale et assurer son rang. En outre, après une scène d’action très spectaculaire — quoiqu’assez peu lisible, un défaut récurrent dans ce volet — dans les rues de Londres, les Kingsmen sont abattus par Poppy, femme d’affaire à la tête du plus grand cartel de la drogue au monde et qui s’apprête à prendre en otage le monde entier. Tout cela est un petit peu compliqué, mais l’idée est que Eggsy et Merlin, les deux seuls survivants, doivent se rendre aux États-Unis où ils découvrent les Statesmen, leur équivalent américain avec qui ils doivent travailler. Inutile de dire que le film se construit à partir de ce moment-là sur l’opposition entre les deux pays et les deux cultures et Matthew Vaughn en fait des caisses sur le sujet.

Le problème principal de Kingsman : Le Cercle d’or, c’est bien son air de déjà-vu. On sent bien que le cinéaste et les producteurs ont cherché à reproduire le succès du premier volet, en tout cas à retrouver la recette de ce succès, mais ils n’ont pas su trouver une voie originale et éviter les répétitions. Un personnage clé revient au centre de l’intrigue, une scène symbolique du film précédent est reproduite à l’identique et même si le méchant est très différent en apparence dans cette suite, il s’agit toujours d’un plan diabolique à l’échelle mondiale. On excusait volontiers le côté un peu grossier et souvent kitsch de l’original, mais le retrouver ici à nouveau rend ce nouveau Blockbuster assez prévisible. Non pas que Matthew Vaughn se soit trompé sur toute la ligne, il a même quelques idées bien trouvées, à l’image de cette méchante délicieusement incarnée par Julianne Moore et qui essaie de recréer une caricature des États-Unis des années 1950 au milieu de la jungle cambodgienne. La participation d’Elton John est également hilarante et quelques gadgets, comme le lasso électrique, sont amusants2. Toutes ces bonnes idées contribuent à faire de Kingsman : Le Cercle d’or un bon divertissement, certes. Et en même temps, le long-métrage frustre souvent par son incapacité à exploiter vraiment ses personnages, en particulier les nouvelles recrues américaines qui sont sans grand intérêt. Pourquoi est-ce que Tequila, l’agent interprété par Channing Tatum, est congelé la moitié du film ? Et pourquoi est-ce que Whiskey, celui incarné par Pedro Pascal, doit avoir une trajectoire aussi prévisible et être aussi transparent ? Même Taron Egerton, impeccable dans le précédent film, est à la limite de l’ennui, tandis que le personnage de Julianne More est sous-utilisé, surtout sur la fin.

Kingsman : Le Cercle d’or perd de vue ce qui faisait le charme de son prédécesseur, probablement précisément parce qu’il essaie absolument de reproduire le succès du premier film. Cela ne fonctionne jamais et ce n’est pas en faisant encore plus que Matthew Vaughn parvient à intéresser. Il y avait pourtant des pistes à creuser en l’état, par exemple sur la culpabilité d’Eggsy — c’est quand même de sa faute si les Kingsmen sont détruits au début et on n’en parle jamais —, mais c’est la solution de facilité qui a été choisie. L’ensemble reste plaisant et parfait pour une séance cinéma facile, mais c’est un petit peu dommage d’avoir gâché le potentiel du long-métrage précédent. Est-ce que la saga pourra redresser le tir ? En attendant de le savoir, Kingsman : Le Cercle d’or ne laissera certainement pas une marque indélébile.


  1. En voilà une bonne idée : un espion secret à la James Bond mais qui, contrairement au modèle, est fidèle. Dommage que cette bonne idée soit gâchée par une séquence d’un goût très douteux où le héros doit littéralement doigter une fille pour remplir sa mission. 
  2. En revanche, pourquoi avoir copié autant d’idée à James Bond ? Une voiture qui se transforme en sous-marin, tout de même…