Le 9 mai 1969, à deux kilomètres de la frontière nord du Laos, La 101ème Division d’Infanterie de l’armée américaine progresse vers la colline 937. Pour eux c’est une simple reconnaissance. Pour les Viêt-Cong, la colline 937 est une zone stratégique. La dizaine d’appelés de la 101ème Division, peu formée au combat, devait effectuer cette mission de routine en moins de deux heures. Ils résisteront héroïquement pendant neuf jours.
Ce film ne raconte pas leur histoire.
Pour son troisième passage derrière les caméras, Alain Chabat ne choisit pas la facilité. Après l’immense succès d’Asterix et Obelix : Mission Cléopâtre, l’artiste aurait facilement pu se contenter d’une nouvelle comédie grand public, taillée pour plaire au plus grand nombre. À la place, il opte pour une voie beaucoup plus ambitieuse et difficile, avec un projet qui pousse au maximum la carte de l’absurde. RRRrrrr!!!1 n’est pas une comédie facile, c’est au contraire un délire absolu né de l’imagination fertile d’Alain Chabat, mais aussi largement des Robins des Bois, une troupe de comédiens qui avait connu le succès public à la fin des années 1990 grâce à leurs sketches diffusés à Nulle Part Ailleurs. À la télévision comme au cinéma, cette bande de fous-furieux pratique un humour à l’anglaise, basé sur l’absurde et le nonsense. L’univers préhistorique qu’ils ont créé ici est le plus gros argument en faveur du projet, mais c’est un univers très opaque et on comprend sans peine pourquoi RRRrrrr!!! a été si mal reçu à sa sortie, autant par les critiques que par le public. Pour autant, pour peu que l’on adhère à ce comique qui n’a ni queue ni tête, le long-métrage réalisé par Alain Chabat s’avère très drôle et plein de répliques cultes. Même si la fin est moins bonne, le film mérite toujours le détour si vous aimez ce genre d’humour.
Histoire de mettre directement dans l’ambiance, Alain Chabat ouvre son film avec une musique grave et quelques panneaux de texte qui posent le contexte. En tout cas, ils sont censés le faire, puisque RRRrrrr!!! n’évoque pas du tout la bataille d’Hamburger Hill, mais c’était l’occasion de parodier l’ouverture typique d’un film historique et héroïque. À la place, ce long-métrage nous envoie dans une préhistoire ridicule, où nos ancêtres, les hommes des cavernes, sont des chasseurs/cueilleurs qui vivent a priori sur une autre planète. L’humour du long-métrage provient essentiellement du décalage entre l’idée historique que l’on a de cette époque et des personnages écrits comme des hommes modernes, mais idiots. Toute la première partie est consacrée à décrire leur quotidien et c’est le meilleur moment du film. De l’appel du matin où tout le village se prénomme Pierre au préveneur de nuit à qui tout le monde répond « Ta gueule », en passant par la mythique partie de biche volley — non ce n’est pas une erreur… —, tout est culte dans cette introduction. Le scénario original est l’œuvre, non seulement d’Alain Chabat, mais aussi des Robins des Bois et c’est un concentré d’absurde à haute dose. La comparaison avec Asterix et Obelix : Mission Cléopâtre est intéressante à cet égard : dans l’adaptation de la bande-dessinée, le réalisateur avait mis une partie de son univers et on retrouvait aussi du comique basé sur des situations invraisemblables, sur des jeux de mots idiots, sur des idées de mise en scène absurde, bref sur ce même vocabulaire de l’humour. Mais c’était par petite touche diffuse, alors que RRRrrrr!!! impose un traitement à haute dose. Tout est sujet à une vanne, à un jeu de mot débile ou à une idée loufoque. Rien n’est jamais sérieux, mais sans pour autant entrer dans le champ de l’humour traditionnel, on est toujours sur une ligne, plus souvent sur le pince-sans-rire britannique que sur le comique typiquement français.
C’est certainement pour cette raison que le film a déplu autant à sa sortie. On s’attendait à un nouvel Asterix, on a eu à la place une œuvre à part entière, un univers comique nettement plus proche des délires de Quentin Dupieux que de la comédie française traditionnelle. Il suffit de lire les critiques les plus négatives pour comprendre qu’une large partie du public n’a pas du tout adhéré à cet humour si particulier. Et dans ce cas, regarder RRRrrrr!!! peut en effet être une expérience assez déplaisante. Mais pourtant, il y a beaucoup de choses à saluer dans ce long-métrage, à commencer naturellement par son univers délirant, certes, mais très bien pensé. C’est un petit monde à part que nous proposent Alain Chabat et la troupe des Robins des Bois, un monde stupide peut-être, mais qui a sa cohérence interne. Prenez le bestiaire par exemple, il est composé d’animaux contemporains, mais « mammouthisé » pour faire d’époque, avec deux petites défenses à chaque fois, de la poulemouth au yorkmouth. Le biche volley est une excellente idée, parfaitement exécutée et c’est une séquence hilarante. Quant à la pseudo-enquête menée pour trouver le crimier, c’est une très bonne parodie d’enquête moderne, avec profilage en règle et vitre pierre sans tain pour confronter le témoin aux différents suspects. On pourrait énumérer les bonnes idées ainsi longtemps, mais disons simplement que le scénario regorge d’absurdités très bien trouvées et très drôles. Cela ne veut pas dire que le film est sans reproche pour autant. RRRrrrr!!! commence fort et il est très drôle au début, mais le rythme finit par patiner et la fin est longue et moins drôle, bref, pas aussi réussie.
C’est dommage, mais cela n’enlève rien à l’ensemble et le projet a été sans douté jugé un petit peu trop durement à sa sortie. RRRrrrr!!! est beaucoup moins conventionnel que les autres projets d’Alain Chabat, c’est incontestable, mais ce n’est pas pour autant que c’est un échec en soi. C’est une proposition de cinéma très différente et c’est une proposition convaincante à condition d’en accepter les prémices. Si vous appréciez le comique absurde, vous auriez tort de passer à côté de ce concentré préhistorique.
Vous voulez m’aider ?
Ça va être tout noir !
Ta gueule !
- Attention, tous les caractères qui composent ce titre sont importants. ↩