Shaun of the Dead est largement né d’une série, Les Allumés, diffusée sur la chaîne britannique Channel 4 au tournant des années 2000. Le deuxième long-métrage d’Edgar Wright a largement puisé dans le casting de la sitcom, mais aussi dans son style et son esprit général, fait de multiples références. Il faut dire que Simon Pegg avait co-crée la série et on le retrouve encore une fois à l’écriture, avec le réalisateur. Le résultat est à mi-chemin entre la parodie et l’hommage aux films d’horreurs et à la série B en général. Prenez une attaque de zombies en plein Londres, mais au lieu du bellâtre tout à fait compétent, le héros est un looser qui voit sa vie se déliter quand le film commence. Shaun of the Dead ne se prend jamais trop au sérieux et c’est sa plus grande force. Pour le reste, c’est un grand bazar plein de personnages hauts en couleur, d’effusions de sang et d’un cornet de glace qui a donné son nom à la trilogie ouverte en 2004.
Le long-métrage débute par une présentation du personnage principal, Shaun, et ce n’est pas triste. Edgar Wright n’essaie pas de dresser un portrait psychologique fidèle, il dessine avec la complicité de Simon Pegg un bon à rien qui n’a jamais rien fait de sa vie et qui passe son temps avec Ed, son colocataire, à jouer à des jeux vidéos et à boire des pintes au Winchester, le pub du coin. Liz, sa petite amie, essaie de le sortir de cette routine en lui demandant de changer, mais c’est plus fort que lui, il ne peut pas lui offrir ce qu’elle demande. Résultat, le couple rompt et le personnage principal se retrouve encore plus déprimé et sans rien à faire qu’auparavant. Tout ceci se déroule sur fond de catastrophe de type apocalyptique, alors qu’une mystérieuse fusée explose au-dessus de l’Angleterre, provoquant une épidémie qui conduit les gens à revivre après leur mort et à chercher de la chair fraiche. C’est une attaque de zombies, comme le titre du film l’évoquait bien1, mais le coup de force de Shaun of the Dead est de faire comme si de rien n’était pendant un très long moment. Là où les films conventionnels auraient axé leur introduction sur l’invasion de morts-vivants, celui d’Edgar Wright préfère chercher le décalage entre le gore et l’indifférence du personnage principal. Une séquence particulièrement réussie montre Shaun alors qu’il sort faire ses emplettes du matin. Après une nuit de beuverie au pub, il n’a pas l’esprit clair et soit ne voit pas les morts-vivants, soit les prend pour d’autres ivrognes. Il lui faut, ainsi qu’à Ed, beaucoup de temps pour comprendre ce qui se passe, une manière très efficace et bien trouvée de la part du scénario pour éviter de trop tomber dans le sérieux.
Edgar Wright parvient par la suite à éviter jusqu’au bout à garder cette ambiance très second degré, mais cela ne veut pas dire qu’il prend l’attaque zombie à la légère. Bien au contraire, Shawn of the Dead n’a pas peur d’être souvent dans le gore, avec du sang et surtout de la chair parfaitement visible à l’écran. Ce n’est pas un film horrifique pour autant, mais il n’a pas été interdit à sa sortie aux plus jeunes sans raison : si l’on n’a pas l’estomac bien accroché, on pourrait faillir quand les entrailles d’un personnage sont très nettement visibles à l’écran. Comme en tout, la réalisation en fait toujours un petit peu trop, suffisamment pour créer de la distance, mais il n’en reste pas moins que les images peuvent impressionner. Par ailleurs, le scénario n’hésite pas à tuer ses personnages à un rythme soutenu, et on est toujours quelque part entre la parodie et l’hommage au genre, jamais totalement d’un côté ou de l’autre. En somme, c’est une sorte de troisième voie, pleine de références et de clins d’œil, que creuse Edgar Wright et que le cinéaste continue de suivre encore aujourd’hui. Avant les duos de flics des années 1990 avec Hot Fuzz, il parvient très bien à saisir l’essence des films de zombies, tout en amusant. Au fond, on se fiche bien de ce qui arrive aux personnages, ce n’est pas le plus important. Ce qui compte, c’est bien plus l’ambiance, le sang qui coule volontiers et les zombies, très classiques esthétiquement, mais aussi très efficaces. Le scénario parvient à maintenir un bon équilibre jusqu’à la fin et l’ensemble n’es pas trop long pour limiter l’ennui… c’est un excellent divertissement en somme !
« Une comédie romantique avec des zombies », comme le présentait l’affiche française à la sortie du film en salles. Et il y a de ça en effet : Edgar Wright n’a pas forcément essayé de tourner un film de zombies, même si le cinéaste glisse des petites références discrètes tout au long du projet. Shaun of the Dead ne saurait être réduit à un seul genre, le projet hésite constamment entre l’humour absurde si britannique, une histoire d’amour assez ridicule, et le gore franc, qui peut surprendre dans ce contexte. L’ensemble serait ridicule et pénible s’il n’y avait pas une bonne dose de second degré d’un bout à l’autre, et surtout le souvenir permanent que rien de tout cela n’est vraiment sérieux. Pari gagnant pour Edgar Wright et le succès du film n’est pas démérité, c’est une vraie réussite.
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- Shaun of the Dead est un hommage très direct à Dawn of the Dead de George A Romero, un classique en matière de zombies sorti dans les années 1970. ↩