Sur le papier, The Haunting of Hill House ressemble à une énième histoire de maison hantée, un concept usé jusqu’à la corde qui pourrait donner envie de ne même pas laisser une chance à la série créée par Netflix. Et pourtant, vous auriez tort de vous arrêter à cette première mauvaise impression. Adaptée d’un classique de la littérature américaine écrit par Shirley Jackson, cette série utilise l’épouvante comme un point de départ, une excuse presque, pour poser les bases d’une histoire familiale. Se déroulant sur deux périodes différentes, les dix épisodes de la saison 1 s’attachent au fantastique de la maison et de ses fantômes, certes, mais surtout à ce qu’il advient de la famille plusieurs dizaines d’années ensuite. Mike Flanagan crée une œuvre intense et très intelligente, portée par des personnages à la psychologie soignée et par une mise en scène pleine de suspense, sans tomber dans l’horreur facile. Une vraie réussite !
Pendant un été, toute le famille Crain s’installe dans un vieux manoir qui a le charme des anciennes pierres, mais qui a bien besoin d’un coup de neuf. Cela tombe bien, Olivia est architecte et Hugh constructeur, ensemble ils réparent des maisons pour les revendre plus chères et constituer ainsi petit à petit le pactole nécessaire à la construction de leur maison de rêve. Ils ont cinq enfants et s’ils sont ravis dans un premier temps de passer leurs vacances dans cette immense manoir, l’ambiance tourne vite au lugubre. Les enfants font des cauchemars, ils voient des monstres qui ne veulent pas disparaître au réveil. Et puis il y a des phénomènes inexpliqués, une porte rouge qui refuse de s’ouvrir, une tempête qui ne semble toucher que la maison, de l’humidité qui ne semble avoir aucune source, des bruits de rats alors qu’il n’y a aucun animal… The Haunting of Hill House parvient très bien à instaurer ce climat d’anxiété qui est commun dans le genre. La bonne idée de Mike Flanagan est de ne pas s’en tenir à une évolution chronologique. La série avance en fait sur deux plans temporels différents : pendant cet été infernal où la famille Crain a fait les travaux dans la maison, et quelques dizaines d’années après, quand les membres de la famille essaient de s’en sortir et de gérer le stress post-traumatique. En effet, le séjour s’est terminé de manière tragique, avec la mort de la mère qui reste longtemps inexpliquée. Le scénario ne donne pas toutes les clés tout de suite, on ne sait pas au départ ce qui s’est passé exactement et le spectateur doit patienter jusqu’à la fin du dixième épisode pour reconstituer petit à petit le puzzle. Et encore, The Haunting of Hill House conserve une large part de mystère jusqu’au bout, on ne sait rien des fantômes et de leur passé.
Une première version de la série introduisait une troisième chronologie pour expliquer ces passés, mais elle a été retirée au montage finale. Et c’est certainement une excellente chose, tant le vrai sujet de Mike Flanagan n’est pas la maison hantée ou ses occupants, mais bien les survivants. L’essentiel du temps est consacré au présents, aux cinq enfants qui luttent pour vivre au quotidien, toujours hantés par les souvenirs de l’été. Ils ont tous été marqués par le décès de la mère, évidemment, mais aussi par le départ précipité et la réaction du père qui a fui précipitamment avec les enfants dans la voiture et qui a surtout refusé d’en parler par la suite. Les enfants n’ont jamais su ce qui s’était passé, ce qui n’arrange pas leur détresse psychologique et conduit au contraire à entretenir et aggraver leurs problèmes. Drogue, dépression, solitude… ils s’en sont plus ou moins bien tirés et The Haunting of Hill House peut reposer sur des personnages parfaitement bien écrits et surtout interprétés. Du grand frère qui a fait fortune sur le dos de sa famille avec des best-sellers faciles au petit dernier qui enchaîne les cures de désintox, en passant par les deux sœurs qui tentent de composer avec leur passé, l’une en travaillant dans les pompes funèbres, l’autre comme psychologue. Ce sont ces personnages adultes qui sont les vraies stars de la série et même si les enfants offrent quelques moments de suspense haletant, c’est bien eux qui font le succès de la série. Mike Flanagan a réalisé l’intégralité des épisodes, offrant aussi à la saison une qualité constante digne d’un long-métrage. Les décors numériques font parfois un petit peu cheap, mais l’ambiance est parfaitement rendue, la musique est plaisante et c’est techniquement une réussite également. Sur ce plan, la meilleure idée reste le montage éclaté entre les deux époques et le dévoilement très progressif des événements de la nuit où tout a basculé.
On s’attendait à une énième histoire de maison hantée sans grand intérêt, The Haunting of Hill House est bien plus que cela. La série de Netflix passionne justement parce que les fantômes sont relégués à l’arrière-plan et que l’intrigue se concentre sur les personnages, dans leur enfance et surtout à l’âge adulte. On dit souvent que la qualité des personnages fait tout dans une série et Mike Flanagan le prouve à nouveau. Ne passez pas à côté de cette série d’épouvante, elle mérite le détour.