Je ne devais pas aller le voir ce soir, mais les très fortes fréquentations des blockbusters un mercredi soir de sortie1 m’ont (heureusement ?) contraint à changer mon fusil d’épaule. Ne reculant pas devant l’adversité, je suis donc allé voir L’imaginarium du Docteur Parnassus, le dernier film de Terry Gilliam qui m’avait intrigué à l’époque par sa bande-annonce incompréhensible. In fine, un délire visuel complet, qui n’est finalement pas si déplaisant que prévu, à condition de se laisser porter…
L’histoire est finalement assez simple, c’est du Faust revisité par tous les délires de l’ancien Monthy Python. En gros, en échange de l’immortalité, le docteur Parnassus du titre fait un pacte avec le Diable : tous ses enfants reviendront à ce dernier à l’âge de 16 ans. Or il se trouve que ce docteur a une fille qui aura bientôt 16 ans… Le Diable propose un pari au pauvre docteur désespéré de voir partir sa fille : le premier qui gagne cinq âmes dans l’Imaginarium conserve la fille. L’Imaginarium étant un monde parallèle directement issu des pensées du Docteur Parnassus et auquel on accède par un miroir installé sur la fragile scène d’une roulotte aussi improbable que l’est le film dans son ensemble.
Vous avez perdu le fil de l’histoire dès la deuxième phrase du paragraphe précédent ? C’est à la fois normal, et finalement pas si grave. Pour le dire franchement, l’histoire de L’Imaginarium du Docteur Parnassus, on s’en fout, et pas qu’un peu. Le tout est de comprendre que deux êtres, dont rien de moins que le Diable, s’affrontent autour d’une jeune fille, avec également deux amants potentiels qui gravitent au tour. Les premiers s’occupent de l’âme, les seconds du cœur, mais même l’issue de ce double combat importe peu. À dire vrai, il n’y a pas grand-chose qui importe vraiment chez Terry Gilliam…
Le tableau semble un peu désastreux, mais il ne faut pas s’y fier. L’Imaginarium du Docteur Parnassus est d’abord et avant tout un gros délire visuel où l’on retrouve tout Terry Gilliam, depuis le Flying Circus des Monthy Python. On retrouve d’ailleurs jusqu’à l’esthétique de cette série des années 1970 (par exemple les bouches grossièrement animées sur des images fixes au départ), et autant dire que l’image n’est pas toujours du meilleur goût, surtout dans l’Imaginarium. Disons à tout le moins que le film a une esthétique propre très marquée… Certains plans sont magnifiques, d’autres oscillent entre mauvais goût et ridicule prononcé.
On ne pourra par contre pas critiquer l’inventivité visuelle du film, même si de nombreuses scènes seront familières aux amateurs de Terry Gilliam. Son univers loufoque plait ou déplait totalement, mais il faut être prévenu avant d’aller voir le film, cet univers est là et bien là et mieux vaut s’habituer sous peine de trouver le temps vraiment long. Chercher à comprendre quelque chose serait une grave erreur, il faut au contraire se laisser porter, regarder avec admiration (ou pas) ce qui passe à l’écran. Et le résultat est parfois assez poétique… quand il n’est pas juste très laid.
L’Imaginarium du Docteur Parnassus est aussi un film atypique par ses acteurs. Comme apparemment pour tous ses films, le pauvre Terry Gilliam a eu la malchance de voir la disparition d’un acteur principal de son film en la personne du regretté Heath Ledger, admiré à juste titre dans le dernier Batman. Il campe ici aussi un personnage complexe des plus passionnants qui ne peut que faire regretter l’acteur qu’il aurait pu être. La disparition du « héros » d’un film aurait fait vaciller la plupart des réalisateurs, mais pas Terry Gilliam qui a tout simplement demandé à trois autres acteurs de remplacer Heath Ledger dans les parties Imaginarium. Cela fait sens dans l’univers du film (de toute manière, on voit mal ce qui ne ferait pas sens) et le résultat n’est pas mauvais, d’autant que ces acteurs ne sont pas n’importe qui (rien de moins que Johnny Depp, Colin Farrell et Jude Law…).
Les autres acteurs sont bons, notamment Andrew Garfield, déjà repéré dans Boy A, confirme qu’il est un acteur à suivre de près. Le choix de Tom Waits pour incarner le Diable est pour le moins étonnant, mais finalement, il n’est pas si mauvais dans ce rôle de dandy diabolique.
Devant un tel film, les avis sont au moins mitigés. Certains adorent le film (ou ici, dans une moindre mesure), d’autres sont plus sceptiques… À l’heure des bilans, je dirais que j’ai passé un moment agréable en compagnie d’une bande de dingues dans un univers incompréhensible, mais je ne suis pas sûr qu’il en restera grand-chose demain.
Vous voulez m’aider ?
- Quelle idée aussi de vouloir regarder Twilight à Châtelet un mercredi à 17 heures, sans avoir réservé ? ↩