Quatre ans après Astérix : Le Domaine des dieux, le duo Alexandre Astier et Louis Clichy reviennent à la charge avec de nouvelles aventures d’Astérix en film d’animation. Ce nouveau volet est toutefois très différent, puisqu’il ne s’agit plus de l’adaptation d’une bande-dessinée, mais bien une œuvre originale. Ce n’est pas René Goscinny qui a écrit l’histoire et cela a souvent été une mauvaise nouvelle par le passé, mais on pouvait faire confiance à Alexandre Astier pour ne pas se planter. En grand fan de la licence qu’il est, le réalisateur a réussi à imaginer une histoire novatrice tout en étant respectueuse de l’univers original. À l’arrivée, Astérix : Le Secret de la potion magique est un film d’animation plaisant, très bien mené et qui devrait convenir à toute la famille.
Pour créer « son » Astérix, Alexandre Astier a imaginé une histoire à la fois très similaire à celles des bandes-dessinées, et en même temps différente sur plusieurs points importants. Le héros de cette histoire n’est pas tant le duo Astérix et Obélix, mais plutôt le druide Panoramix avec cette question qui n’était jamais apparue jusque-là dans la saga : que se passerait-il pour le village d’irréductibles Gaulois si le druide venait à disparaître ? Suite à une chute, Panoramix décidé de se trouver un successeur pour lui apprendre la fameuse recette de la potion magique qui donne au village sa force. Astérix : Le Secret de la potion magique se concentre ainsi sur cette quête d’un successeur, avec César qui complote avec un druide malveillant pour obtenir la recette à son compte. Contrairement à Astérix : Le Domaine des dieux, cette aventure est plus mobile, on se rend d’abord dans le lieu sacré des druides, puis dans toute la Gaule à la recherche d’un druide du niveau de Panoramix. Cette question de la succession n’apparaît jamais dans les albums de bande-dessinée où le temps est complètement figé et c’est une bonne manière de renouveler les enjeux. René Goscinny avait déjà imaginé un village ou des personnages affaiblis, mais il s’agissait à chaque fois d’un événement externe et temporaire. Ici, c’est plus radical, le scénario évoque la mort et en même temps la naissance, avec une place plus importante qu’à l’accoutumée pour des enfants. Dans la quête du druide parfait, une petite fille accompagne les héros et elle joue un rôle important au point d’apparaître très vite comme un successeur potentiel. Le film soulève un autre point qui n’avait jamais été abordé sur le papier : pourquoi est-ce que Panoramix réserve sa potion magique à un seul village ? Pourquoi est-ce qu’il ne l’a pas partagée avec la Gaule toute entière, ce qui aurait été dévastateur pour Jules César ?
Astérix : Le Secret de la potion magique ne répond pas à toutes ces questions, probablement parce qu’Alexandre Astier et Louis Clichy tenaient à ne pas trop s’éloigner des histoires originales. Y répondre, c’était sans doute casser quelque chose dans la saga, sortir du seul village et de ses occupants que l’on connaît si bien, et ce n’est pas du tout ce qui se passe dans cette nouvelle histoire. Au contraire, le long-métrage reste très classique dans sa structure générale, il se termine d’ailleurs avec un banquet dans le village réconcilié à la fin de l’histoire. Ce qui ne veut pas dire que l’on assiste à une simple reprise de ce que l’on a déjà vu, c’est une histoire originale après tout et il a fallu créer de nombreux éléments. En particulier, de nouveaux personnages, avec un respect de l’esprit des débuts qui fait du bien. On apprécie ainsi le jeu de mot pour le nouveau sénateur Tomcrus, mais ce n’est pas tant un défilé de jeux de mots qui est réussi, plutôt un ensemble de personnages bien écrits. En particulier, Sulfurix est particulièrement convaincant dans le rôle du méchant. Il est fourbe et malin, mené par une vengeance personnelle contre Panoramix et vraiment dangereux. Cela change par rapport aux méchants de la bande-dessinée, qui sont souvent ridicules et pas très méchants, justement. Sur ce point, Astérix : Le Secret de la potion magique dépoussière l’original et offre une vision plus intéressante de l’adversité, tout en évitant l’humour facile que l’on a pu voir, notamment dans les adaptations en images réelles. Il y a bien quelques références culturelles — un robot mécanique qui évoque Power Rangers par exemple —, mais le film adopte bien le style d’Alexandre Astier. C’est drôle, mais il y a un fond de sérieux constant, une forme de drame qui est toujours présente. On retrouve aussi son style dans l’écriture des dialogues, et dans le choix des acteurs, avec tous ses fidèles autour de lui.
À l’heure des bilans, Alexandre Astier et Louis Clichy offrent une relecture réussie de la saga avec Astérix : Le Secret de la potion magique. Ils ont travaillé dans le respect de l’œuvre originale, sans chercher à la modifier pour le plaisir du changement et sans tomber dans l’humour hyper-référencé qui est souvent la norme dans l’animation moderne, mais en lui apportant malgré tout des idées nouvelles. L’équilibre n’était pas facile à tenir, et c’est bien le cas ici, avec une animation qui dresse aussi des ponts entre modernité et tradition, tout en offrant une évolution assez nette par rapport au précédent volet.