Si l’on se contentait de résumer Jonas, on pourrait penser que le long-métrage de Christophe Charrier n’est qu’une banale histoire d’amour entre deux adolescents. Il y a de cela, mais avec une ambiance de thriller qui s’impose dès la toute première scène où Jonas est traumatisé par un événement manifestement douloureux. Que s’est-il passé exactement ? Plutôt que de le révéler très tôt, le cinéaste a préféré retardé le plus possible les explications et c’est la meilleure idée de son film. Intense et assez bref, Jonas est une très belle réussite que vous auriez tort de bouder.
Jonas est un collégien un petit peu timide de quinze ans dont la vie bascule à la rentrée scolaire de troisième, quand il rencontre Nathan. Il a un an de plus, une cicatrice sur la joue et une confiance en lui : dès que Jonas pose le regard sur lui, c’est le coup de foudre. Les deux jeunes se rapprochent très vite et Nathan entraîne son copain vers de nouveaux horizons, lui apprend à sécher les cours, à fumer et à embrasser un garçon pour la première fois. Jonas raconte tout cela, mais pas directement, ce sont les souvenirs qui reviennent dans l’esprit de son personnage principal, quinze ans plus tard. Le Jonas de trente ans n’a plus rien à voir, il s’est musclé, il a plusieurs tatouages et quand il n’est pas dans un plan cul à l’insu de son petit ami, il se bat dans le club de nuit du coin. Quand l’intrigue se met en place, son petit ami n’en peut plus et le met à la porte, ce qui fait remonter tous ses souvenirs et surtout son traumatisme. On comprend très progressivement que Nathan n’est plus là, mais on ne sait pas s’il lui est arrivé quelque chose de tragique, ou bien si c’est simplement leur histoire qui s’est mal terminée. Ce qu’il s’est passé quinze ans auparavant est un enjeu central dans le scénario, même si Christophe Charrier prend un malin plaisir à nous le faire oublier. Il préfère nous emmener dans un Toulon filmé comme si c’était Los Angeles, avec des séquences dans la nuit assez irréelles et très éloignées de la photographie réaliste de trop de films français. On apprécie aussi le jeu naturel des acteurs, loin de la théâtralité ambiante, que ce soit pour les deux jeunes, Nicolas Bauwens et Tommy Lee Baïk, ou bien pour Félix Maritaud, excellent dans le rôle de Jonas adulte. Seule fausse note à relever, les acteurs sont tous clairement trop vieux pour leur âge : ces lycéens de 15 ou 16 ans, ou bien cet autre personnage censé en avoir 18, font tous au moins cinq de plus. C’est un petit peu dommage, mais pas de quoi gâcher le plaisir, tant leur jeu est juste et convaincant.
Jonas est un téléfilm qui a été diffusé en 2018 sur la chaîne Arte, mais ce n’est pas pour autant un long-métrage au rabais. On voit bien que son jeune réalisateur, dont c’était le premier long, a le sens des détails et l’envie de réaliser une œuvre qui aurait toute sa place sur n’importe quel grand écran. Plus que la technique toutefois, c’est l’histoire qui compte et celle de Jonas est captivante et très bien racontée. À ne pas rater.