« Georges, 44 ans, et son blouson, 100% daim, ont un projet. » : le synopsis du dernier long-métrage réalisé par Quentin Dupieux dit exactement tout ce qu’il faut savoir. Pour sa dernière réalisation, le maître de l’absurde français propose une sorte de road-trip bizarre teinté de film d’horreur, une œuvre à nouveau assez difficile à classer et qui impose d’accepter de laisser porter par une histoire pas toujours évidente à comprendre. Non pas que Le Daim soit compliqué, c’est même plutôt l’inverse. On pourrait le résumer en quelques lignes et on aurait un film creux et sans aucun intérêt. Ici, comme toujours avec ce réalisateur, tout l’intérêt est plutôt dans l’ambiance et dans le nonsense britannique. Le Daim ne plaira pas à tout le monde, mais si vous aimez l’absurde et que vous appréciez de suivre une histoire sans savoir où elle va, c’est un régal.
Comme souvent chez Quentin Dupieux, l’histoire commence sur une base normale et dérive vite, avec des bizarreries qui s’accumulent de plus en plus et cassent l’illusion de normalité. George, la quarantaine, roule dans sa voiture, il passe à un péage, s’arrête prendre de l’essence et jette sa veste dans les toilettes de la station service. Puis il se rend dans une maison isolée de la montagne et on comprend qu’il a répondu à une petite annonce. Il vient acheter un blouson en daim qu’il paye en liquide. Son vendeur compte les dizaines de billets sur la table, jusqu’à 7 500. L’époque n’est pas claire, l’unité n’est pas mentionnée et on peut croire qu’il s’agit de francs, voire d’anciens francs, après tout c’est une personne relativement âgée qui vend le blouson. Le Daim reprend ainsi cette stratégie de la surprise, en avançant de plus en plus résolument vers une histoire complètement absurde et à la limite même de la farce. On n’en dira pas plus sur l’intrigue pour ne pas dévoiler cet effet de surprise, car c’est largement sur lui que le scénario se construit. Disons simplement que l’on est loin de se douter en commençant à regarder le long-métrage qu’il ira aussi loin. Quentin Dupieux n’est jamais prévisible et il parvient à surprendre avec des idées toujours plus folles. Chez un autre cinéaste, un tel film aurait pris une pente totalement différente, mais ce n’est pas le cas ici, on reste fixé sur un objectif assez dingue et on avance dans cette direction envers et contre tout. Pour que cela fonctionne, il faut de solides acteurs, capables d’assurer des séquences totalement ridicules avec tout le sérieux nécessaire pour créer un effet de déséquilibre. Le Daim peut compter sur le talent immense de son duo : Jean Dujardin comme Adèle Haenel sont tous les deux parfaits dans leurs rôles compliqués. Voir l’acteur parler avec son manteau dans cette chambre d’hôtel miteuse est un grand moment, qui justifie à lui seul de regarder le film.
Le Daim est dans la lignée de la production habituelle de Quentin Dupieux, un savant mélange de banalité et d’absurde, une montée en puissance d’un délire étrange et un humour noir parfaitement maîtrisé. Il faut apprécier cette ambiance assez particulière, accepter de se laisser porter et de voir venir, tolérer quelques incohérences passagères. Si vous tolérez cette forme d’humour et si vous ne cherchez pas une histoire qui s’explique complètement, Le Daim est un véritable plaisir à regarder.