La Maison du docteur Edwardes, Alfred Hitchcock

La Maison du docteur Edwardes ressemble tout d’abord à un mauvais manuel de psychanalyse pour les nuls. Le sujet est encore dans tout frais quand le long-métrage sort sur les toiles américaines en 1945, à tel point qu’il a fallu expliquer brièvement de quoi il s’agit avant le film. Quelques phrases résument l’idée avant qu’Alfred Hitchcock puisse déployer son intrigue et ce n’est pas un très bon résumé, c’est le moins que l’on puisse dire. En apparence, le cinéaste semble construire tout un film sur une vision simpliste et grossière de la psychanalyse, mais La Maison du docteur Edwardes est fort heureusement plus complexe et intéressant que cela. C’est un vrai thriller hitchcockien, avec une fin pleine de surprise et une tension croissante. Tolérez les débuts un petit peu poussifs, ce film est une vraie réussite qui se regarde avec toujours autant de plaisir.

Poussé par un étrange désir d’expliquer la psychanalyse de manière très didactique1, le film commence par quelques séquences assez faibles. Dans un asile isolé du Vermont, le docteur Murchison doit céder la place après avoir dirigé les lieux pendant une vingtaine d’années. C’est le jeune docteur Edwardes qui débarque pour le remplacer, mais la tout aussi jeune docteur Petersen qui est tombée immédiatement amoureuse découvre qu’il souffre d’amnésie et qu’il ne sait plus qui il est. Pour ne rien arranger, il semble se souvenir d’avoir tué celui qu’il dit être, mais la jeune femme en est persuadée : il pense être coupable, mais c’est son esprit torturé par un traumatisme lié à l’enfance qui le pousse à le croire. En vérité, il est totalement innocent et alors que la police est à ses trousses, elle va tout faire pour l’aider. La Maison du Docteur Edwardes commence ainsi par une accumulation de clichés sur la psychanalyse et quelques séquences gênantes sur le traitement de la seule femme docteur de l’institut. Fort heureusement, on sort vite de cet asile et le long-métrage se transforme en un thriller tendu comme Alfred Hitchcock sait si bien en écrire. Plusieurs séquences se construisent sur la tension liée au risque d’être découverts, par la police bien sûr, mais aussi par le responsable de la sécurité d’un hôtel ou même d’un autre psychanalyste. L’intrigue avance alors rapidement et le talent de mise en scène du réalisateur se déploie pleinement, on est happé et mené par le bout du nez jusqu’au bout. Il ne faut surtout pas révéler la fin pleine de rebondissements, même si les plus habitués auront peut-être compris en avance ce qu’il va se passer. Qu’importe, l’histoire est très bien racontée, les deux acteurs principaux sont très bons et on passe un excellent moment pendant près de deux heures. On peut regretter une bande-originale vraiment trop violoneuse dès que les deux tourtereaux sont à l’écran, mais c’est un défaut mineur qui s’efface également progressivement.

Au bout du compte, La Maison du docteur Edwardes commence assez mal, mais comme souvent avec Alfred Hitchcock, le film s’améliore et devient même très réussi au fil du temps. Sa vision de la psychanalyste est simpliste et datée, tout comme ses réflexions déplacées sur les femmes, mais le long-métrage peut aussi être très moderne sur d’autres aspects. Sa simplicité dans la gestion du thriller et du suspense est un point fort qui lui permet de happer le spectateur jusqu’à la dernière seconde. La Maison du docteur Edwardes n’est pas le plus grand chef-d’œuvre du réalisateur britannique, mais ça n’en est pas moins un très bon film.


  1. Il semble que c’est surtout le producteur, David O. Selznick, qui tenait à faire un film sur la psychanalyse, au grand dam d’Alfred Hitchcock. Plus l’histoire avance, plus on comprend qu’il a cédé un petit peu de terrain au début pour mieux reprendre l’avantage par la suite.