La famille Byrde est l’archétype de la famille américaine la plus banale, deux parents, une fille et un fils qui mèneraient une vie sans histoire… si Marty, le père de famille, ne s’occupait pas de blanchir de l’argent pour le compte d’un cartel mexicain. Ozark part de ce point de départ aux airs de déjà-vu pour construire une histoire qui évoque forcément Breaking Bad, maître du genre. Pour autant, la série créée par Netflix parvient à trouver sa propre voie sur les berges du lac Ozarks, où se déroule l’action. En étant davantage politique et en impliquant toute la famille, Bill Dubuque et Mark Williams trouvent leur rythme et parviennent à signer un divertissement très plaisant. Ozark n’atteint pas encore les sommets du genre et le scénario n’évite pas quelques facilités ici ou là, mais la création de Netflix vaut bien le détour.
Contrairement à Breaking Bad, ou encore Weeds et Good Girls qui reposaient toutes sur ce même schéma, Ozark ne s’intéresse pas vraiment à la naissance du criminel. Quand le pilote commence, Marty Byrde est déjà un comptable véreux de Chicago, qui a fait fortune en blanchissant des millions de dollars issus de la drogue pour le compte d’un cartel. L’enjeu n’est pas de savoir comment il est arrivé là, même si c’est quelque chose qui est évoqué par une série de flashbacks, mais plutôt comment il va s’en sortir. Et les scénaristes de la série ont à cœur de toujours pimenter les choses en multipliant les problèmes pour leurs personnages. Dans le pilote donc, Marty découvre que son partenaire volait l’argent du cartel et il termine très vite avec des bouts de cervelle sur lui. S’il n’est pas tué dans la foulée, c’est juste parce qu’il lance une idée folle : lui et sa famille vont quitter Chicago pour aller à Lake Ozark, une station balnéaire du Missouri fréquentée par de riches touristes l’été. Sa promesse, blanchir trois millions de dollars sur la saison estivale ou la mort. Le comptable plaque tout et déracine sa famille qui n’avait rien demandé pour débarquer dans le fin fond du Missouri, avec cette mission assez dingue et une menace de mort sur la tête de tout le monde. C’est là, le vrai point de départ d’Ozark, avec une intrigue qui se déploie sur les berges de ce lac artificiel et au cœur d’une petite communauté très isolée, comme les États-Unis ruraux en comptent si souvent. Le début de la première saison a d’ailleurs parfois tendance à s’empêtrer un petit peu dans les clichés sur ces ploucs de la campagne face aux gens de la ville qui débarquent. C’est un petit peu trop facile et assez laborieux, mais il faut laisser à la série portée par Netflix sa chance. La première saison trouve finalement son rythme et se calme sur les clichés faciles pour mieux poser ses personnages principaux et on finit par s’intéresser à eux et à la situation.
Bill Dubuque et Mark Williams imaginent par la suite tout ce qui peut arriver de plus horrible aux Byrde. La formule n’est pas très originale, pour sûr, elle a toutefois fait ses preuves et cette accumulation de problèmes qui montent crescendo maintiennent bien en haleine sur les trois premières saisons. Par miracle ou presque, Marty parvient à s’extirper de sa première mission et comme on ne quitte jamais vraiment un cartel, il en reçoit bientôt une autre et une autre. Pour blanchir tout cet argent, la famille s’investit toujours davantage dans la communauté, ce qui lui permet de se rapprocher du monde politique et aussi de croiser le chemin des mauvaises personnes. Ils perturbent le commerce d’héroïne paisible d’une vieille famille de notables du coin et ils croisent même la mafia de la ville d’à côté, ajoutant des problèmes aux problèmes. Ozark pourrait tomber dans une forme de routine plan-plan, mais ce n’est pas le cas et il faut reconnaître que le récit est bien mené, avec une injection régulière de nouvelles idées et une façon très radicale de forcer les évolutions. Plusieurs personnages secondaires importants décèdent en chemin, souvent dans le dernier épisode de chaque saison qui sert ainsi à rebattre toutes les cartes. Il n’y a rien de très original là dedans et on peut même reprocher un côté un petit peu systématique, et au passage quelques choix assez grossiers. Sans trop en dire, on pouvait imaginer bien d’autres évolutions pour le personnage de Ben dans la troisième saison, celle qui a été choisie par les scénaristes a du mal à tenir la route, elle semble forcée. Il y a ainsi quelques défauts, des choix malheureux ou des situations trop faciles qui nuisent quelque peu à l’ensemble, mais pas de quoi rejeter la série complète. D’ailleurs, la troisième saison se termine sur une belle surprise et la suivante pourrait repartir sur de nouvelles bases et apporter des idées intéressantes.
En attendant de savoir si Ozark poursuivra dans cette bonne direction, la création originale de Netflix s’est bonifiée avec le temps et sa trentaine d’épisodes à ce jour constitue une série solide. Pas forcément très originale, certes, même si on sent que les scénaristes essaient de sortir de l’opposition entre une famille « normale » et l’univers de la drogue, notamment en incluant une dimension politique qui gagnerait à être développée à l’avenir. Le casting est au point, l’ambiance glauque au rendez-vous… Ozark mérite votre attention si vous aimez le genre.