L’histoire de l’homme qui se présentait comme le fondateur de McDonald’s. Au premier abord, l’idée ne fait pas rêver, mais le biopic réalisé par John Lee Hancock a la chance d’avoir un récit bien plus intéressant qu’escompté à raconter. Le Fondateur est en fait auto-proclamé et la plus grosse chaîne de fast-food au monde a en fait été créée par deux frères et non pas du tout par Ray Kroc, sujet du long-métrage. Comment un vendeur de machines à milk-shakes est arrivé à la tête d’un empire international pesant plusieurs centaines de millions de dollars ? La question est tout de suite plus intrigante et la réponse donnée par John Lee Hancock est on ne peut plus classique, à la limite du cliché même par endroit, mais très plaisante à suivre malgré tout.
L’histoire commence dans les États-Unis de 1954, un monde très différent du nôtre en matière de restauration rapide. À cette époque, l’équivalent de nos fast-foods étaient des parkings où l’on venait se garer, sans jamais sortir de la voiture. Un serveur venait prendre la commande et revenait plus tard avec la nourriture sur un plateau, assiettes et couverts inclus. Le Fondateur commence en se focalisant sur les défauts de cette méthode, tout en posant l’ancienne vie de son personnage principal, Ray Kroc. Ce vendeur de machines à milk-shakes passait son temps à essayer de convaincre les patrons des restaurants en question d’investir dans sa machine, avec peu de succès. Personne ne voit l’intérêt d’une machine qui permet d’accélérer le processus, sauf un petit restaurant californien qui en commande huit d’un coup. Intrigué, Ray se rend sur place et découvre le premier fast-food moderne, où les gens sortent de leurs véhicules pour venir acheter de la nourriture préparée à la chaîne. Les frères McDonald ont imaginé un concept novateur, avec le même sens de la rigueur et de l’efficacité du fordisme, appliqué aux cuisines. Toute cette partie sur la naissance du concept est la plus intéressante du film et John Lee Hancock a la bonne idée de lui accorder une large place. « Dick », l’un des deux frères, avait cette vision d’une cuisine optimisée pour réaliser un hamburger en trente secondes seulement et la recherche menée pour obtenir la bonne cadence est fascinante. Tout comme son idée de se débarrasser du superflu, retirant tout de la carte et jusqu’aux couverts remplacés par des emballages en carton jetables. Tout cela nous est extrêmement familier, bien sûr, mais c’était une vraie révolution dans les années 1950, à tel point qu’il fallait expliquer le fonctionnement aux clients.
Le Fondateur n’est pas le biopic des frères McDonald toutefois, et le duo reste ainsi cantonné à un rôle secondaire. La vraie star, c’est donc Ray, un simple vendeur qui a, d’après ce qu’il a répété tout au long de sa vie à qui voulait bien l’entendre, eu une vision en découvrant le fast-food imaginé par les deux frères. Enthousiasmé par l’idée, il propose de créer des franchises dans le pays tout entier et d’en faire un standard de l’American Way of Life, visible de loin grâce aux grandes arches jaunes imaginées par Dick et présent dans toutes les villes. John Lee Hancock a quelque peu enjolivé la réalité historique en donnant l’impression que Ray a tout vu avant tout le monde, en vérité la francisation du concept avait déjà commencé avant son arrivée dans l’affaire, mais peu importe. Dans les grandes lignes, c’est bien lui qui a fait de cette petite affaire familiale un empire colossal, écartant sans ménagement les vrais fondateurs pour prendre leur place. C’est l’aspect le plus intéressant de sa vie et le réalisateur l’a fort heureusement bien senti. Le personnage impeccablement interprété par Michael Keaton n’est pas positif, au contraire même c’est un sale type prêt à tout pour s’imposer, quitte à écraser les deux frères par pure vengeance. Quand il commence à acheter les terrains pour les louer aux franchisés et à gagner des millions, il rachète de force le nom et la marque et oblige les créateurs à abandonner leur restaurant et à partir avec des chèques conséquents, certes, mais minables en comparaison de ce qu’ils auraient pu avoir. Le film n’essaie pas d’enjoliver les choses et l’acteur est, il faut bien le dire, excellent dans ce rôle, à tel point qu’il tient tout le projet sur ses épaules. Pour le reste, Le Fondateur est un biopic bien sage, qui n’évite pas quelques clichés du genre et qui occulte un petit peu trop facilement certaines réalités historiques et notamment raciales, tout en lançant un petit peu trop souvent le couplet américain.
Malgré ces petites réserves, Le Fondateur est un biopic divertissant et riche en enseignements. Il est toujours fascinant d’assister à la création d’un concept aujourd’hui aussi omniprésent et évident que peut l’être le fast-food et John Lee Hancock fait bien le travail. Et si cela ne suffisait pas, la prestation impeccable de Michael Keaton devrait finir de vous convaincre.