Défendre Jacob imagine l’impossible. Dans une petite banlieue tranquille, très blanche et très riche de Boston, un lycéen est sauvagement tué de plusieurs coups de couteaux. Toute la communauté s’agite et le procureur et parent d’élève Andy Barber s’empare de l’affaire, jusqu’au moment où Jacob, son propre fils, devient le principal suspect. La mini-série créée par Mark Bomback à partir d’un roman de William Landay se concentre alors sur l’horreur qui s’abat sur cette famille « normale », sur le procès à venir et la course contre la montre de deux parents pour tenter de prouver l’innocence de leur enfant. Le point fort de Défendre Jacob est de jouer constamment sur les doutes quant à la culpabilité de son personnage principal — il va sans dire que vous ne devez absolument rien lire de ce qui suit avant de regarder — et surtout de plonger dans le désarroi d’une famille qui explose face à l’horreur de la situation. Poignant.
Les images froides de Newton dans l’hiver de Massachusetts mettent directement dans l’ambiance. La série d’Apple TV+ a fait confiance à un réalisateur unique, Morten Tyldum qui a signé quelques longs-métrages sans beaucoup de saveur, ce qui est toujours la garantie d’une cohérence d’ensemble. Et cela passe dès le pilote par ces couleurs peu saturées et une tristesse palpable, même quand tout ne va pas encore trop mal. Et le thriller s’impose rapidement, alors que l’on découvre le cadavre de Ben, 14 ans, dans le parc à côté du lycée. L’enquête est lancée rapidement, mais il n’y a pas d’arme du crime, pas d’indice, pas de suspect évident… rien. La police patine jusqu’au moment où des preuves semblent accabler Jacob, le fils du procureur en charge de l’enquête. Il y a cette empreinte relevée sur le vêtement de Ben, ses camarades de classe qui signalent à la police qu’il a acheté un couteau et qu’il l’amenait régulièrement à l’école et surtout un mobile, puisque le camarade décédé le harcelait. La police arrête rapidement l’ado de 14 ans au moment des faits et puisque c’est le seul suspect, son procès est prévu quelques semaines plus tard. Défendre Jacob a besoin d’un petit peu de temps pour démarrer, les premiers épisodes sont assez mous, mais n’abandonnez pas en chemin. La série de Mark Bomback est construite en crescendo, elle commence lentement, mais accélère ensuite sans jamais freiner jusqu’au final et son ultime rebondissement qui vous prendra sans doute de court. Le scénario multiplie les bonnes idées pour tenir les spectateurs en haleine, la première étant évidemment que l’on ne sait pas si Jacob est coupable ou non.
Dans un premier temps, on se range à l’avis des parents : comment un garçon sans histoire et qui semble aussi gentil pourrait avoir commis un tel acte ? Sauf que cette image de l’enfant parfait craquelle vite, on découvre qu’il a acheté un couteau de l’armée américaine et qu’il l’amenait régulièrement avec lui à l’école. Et puis bientôt qu’il apprécie la pornographie violente, quand ce n’est pas de la torture. Et que dire de ces écrits sous pseudonymes où il incarne un meurtrier ? Pour ne rien arranger, on découvre que le grand-père du suspect est un violeur et meurtrier en prison depuis l’enfance de son père, ce qui pourrait laisser envisager une prédisposition génétique. Ce sont autant de preuves et d’armes dans le procès pour le procureur qui a remplacé Andy sur le dossier, mais ce sont surtout autant d’épines qui se dressent dans la conscience des parents. Persuadés au départ de l’innocence de leur enfant, la mère comme le père finissent par douter et même par moments se persuader de sa culpabilité. Comment vivre avec de tels doutes ? Et surtout, comment savoir ? Comment imaginer que son garçon pourrait tuer son camarade aussi sauvagement, puis mentir aussi froidement et aussi longtemps ? Laurie, sa mère, essaie d’obtenir des réponses auprès de la psychologue engagée par l’avocate, mais elle n’est pas satisfaite et tombe dans une forme de dépression. Même le père si solide, ou si aveugle aux signes précurseurs selon le point de vue, finit par céder à un moment donné. Jacob n’est pas le héros de cette histoire, c’est toujours un personnage secondaire dont on ne connaît pas les pensées. Le point de vue adopté par la série d’Apple TV+ est toujours externe, celui de ses parents le plus souvent, et ils ne savent pas plus que les spectateurs ce qui s’est passé. C’est très fort et la réussite de Défendre Jacob dépend en grande partie de cette idée du scénario. Jacob est-il coupable ? On ne le saura jamais avec certitude, et c’est bien plus intéressant ainsi…
Les huit épisodes de Défendre Jacob n’appellent pas de suite, malgré une fin très ouverte qui pourrait convenir comme base d’une nouvelle saison. Ce n’était pas l’idée originale, mais qui sait, peut-être qu’Apple TV+ voudra prolonger la série. Si c’est le cas, on espère que ce sera sans perdre de vue ce qui a fait le succès de ces débuts. Le doute est un excellent moteur dans un thriller et il a été remarquablement exploité dans cette création de Mark Bomback.