Mrs. America se déroule tout au long des années 1970, alors que les débats sur l’ERA faisaient rage. Inspirée par l’histoire vraie, mais enrichie avec des personnages et situations fictifs, la série de FX s’intéresse à l’Equal Rights Amendment, une proposition d’amendement de la Constitution américaine déposée dans les années 1920 et qui assure l’égalité entre les sexes au niveau fédéral. Soutenue par les Démocrates, cette proposition était fermement combattue par les Républicains et les plus conservateurs du pays et c’est un combat qui a cimenté des oppositions toujours fréquentes aujourd’hui dans le pays. Dahvi Waller montre la montée d’un conservatisme exacerbé qui préfigure a bien des égards la victoire de Trump, un pivot dans l’histoire politique américaine et une mini-série passionnante, à ne rater sous aucun prétexte.
Alors que l’ERA prévoit simplement que l’égalité entre les hommes et les femmes est garanti par la Constitution et ne peut pas être bloquée par un État, c’est devenu un symbole beaucoup plus grand. Les mouvements féministes ont le vent en poupe dans les États-Unis des années 1970 et c’est à la même époque que la franche la plus conversatrice du pays se réveille et fait de l’ERA son épouvantail. Mrs. America débute en posant rapidement ce contexte général, où les femmes restent majoritairement au foyer pour éduquer leurs enfants et satisfaire leur mari et où les hommes mènent tranquillement leurs carrières dans leur coin. En tout cas, c’est le cas de la population aisée, des WASP dont la famille Schlafly est peut-être le représentant le plus caricatural. Fred est un avocat fortuné et avec sa femme Phyllis, ils ont six enfants et des idées bien arrêtées sur ce qui constitue la grandeur de leur pays et sur le rôle de chacun dans le couple. Pourtant, Phyllis est une femme cultivée qui a notamment écrit un livre sur la défense et qui s’intéresse de près à la politique. C’est aussi le personnage principal de la série de Dahvi Waller, qui choisit en effet de parler de l’ERA en adoptant principalement le point de vue des conservatrices, même si le camp opposé est aussi présenté. C’est un choix assez courageux, en tout cas pas celui que l’on pouvait attendre initialement, mais c’est une excellente intuition de la part des féministes. Les femmes en faveur de l’ERA peuvent aussi avoir leurs difficultés et contradictions, mais leur cheminement est assez clair. En comparaison, celui de Phyllis est beaucoup plus intéressant, car ces une femme pleine de contradiction. Comment cette mère de famille éduquée et qui passe son temps à travailler peut-elle se battre contre l’égalité des sexes ? Comment peut-elle prétendre que l’ERA signifie la fin du modèle américain et obliger les filles à aller au Vietnam se battre ? Il n’en était même pas question, mais ce sont ces sujets qui sont amenés sur le devant de la scène par cette femme et ses amies, bientôt des dizaines de milliers de femme animées par la même peur du changement et par la haine aveugle du féminisme. On voit bien avec Mrs. America comment un débat « normal » peut être entièrement court-circuité par une opposition radicale, qui ne se soucie jamais des règles du jeu et joue sur la peur irrationnelle pour faire reculer tout signe de progrès. À bien des égards, la série portée par FX parle de notre époque autant que des années 1970 et c‘est ce qui la rend tout à la fois excellente et si terrifiante. Et ce d’autant plus que l’ERA n’a toujours pas été ratifié ! L’amendement a été adopté par les 38 États en 2020 seulement et il faut maintenant qu’il soit ratifié par le corps législatif, ce qui n’est pas du tout à l’ordre du jour pour les personnes actuellement au pouvoir.
Outre par le traitement de son sujet, Mrs. America brille par son casting exceptionnel et quasiment exclusivement féminin. Cate Blanchett est brillante pour incarner toutes les contradictions de Phyllis Schlafly, mais toutes les actrices autour d’elles sont parfaites dans leur rôle respectif, de Margo Martindale à Rose Byrne côté pro-ERA, et de Melanie Linksey ou Sarah Paulson dans le camp d’en face. C’est un sans faute, tout comme la bande originale tirée des années 1970 qui agrémente agréablement cette mini-série. Bonne pioche de FX, Mrs. America vaut le détour !