Fasciné par la pièce de William Shakespeare, Akira Kurosawa décide d’adapter MacBeth dans le contexte médiéval japonais. Le Château de l’araignée suit ainsi la trame générale de la pièce tout en prenant de nombreuses libertés artistiques. Si vous ignorez même cette origine, vous ne verrez qu’une histoire de combats entre seigneurs avec quelques touches de fantastique et il pourrait être impossible de voir l’origine anglo-saxonne. Savoir que c’est une adaptation ajoute un niveau supplémentaire de lecture à ce long-métrage qui frappe par sa mise en scène travaillée et souvent spectaculaire. Peut-être un petit peu trop long et porté par un jeu pas toujours subtil de son personnage principal, Le Château de l’araignée reste un classique qui vaut la peine d’être vu.
MacBeth se déroulait dans l’Écosse du XIe, un cadre qui n’est pas si différent du Japon médiéval. Cela explique pourquoi la transposition de la pièce semble si naturelle, même si le japonais ne permet pas de traduire la langue de Shakespeare. Akira Kurosawa compense avec le poids des images et une mise en scène qui impose dès le départ un sens du fantastique, avec ces paysages de montagne déserts, parcourus par des nappes épaisses de brouillard. Une chanson célèbre la fin du Château de l’araignée et le film remonte ensuite le temps pour introduire ses personnages et en particulier Washizu et Miki, deux généraux du seigneur local qui se perdent dans la forêt de l’araignée. Cet endroit est réputé pour ses chemins tortueux qui servent de défense au château et les deux généraux, pourtant familiers des lieux, tournent en rond jusqu’à l’apparition d’un esprit qui leur annonce leur futur. Washizu est censé devenir maître d’une baronnie locale, puis du château à côté, avant d’être remplacé par le fils de Miki. Comme dans la pièce, le personnage principal raconte la prophétie à sa femme et c’est elle qui le pousse, le force presque, à provoquer la prophétie en sa faveur. Le Château de l’araignée déroule alors méthodiquement ce qui était annoncé, en multipliant les morts au passage, jusqu’à la fin tragique du seigneur aveuglé par ce qui lui a été promis. Même si vous n’associez pas cette trame narrative au dramaturge britannique, le long-métrage d’Akira Kurosawa développe une intrigue belliqueuse que l’on imagine sans difficulté dans ce contexte historique. Le rôle de la femme du général, qui le pousse sans relâche pour tuer son seigneur et prendre le pouvoir, est très bien rendu et Isuzu Yamada, froide et calculatrice, en propose une excellente interprétation. Face à elle, Toshirō Mifune en fait des caisses, peut-être même un petit peu trop pour le bien du film. L’acteur fétiche du cinéaste multiplie les grimaces et postures ampoulées, ce qui passe d’autant moins que ses prestations traînent parfois en longueur. La fameuse scène de mise à mort à la fin, où de vrais archers ont tiré sur l’acteur pour renforcer son réalisme, est en particulier trop longue et devient un petit peu ridicule.
Malgré ces critiques, Le Château de l’araignée reste une œuvre frappante par sa mise en scène spectaculaire qui témoigne d’un tournage que l’on sait bien complexe. La reconstitution du château sur les pentes du Mont Fuji est payante et Akira Kurosawa sait parfaitement le mettre en avant en utilisant les masses de brouillard. La forêt est elle aussi un acteur à part entière et les séquences qui y prennent place sont magnifiques. Autant de points positifs pour ce classique qui mérite le détour.