Giri/Haji est une série britannique commandée par la BBC, mais son titre est bien composé de deux mots japonais : « giri », le devoir, et haji, la honte. Tout un programme pour une histoire qui oscille entre enquête policière suite à un meurtre et drame familial, et entre le Royaume-Uni et le Japon. Avec un casting mixte et surtout des dialogues écrits dans chaque langue, la création de Joe Barton trouve un équilibre délicieux entre les deux pays et les deux cultures. La première saison sera malheureusement la seule, la BBC n’ayant pas renouvelé la série après sa diffusion, mais ce n’est pas une raison pour la bouder. Giri/Haji apporte un vent de fraîcheur venue d’Orient et ses huit épisodes sont très plaisants.
Tout commence par un meurtre à Londres qui provoque une guerre des yakuzas à Tokyo. Le neveu de l’une des familles est tué avec le sabre d’une autre famille, c’est une déclaration de guerre après des années de paix. Pour tenter d’éviter le pire, Kenzo Mori est envoyé à Londres pour enquêter et retrouver le meurtrier présumé, que l’on pense être son frère passé pour mort quelques années auparavant. Le détective se rend incognito dans la capitale britannique et il découvre que son frère est bien impliqué, ainsi qu’un mafieux londonien et surtout, que tout est contrôlé depuis le Japon. Giri/Haji déploie ainsi une enquête policière assez conventionnelle, si ce n’est qu’elle se déroule entre deux pays et surtout deux cultures qui s’affrontent. C’est un aspect important de la saison, mais pas le seul et peut-être même pas le plus important d’ailleurs. Kenzo Mori quitte le Japon et sa famille en situation de crise. Il a du mal à éprouver de l’amour pour sa femme et il tolère difficilement sa mère angoissée par son père mourant. Au fond, il est bien content de quitter le pays et Londres est un havre de paix, où il découvre une autre femme et se forme une sorte de famille bizarre avec Rodney, un jeune gay qui l’assiste dans son enquête. Quand sa fille lycéenne fugue et débarque à son tour dans la capitale britannique, c’est sa famille qui explose et qui se recompose à l’autre bout du monde, alors même qu’au Japon, les drames se succèdent également. Il se passe beaucoup de choses sur ces huit épisodes et les scénaristes ne manquent pas d’idées pour bousculer les personnages et imaginer des situations impossibles. Si la série a la main un petit peu lourde sur les flashbacks explicatifs largement inutiles, elle avance à bon rythme et reste toujours très divertissante, avec un alliage nippo-britannique qui fonctionne à merveille. On pouvait craindre un saupoudrage de yakuzas et de clichés, mais non, le créateur de la série est manifestement un fan et son exploration du Japon dépasse les simples lieux communs. On apprécie le choix d’acteurs japonais et surtout de multiples dialogues dans la langue, avec plusieurs scènes qui jouent astucieusement sur les problèmes de compréhension et les décalages. C’est très bien réalisé et la réussite de Giri/Haji tient en grande partie à cette alliance de deux mondes. Elle peut aussi compter sur des personnages bien écrits, sans fausse note. Tout au plus peut-on regretter le parcours de Rodney vers la fin, avec un rebondissement qui va un poil trop loin, mais l’ensemble se tient et les acteurs sont tous excellents.
Dommage, dans ces conditions, de savoir que la série a été annulée après cette première saison. On aurait aimé retrouver tous les personnages de Giri/Haji dans une suite, découvrir ce que la nouvelle famille recomposée de Kenzo aurait pu donner et savoir ce qui allait arriver à son frère. Joe Barton n’a pas eu cette opportunité, mais il a réussi à offrir huit épisodes d’une série originale et très bien menée. À découvrir.