Largement inspiré des souvenirs du réalisateur, Ton nom en plein cœur se déroule dans un Taïwan en plein changement. C’est en 1987 que l’île sous domination chinoise jusque-là lève la loi martiale en place et accorde à ses habitants davantage de liberté. Pour autant, on n’efface pas des années de dictature militaire du jour au lendemain et l’intrigue imaginée par Liu Kuang-hui ne peut pas s’y dérouler aussi librement que son personnage principal le voudrait. Ton nom en plein cœur est l’histoire d’un premier amour entre deux lycéens, un amour interdit et réprimé à la fois par le lycée catholique et par une société encore très marquée par l’homophobie. Des thèmes trop classiques pour toute la communauté LGBT, mais aussi un joli message d’espoir de la part de ce pays qui a été le premier à autoriser le mariage homosexuel en Asie. Porté par deux acteurs touchants qui apportent toute la crédibilité nécessaire à l’histoire d’amour, un très joli film à ne pas rater.
« A-han » et « Birdy » se rencontrent dans un lycée privé catholique de garçons à Taïwan et les deux garçons se lient vite d’amitié. Quand le prêtre québécois d’origine qui leur enseigne la musique les encourage à « profiter du moment » — en français dans le texte —, A-han se rapproche de son camarade de classe qui ne semble pas indifférent à ses avances. Dans le Taïwan de 1988 toutefois, une relation homosexuelle est encore très mal vue, d’autant plus dans cet environnement catholique rétrograde. Quand l’école devient mixte, Birdy se laisse séduire par l’une des filles pour tenter de retrouver la norme hétérosexuelle, mais A-han refuse de lâcher celui qu’il aime de tout son cœur. Même si A-han n’est pas une copie parfaite de Liu Kuang-hui, le réalisateur s’est inspiré de sa propre vie et de son attirance pour un camarade de classe quand il était lui-même au lycée pour écrire Ton nom en plein cœur. C’est ce qui rend d’entrée de jeu cette histoire d’amour si attachante, la note personnelle est sensible et elle ajoute une dimension supplémentaire. On peut imaginer la peur ressentie face à l’homophobie ouverte des autres garçons, au point où A-han envisage même à un moment de frapper un camarade suspecté d’être gay pour éviter le jugement des autres. Une violence qui se retrouve à tous les niveaux et que le personnage principal ne comprend pas. Dans l’une des scènes les plus intenses du film, il interroge le prêtre et professeur de musique pour lui demander pourquoi son amour serait moins pur parce qu’il aime un garçon au lieu d’une fille. Une interrogation qui a secoué tant de jeunes homosexuels à toutes les époques et qui reste encore hélas trop souvent d’actualité.
Même s’il se se base sur sa propre histoire, le film de Liu Kuang-hui touche à l’universel en parlant d’amour interdit et de triangle amoureux. D’ailleurs, quand il décrit son projet, le réalisateur explique qu’il ne voulait pas tant écrire un « film LGBT » qu’une histoire d’amour, qui se trouve être entre deux garçons. Il est vrai que le scénario aurait pu fonctionner sans cela, même si Ton nom en plein cœur est indéniablement plus plus riche grâce à ce choix et plus fort pour tous les jeunes spectateurs qui ne rentrent pas dans le moule hétérosexuel. Le parcours de Birdy, qui semble lui aussi attiré par son camarade de classe, mais qui le repousse systématiquement, est très intéressant à cet égard. D’un côté, on pourrait souligner sa lâcheté, mais il n’a jamais eu l’impression d’avoir eu un choix, comme il l’exprime de façon cruelle à la fin, quand il constate devenu adulte que la société a bien changé. Dans le Taïwan de 1988, être homosexuel n’était pas compatible avec une vie rangée et il a jugé plus simple de vivre dans le mensonge en rejetant l’homme qu’il aimait pourtant. Il faut souligner à quel point les personnages sont bien écrits et les deux jeunes acteurs s’en sortent bien. Loin de plonger directement dans la comédie romantique, Liu Kuang-hui a choisi de laisser du temps pour que l’histoire s’installe, que l’amitié entre les deux garçons soit crédible et ainsi que l’amour naissant soit bien réel. Cette approche est payante et Edward Chen comme Jing-Hua Tseng parviennent à donner de l’épaisseur réaliste à leur relation fictive. Leurs scènes en commun, notamment dans l’intimité de la douche ou de la plage, sont touchantes grâce à ce jeu fusionnel et Ton nom en plein cœur n’aurait pas fonctionné sans eux. Quand A-han diffuse la chanson éponyme créée pour le film au téléphone et que les larmes commencent à couler des deux côtés du combiné, comment ne pas être ému à son tour ?
Ton nom en plein cœur est une réussite, grâce à son excellent duo d’acteurs, mais aussi grâce à une réalisation qui prend son temps pour poser les personnages et leur offrir une véritable crédibilité psychologique. Le long-métrage réalisé par Liu Kuang-hui n’est pas radicalement nouveau, mais on a besoin de découvrir davantage d’histoires comme celles-ci, surtout dans une région du monde où l’homosexualité est encore trop mal acceptée. Et puis c’est aussi une comédie romantique et une très belle histoire d’amour avant tout. Ne passez pas à côté de Ton nom en plein cœur.
Vous voulez m’aider ?
C’est le 1800e article publié sur ce blog !