Excepté un téléfilm sorti deux ans auparavant, Si tu tends l’oreille est la première production majeure du studio Ghibli qui n’est réalisée ni par Hayao Miyazaki, ni par Isao Takahata. Yoshifumi Kondō est un habitué du studio, il a dirigé l’animation de plusieurs long-métrages antérieurs, mais c’est la première fois qu’il réalise lui-même un projet. Miyazaki n’est pas loin, c’est son nom sur ce scénario qui adapte un manga écrit par Aoi Hiiragi et toute son influence, de l’Europe à l’artisanat en passant par une petite irruption du fantastique dans le réel, est bien là. Pour autant, Si tu tends l’oreille est une œuvre à part dans la filmographie du studio japonais, une romance simple et pleine de douceur entre deux collégiens qui évoque le travail plus récent de Makoto Shinkai. Un joli film.
Il est beaucoup question d’amour dans Si tu tends l’oreille. Celui de Shizuku, une collégienne qui adore lire et qui se met à rêver à Seiji, cet autre collégien qu’elle retrouve sur plusieurs fiches d’emprunts et qui semble avoir les mêmes goûts qu’elle. Mais aussi celui de Yuko, sa meilleure amie qui craque sur un garçon de sa classe qu’elle n’intéresse pas. Le scénario, comme souvent chez Ghibli, entremêle la banalité du quotidien à une dose de mystère, qui se révèle quand la collégienne suit un gros matou qui prend le métro et semble vivre sa vie seul. Il la mène à une étrange boutique située sur les hauteurs de Tokyo où se déroule l’histoire et elle découvre un vieil homme et des objets fascinants. En particulier, elle tombe sur une figurine de chat, un baron habillé à l’européenne avec son haut-de-forme et son nœud papillon. Ce n’est qu’une figurine ici, mais elle prend déjà vie dans l’esprit fertile de Shizuku qui imagine un roman avec ce personnage. C’est lui qui donne lieu par la suite à un spin-off, tant sous la plume d’Aoi Hiiragi que chez Ghibli, avec Le Royaume des chats. En attendant, Yoshifumi Kondō opte pour une histoire moins extraordinaire, sans être simple pour autant. C’est une romance entre deux collégiens qui se découvrent et tombent amoureux. Mais c’est aussi une lettre d’amour à l’artisanat, que ce soit celui de Shizuku qui écrit son premier roman, ou celui de Seiji qui crée ses premiers violons. C’est une thématique transversale pour le studio et on retrouve bien l’influence de Hayao Miyazaki, tout comme son amour pour l’Europe transparaît dans cette boutique, avec sa vieille horloge mécanique. Si tu tends l’oreille garde cette grande qualité maison, avec une histoire touchante sans tomber dans le niais et une œuvre qui parlera à toutes les générations. On apprécie aussi le traitement du personnage principal, une fille indépendante loin des princesses que l’on trouve trop fréquemment dans le cinéma d’animation occidental.
Sans être atteindre le niveau des meilleures réalisations de Ghibli, Si tu tends l’oreille est un film attachant qui mérite d’être vu. L’équilibre du scénario, entre vie de tous les jours, amourette de collège et pointe de fantastique, est parfait et c’est une histoire touchante sans tomber dans la facilité. C’est surtout une belle célébration de la passion et de l’imagination fertile de ces pré-adolescents qui ont encore la liberté de choisir leur propre voie. Yoshifumi Kondō est mort quelques années après la sortie de son unique long-métrage et on aurait aimé voir ce que le successeur pressenti à la tête du studio Ghibli avait à offrir. À défaut, Si tu tends l’oreille vaut le détour.